Des rats rendus paraplégiques ont pu remarcher, grâce à une expérience et un dispositif innovant. Les explications de Grégoire Courtine, qui a dirigé ces recherches à Lausanne.
Des rats, rendus paraplégiques par une lésion de la moelle épinière, ont pu remarcher comme avant. Tel est le résultat spectaculaire que publie dans le magazine Science une équipe de chercheurs de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL, Suisse) menée par le français Grégoire Courtine. L’étude révèle qu’avec une stimulation chimique, puis électrique, et un entraînement physique soutenu, la moelle épinière se «réveille» et recommence à contrôler le mouvement des jambes. Mieux, les chercheurs obtiennent 100% de récupération du mouvement volontaire, c’est-à-dire gouverné par le cerveau. Une première qui "ouvre la voie à de nouvelles stratégies" nous explique le chercheur Grégoire Courtine.
Sciences et Avenir: Dans votre étude, des rats paraplégiques remarchent. Comment avez-vous réalisé cet exploit?
Grégoire Courtine: Au départ ces rats souffrent d’une lésion, quasi-totale, de la moelle épinière. Les commandes du cerveau qui actionnent d’ordinaire les muscles des jambes ne répondent plus. Notre méthode consiste à appliquer deux types de stimulations en dessous de cette lésion. D’abord par l’injection d’un cocktail de molécules stimulant les neurones, des monoamines (adrénaline, noradrénaline, dopamine… ce cocktail a fait l’objet d’une précédente publication), puis quelques minutes plus tard par la stimulation électrique, via des électrodes implantées sur la partie dorsale de la moelle épinière. Ces deux interventions « réveillent » la moelle épinière.
La moelle épinière d’un paraplégique est-elle donc seulement «endormie»?
Les travaux de Charles Scott Sherrington, prix Nobel de médecine en 1932, établissaient déjà que, sous la majorité des lésions médullaires, la circuiterie nécessaire et suffisante pour promouvoir la marche était là, mais dans un état dormant. Notre objectif a été d’apporter à la moelle épinière ce que le cerveau lui apporte en temps normal : des molécules activatrices et des impulsions électriques.
Et cela suffit pour remarcher?
Disons qu’une fois stimulée, la moelle épinière est de nouveau capable de recevoir et d’interpréter les signaux que lui envoient les organes sensoriels. En l’occurrence pour la marche, ce sont les capteurs situés au niveau de la voûte plantaire et dans les muscles. Cela ne suffit pas cependant. Il faut ensuite beaucoup d’entraînement. Le rat paraplégique stimulé est placé sur le tapis roulant, soutenu par une sorte de harnais robotisé. On va l’entraîner ainsi pendant de nombreuses semaines. Au bout de 2 à 3 semaines, le rongeur fait des pas malhabiles. Au bout de deux mois, il court sur le tapis roulant.
Cette marche réactivée reste involontaire, provoquée par le tapis roulant?
Au départ, c’est en effet une marche automatique mais à notre grande surprise le cerveau reprend le contrôle. Dans notre étude, nous avons enregistré l’activité cérébrale du rat durant la marche. Et bien on observe que les neurones du cortex moteur se réactivent petit à petit. Au final, on obtient des animaux qui marchent en soutenant l’ensemble de leur poids corporel, franchissent des obstacles, et peuvent même monter un escalier, grâce à leurs nerfs qui repoussent ! De nouvelles connexions se forment avec l’entraînement. Le cerveau établit des ponts, des relais, sorte de détours qui permettent de passer l’information au-delà de la lésion. Sans entraînement, ces ponts ne s’établissent pas.
Cette reconnexion peut donc se faire toute seule?
Je pense que l’on peut être optimiste pour l’avenir et imaginer que la marche volontaire va se rétablir naturellement à force d’entraînement. Au moins chez ceux dont les lésions sont incomplètes : si quelques voies d’entrées vers le cerveau sont préservées, les fibres de la moelle épinière et du cerveau vont se reconnecter, à force de pratique, grâce à la neuroplasticité. Par ailleurs, un de nos projets consiste à créer un pont artificiel entre le cerveau et la moelle épinière pour qu’ils puissent communiquer entre eux. C’est l’objet du gros programme européen NeuWalk.
Pourquoi vous servez-vous d’un harnais robotisé pour l’entraînement ?
Car il permet un entraînement actif. Si on entraîne ces rats uniquement sur un tapis roulant (comme le font la plupart des patients actuellement) on ne voit pas de neuroplasticité des voies nerveuses en provenance du cerveau. Le robot que l’on a créé agit un peu comme si deux physiothérapeutes aidaient le patient à marcher en le soutenant s’il tombe, mais sans l’aider à aller en avant. Le robot fournit des conditions sécurisées pour que le rat essaye par tous ses moyens de reprendre le contrôle de ses pattes paralysées. Les premières séances comprennent 90% de tapis roulant et 10% de robot et puis, petit à petit, les proportions s’inversent.
A quand le premier essai clinique chez l’homme ?
Dans un ou deux ans. Nous avons déjà identifié le premier patient potentiel, un jeune homme devenu paraplégique suite à un accident. Nous désirons lui implanter notre neuroprothèse électrique qui serait comme une deuxième peau, une membrane contenant des électrodes, appliquée sur la partie dorsale de sa moelle épinière, sous la lésion. Après une semaine ou deux, on débutera l’entraînement avec un robot fabriqué par l’école polytechnique Fédérale de Zurich. Il n’y aura pas de stimulation chimique chez l’homme dans un premier temps car cela demande encore d’autres autorisations.
Quelles sont vos sources de financements ?
Je coordonne le projet européen NeuWalk (9million d'euros) et j'ai une ERC (European Research Council) Walk Again (1.5 million euros), des financements du Fond National Suisse pour la Recherche, ainsi que divers fonds de recherche privés, en plus de ma chaire «réparation de la moelle épinière» qui est sponsorisée par la Fondation Internationale pour la recherche en Paraplégie (IRP).
Vous êtes français, vous travaillez en Suisse. Pensez-vous que l'on pourrait réaliser ce type de projet en France?
Le système français ne favorise pas l'éclosion de jeunes chercheurs indépendants hébergés au sein d'un environnement dynamique et flexible (administratif, financier); ce qui complexifie la réalisation de ce type de projets ambitieux, risqués, et couteux sur les animaux. En revanche, les succès de certains essais cliniques en France montre que le passage de la recherche appliquée à l'implémentation clinique est possible.
Pourquoi avez-vous choisi de quitter la France pour la Suisse?
J'ai quitté la France pour l’Université de Californie à Los Angeles après ma thèse sur la plasticité et la motricité en 2008. En Californie, j'ai eu la chance de m'immerger dans le monde de la recherche américaine à travers de nombreuses collaborations: une atmosphère aux antipodes de mon expérience hexagonale. Après des avancées significatives à UCLA, l'université de Zurich m'a offert l'opportunité d'ouvrir mon propre laboratoire de recherche avec une liberté totale à l'âge de 32 ans; un système à l'américaine: hautement risqué (contrat de 5 ans) mais avec des moyens qui permettent de démontrer ses capacités. Mon équipe initiale de 2 personnes (venus avec moi d’UCLA) s'est rapidement étoffée grâce à des fonds externes pour atteindre 15 personnes sous ma direction: une situation qui semble impossible en France ou le mandarinat à encore de belles heures devant lui ! A présent à l'EPFL, je retrouve le même système anglo-saxon qui m'offre énormément de liberté intellectuelle et organisationnelle, ainsi qu'un esprit d'ouverture et de communication.
En quoi votre étude va-t-elle bouleverser la recherche sur la paraplégie ?
Est-ce que notre approche – totalement nouvelle - va guérir les lésions de la moelle épinière? Non. Mais elle ouvre la voie à de nouvelles stratégies qui devraient constituer la base thérapeutique pour les interventions de réparation de la moelle épinière dans le futur. Dans ce sens, cette publication marque un tournant dans la recherche en paraplégie. On ne pourra plus concevoir les prochaines études et les thérapies pour l'homme de la même manière dans le futur.
source : http://www.sciencesetavenir.fr/fondamental/20120531.OBS7225/paraplegie-reveiller-la-moelle-epiniere-pour-remarcher.html
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