Doutes sur l'habitabilité des superterres autour des naines rouges
Les exoterres situées dans la zone d'habitabilité de leur étoile se comptent très probablement par milliards dans la Voie lactée. Mais une équipe d'astrophysiciens vient de rappeler que les naines rouges, autour desquelles ces exoplanètes se trouvent en majorité, ne sont pas forcément des environnements favorables pour la vie. Leur champ magnétique est capable de faire disparaître l’atmosphère des exoterres.
La majorité des étoiles de la Galaxie sont des naines rouges dont la masse est inférieure à celle du Soleil. On estime qu’elles représentent 160 milliards sur les 200 milliards d'étoiles dans la Voie lactée. Les découvertes sur les exoplanètes, et notamment sur les superterres comme celles en orbite dans la zone d’habitabilité de l’étoile Gliese 667C, laissent penser qu’il existe des milliards d’exoterres habitables dans la Voie lactée. Les plus proches seraient même à moins de 22 années-lumière du Soleil.
De nombreuses inconnues empêchent toutefois d’utiliser simplement ces nombres dans la formule de Drake pour estimer le nombre de civilisations technologiquement aptes à discuter avec nous au moyen d’ondes radio dans la Galaxie. L’une de ces inconnues concerne les caractéristiques propres aux naines rouges. On ne sait pas encore avec certitude si elles constituent vraiment des environnements favorables à l’apparition de la vie et à son évolution au-delà de simples micro-organismes. Ou pour le moins, on ignore encore quelle fraction d’entre elles permettrait à des formes de vie d’évoluer sur une longue durée.
Xavier Delfosse, de l’institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble (Ipag), nous avait détaillé les colères des jeunes naines rouges. En tant que codécouvreur des systèmes planétaires de Gliese 581 et Gliese 667 C, deux naines rouges de type M hébergeant des superterres dans leur zone habitable, il nous avait expliqué que « les naines rouges de type M sont sujettes à de fortes éruptions génératrices, entre autres, de flots de rayons X ou ultraviolets. Mais c’est surtout pendant le premier milliard d’années de leur existence que l'activité de ces astres peut menacer l’habitabilité d’une superterre, en risquant de faire perdre l'eau de l'atmosphère de la planète. Cela va dépendre de la masse et de la magnétosphère de l’exoplanète, c'est-à-dire de son champ magnétique ».
« Des simulations complexes ont été menées par des équipes à travers le monde. Elles semblent indiquer que pour des superterres assez massives et entourées d’un bouclier magnétique, les éruptions de leur étoile ne génèrent pas forcément une érosion de leur atmosphère, qui conduirait à sa disparition ainsi que celles de l’eau de ses océans. Le Soleil lui-même a connu une jeune phase agitée similaire, mais seulement pendant les 100 premiers millions d’années de son existence. Cela n’a pas empêché la vie d’apparaître sur Terre. Pour les planètes autour des naines rouges, seules les mesures à venir de leur atmosphère nous donneront de réelles indications de la façon dont elles survivent, ou non, à cette phase très active. »
Une équipe internationale d’astrophysiciens s’est penchée sur l’influence de la magnétosphère des naines rouges sur celles des exoterres en orbite dans la zone d’habitabilité. Les résultats de leurs travaux ont été récemment exposés dans un article publié sur arxiv. Ils reposent notamment sur les mesures des caractéristiques de la magnétosphère d’un petit échantillon de naines rouges.
Le problème que les astrophysiciens cherchaient à résoudre était issu des tentatives pour comprendre pourquoi Mars a perdu son atmosphère. La magnétosphère d’une planète peut, si elle est suffisamment forte, protéger son atmosphère du flux des particules du vent solaire de son étoile hôte. Dans le cas contraire, ce flux va lentement éroder l’atmosphère de la planète et conduire à sa disparition. Mars connaît cette mésaventure car elle ne possède pas un champ magnétique suffisamment intense. Son atmosphère s'étend sur des centaines de kilomètres au-dessus de la surface, et elle est ionisée par le rayonnement solaire ultraviolet. Le vent solaire est magnétisé, et il en résulte que son souffle entraîne avec lui les ions de la haute atmosphère. On a pu estimer l’effet de cette érosion grâce aux mesures de la sonde russe Phobos 2 en 1989. La sonde Maven (Mars Atmosphere and Volatile EvolutioN), qui sera lancée à la fin de l'année, s'installera en orbite autour de la Planète rouge pour étudier ce phénomène mal connu.
De cette façon, on peut rendre compte d’une grande partie de la perte de l’atmosphère de Mars en quatre milliards d’années. Qu’en est-il de ce phénomène sur les exoplanètes autour de naines rouges ?
Il se trouve que malheureusement, ces étoiles possèdent un fort champ magnétique quand elles sont jeunes. Or, à cause de leur faible luminosité, de seulement 0,02 % à 6 % de celle du Soleil, les exoterres doivent se trouver dans une zone d’habitabilité comprise entre 0,05 et 0,4 UA. D’après les calculs de l’équipe d’astrophysiciens, l’influence de la magnétosphère des jeunes naines rouges est si forte que seules des exoplanètes avec un fort champ magnétique peuvent contrecarrer l’effet de l’érosion atmosphérique engendré. En effet, cette magnétosphère tend à comprimer celle des exoterres et à réduire son effet protecteur en diminuant son épaisseur. Même une planète similaire à la Terre avec son champ magnétique perdrait assez rapidement son atmosphère. Il n’est donc pas du tout évident qu’un nombre important d’exoterres puissent conserver leur atmosphère pendant longtemps. On comprend donc bien que cette information n’est pas réjouissante pour les exobiologistes.
Cependant, le champ magnétique des naines rouges tend à devenir moins intense avec le temps, car il est relié à la vitesse de rotation de ces étoiles. Celle-ci devient plus faible au fur et à mesure que les étoiles prennent de l’âge. Selon les chercheurs, lorsque la période de rotation devient supérieure à quelques mois, il semble qu’une exoterre puisse conserver son atmosphère dans la zone d’habitabilité de la naine rouge.
Il faut garder à l’esprit que toutes ces conclusions viennent de l’étude de seulement 15 naines rouges de type M. Il faudrait mesurer l’intensité de la magnétosphère d’un plus grand nombre de ces étoiles dans la Voie lactée pour y voir plus clair quant à la fraction d’exoterres réellement habitables dans la Galaxie. Des programmes d’étude sur cette question sont en développement, comme Spirou (un spectropolarimètre infrarouge).
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