source de l'image : http://science.vulcania.com/terre-volcans/terre-et-tectonique/tectonique-des-plaques.html
Une cartographie inédite devrait déboucher sur une réévaluation des normes parasismiques.
"Il reste beaucoup à faire pour améliorer l'évaluation du risque sismique." Fabrice Cotton, professeur de sismologie à l'université Joseph-Fourier (Grenoble-I), fait partie de la cinquantaine de scientifiques qui viennent de dresser les premières cartes harmonisées de l'aléa sismique à l'échelle de l'Europe, dans le cadre du programme Share (Seismic Hazard Harmonization in Europe). Un outil précieux pour les services chargés de l'élaboration des normes parasismiques comme pour les industriels exploitant des installations sensibles.
La géographie générale de la sismicité sur le continent européen est connue. Elle résulte, principalement, de l'affrontement entre les plaques tectoniques africaine et eurasienne. Le danger est le plus fort en Turquie, en Grèce et dans la péninsule des Balkans, en Italie et en Roumanie.
En France métropolitaine, où les zones les plus actives sont les Pyrénées, les Alpes, le Jura et le fossé rhénan, suivis du Massif armoricain et du Massif central, le seul tremblement de terre de magnitude supérieure à 6 depuis un siècle a été celui de Lambesc (Bouches-du-Rhône), qui fit 46 morts le 11 juin 1909.
"Nous n'en sommes qu'au tout début de la compréhension du fonctionnement des failles, souligne pourtant M. Cotton. Faute de connaissances suffisantes, l'aléa sismique est encore mal évalué."
Cette évaluation repose, pour les décennies récentes, sur les mesures des instruments terrestres sous-marins ou satellitaires qui enregistrent les déformations de la croûte terrestre. Et, pour les périodes plus anciennes, sur les archives du dernier millénaire. Ainsi du tremblement de terre de Bâle, en 1356, qui ravagea un vaste territoire à cheval sur la Suisse, la France et l'Allemagne. Ou de celui de Lisbonne, en 1755, responsable de 50 000 à 100 000 morts.
CENTRALES NUCLÉAIRES, BARRAGES HYDRAULIQUES OU SITES INDUSTRIELS CLASSÉS
Mais, prévient le chercheur, "il peut se produire des secousses beaucoup plus fortes que les séismes historiques de référence". Témoin, la catastrophe de Fukushima, le 11 mars 2011. Le séisme de Tohoku, qui, avec le tsunami qui l'a suivi, a fait 19 000 morts et a dévasté la centrale nucléaire japonaise de Fukushima, était de magnitude 9, alors que les tremblements de terre de référence dans la région ne dépassaient pas 7,3. En outre, ajoute le sismologue, "des failles bloquées généreront, un jour, des séismes là où l'on n'en a pas observé par le passé".
Or c'est en fonction des séismes historiques qu'est calculée jusqu'à présent la robustesse des centrales nucléaires, des barrages hydrauliques ou des installations industrielles classées, notamment de la chimie. Le séisme de Bâle a ainsi servi de référence à EDF pour la centrale nucléaire alsacienne de Fessenheim. D'où la nécessité de mieux quantifier l'aléa sismique, c'est-à-dire la probabilité de secousses dans une zone et une période de temps données.
Tel était l'enjeu du programme Share. Fédérant treize pays – dont la Turquie et l'Algérie –, pour un coût de 4,1 millions d'euros financé à 80 % par l'Union européenne, il a mobilisé pendant quatre ans sismologues, tectoniciens, géodésiens et ingénieurs du génie civil. Avec, côté français, l'Institut des sciences de la Terre (universités de Grenoble et de Savoie, CNRS, IRD, LCPC) et le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).
Les scientifiques ont passé en revue les données historiques et les enregistrements depuis trente ans. Pour tenir compte de la possibilité d'événements telluriques plus violents que ceux documentés dans le passé, ils ont revu à la hausse les magnitudes maximales envisagées, de 0,5 à 1 degré supplémentaire, un niveau de plus sur l'échelle de Richter équivalant à une multiplication par 32 de l'énergie libérée. Ils ont aussi construit de nouveaux modèles de prédiction des vibrations du sol adaptés au contexte géologique européen, en intégrant les incertitudes. Enfin, ils ont produit des cartes probabilistes de l'aléa sismique en Europe.
ÉVALUER L'ALÉA SISMIQUE À L'ÉCHELLE DE LA PLANÈTE
Cette cartographie prédit, par exemple, le niveau de vibrations que pourraient subir des bâtiments, avec une probabilité de 10 %, dans les cinquante ans à venir. Ou, avec une probabilité de 5 %, dans les cinq prochains siècles. Des échelles de temps qui couvrent la durée de vie de la plupart des constructions et sites industriels, l'objectif final étant d'affiner les futures règles parasismiques européennes.
Ce n'est qu'un début. Un nouveau projet de recherche (Strest), qui démarrera en octobre pour trois ans et auquel sont associés des industriels, va étudier les tests de résistance les mieux à même de prémunir les "infrastructures critiques" contre les aléas naturels. Et confronter les méthodes d'évaluation des événements extrêmes, séismes, crues ou tsunamis.
L'Europe n'est pas seule à creuser ce sillon. Un programme mondial, le Global Earthquake Model, qui réunit des partenaires publics et privés, vise à évaluer l'aléa sismique à l'échelle de la planète. Une façon de "partager les connaissances entre pays avancés et pays en développement", commente Fabrice Cotton, face à un risque naturel auquel les nations les plus pauvres sont aussi les plus vulnérables.
Pierre Le Hir
La géographie générale de la sismicité sur le continent européen est connue. Elle résulte, principalement, de l'affrontement entre les plaques tectoniques africaine et eurasienne. Le danger est le plus fort en Turquie, en Grèce et dans la péninsule des Balkans, en Italie et en Roumanie.
En France métropolitaine, où les zones les plus actives sont les Pyrénées, les Alpes, le Jura et le fossé rhénan, suivis du Massif armoricain et du Massif central, le seul tremblement de terre de magnitude supérieure à 6 depuis un siècle a été celui de Lambesc (Bouches-du-Rhône), qui fit 46 morts le 11 juin 1909.
"Nous n'en sommes qu'au tout début de la compréhension du fonctionnement des failles, souligne pourtant M. Cotton. Faute de connaissances suffisantes, l'aléa sismique est encore mal évalué."
Cette évaluation repose, pour les décennies récentes, sur les mesures des instruments terrestres sous-marins ou satellitaires qui enregistrent les déformations de la croûte terrestre. Et, pour les périodes plus anciennes, sur les archives du dernier millénaire. Ainsi du tremblement de terre de Bâle, en 1356, qui ravagea un vaste territoire à cheval sur la Suisse, la France et l'Allemagne. Ou de celui de Lisbonne, en 1755, responsable de 50 000 à 100 000 morts.
CENTRALES NUCLÉAIRES, BARRAGES HYDRAULIQUES OU SITES INDUSTRIELS CLASSÉS
Mais, prévient le chercheur, "il peut se produire des secousses beaucoup plus fortes que les séismes historiques de référence". Témoin, la catastrophe de Fukushima, le 11 mars 2011. Le séisme de Tohoku, qui, avec le tsunami qui l'a suivi, a fait 19 000 morts et a dévasté la centrale nucléaire japonaise de Fukushima, était de magnitude 9, alors que les tremblements de terre de référence dans la région ne dépassaient pas 7,3. En outre, ajoute le sismologue, "des failles bloquées généreront, un jour, des séismes là où l'on n'en a pas observé par le passé".
Or c'est en fonction des séismes historiques qu'est calculée jusqu'à présent la robustesse des centrales nucléaires, des barrages hydrauliques ou des installations industrielles classées, notamment de la chimie. Le séisme de Bâle a ainsi servi de référence à EDF pour la centrale nucléaire alsacienne de Fessenheim. D'où la nécessité de mieux quantifier l'aléa sismique, c'est-à-dire la probabilité de secousses dans une zone et une période de temps données.
Tel était l'enjeu du programme Share. Fédérant treize pays – dont la Turquie et l'Algérie –, pour un coût de 4,1 millions d'euros financé à 80 % par l'Union européenne, il a mobilisé pendant quatre ans sismologues, tectoniciens, géodésiens et ingénieurs du génie civil. Avec, côté français, l'Institut des sciences de la Terre (universités de Grenoble et de Savoie, CNRS, IRD, LCPC) et le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).
Les scientifiques ont passé en revue les données historiques et les enregistrements depuis trente ans. Pour tenir compte de la possibilité d'événements telluriques plus violents que ceux documentés dans le passé, ils ont revu à la hausse les magnitudes maximales envisagées, de 0,5 à 1 degré supplémentaire, un niveau de plus sur l'échelle de Richter équivalant à une multiplication par 32 de l'énergie libérée. Ils ont aussi construit de nouveaux modèles de prédiction des vibrations du sol adaptés au contexte géologique européen, en intégrant les incertitudes. Enfin, ils ont produit des cartes probabilistes de l'aléa sismique en Europe.
ÉVALUER L'ALÉA SISMIQUE À L'ÉCHELLE DE LA PLANÈTE
Cette cartographie prédit, par exemple, le niveau de vibrations que pourraient subir des bâtiments, avec une probabilité de 10 %, dans les cinquante ans à venir. Ou, avec une probabilité de 5 %, dans les cinq prochains siècles. Des échelles de temps qui couvrent la durée de vie de la plupart des constructions et sites industriels, l'objectif final étant d'affiner les futures règles parasismiques européennes.
Ce n'est qu'un début. Un nouveau projet de recherche (Strest), qui démarrera en octobre pour trois ans et auquel sont associés des industriels, va étudier les tests de résistance les mieux à même de prémunir les "infrastructures critiques" contre les aléas naturels. Et confronter les méthodes d'évaluation des événements extrêmes, séismes, crues ou tsunamis.
L'Europe n'est pas seule à creuser ce sillon. Un programme mondial, le Global Earthquake Model, qui réunit des partenaires publics et privés, vise à évaluer l'aléa sismique à l'échelle de la planète. Une façon de "partager les connaissances entre pays avancés et pays en développement", commente Fabrice Cotton, face à un risque naturel auquel les nations les plus pauvres sont aussi les plus vulnérables.
Pierre Le Hir
Source : http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/08/16/des-seismes-sans-precedent-historique-sont-possibles-en-europe_3462489_3244.html
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