J'ai beaucoup aimé l'interview. Une jounaliste russe a interrogé deux personnalités, française et anglaise. On y parle de le Bretagne, des mégalithes et des hommes qui les ont érigé.
C’est le jour qu’on attend. C’est le jour qui reste un sujet de nombreuses discussions. On regarde avidement la mer et le ciel – qu’est-ce que le temps hivernal nous prépare. On reste connecté sur les prévisions météo. Puisque c’est le seul jour où on peut vérifier toutes les calculs théoriques… sur les centaines de mégalithes, plantés à travers la Bretagne.
Si la mer est calme et le ciel dégagé, on verra percer le premier rayon de soleil au-dessus des eaux transparentes et pénétrer par l’allée couverte d’un grand dolmen Table du Marchand… tout prêt d’un Grand Menhir brisé de Locmariaquer, en Bretagne. C’est là que la magie s’opère : le soleil n’éclaire qu’une moitié d’une pierre au fond de cette chambre close enseveli sous des tonnes de terre sèche. Juste la moitié, comme coupée au couteau. Et puis, l’obscurité revient pour le reste de l’année.
Nous avons demandé de raconter l’histoire de la région à Madeleine Juberay, directrice de l’Office du Tourisme de Plouharnel.
Madeleine Juberay. Nous sommes quelque part, tout à fait à l’ouest de l’Europe, en Bretagne. Dans la partie très spécifique de la Bretagne. Nous sommes dans le Morbihan, entourés de la mer. Nous avons en Atlantique une petite mer fermée qui a donné le nom à ce Département, c’est le Golfe du Morbihan. De l’autre côté, très loin, nous avons des rives des Etats-Unis. C’est un beau chemin pour venir depuis votre pays. Que se passe-t-il? Qu’y a-t-il de particulier chez nous? Dans le Morbihan, il y a un patrimoine absolument monumental et extrêmement ancien. Nous allons parler ce matin des vestiges mégalithiques qui constituent la première architecture humaine connue à ce jour. Nous avons des milliers de monuments épars sur un large territoire, sur plusieurs kilomètres, que franchit même ce petit mer – le Golfe du Morbihan. Certains de ces menhirs sont sous l’eau.
Même s’ils sont très vieux, en vérité, cela fait très peu de temps qu’on s’y intéresse véritablement. Il faut remonter dans les années 1750, pour que l’on prenne en compte ces monuments, qu’on commence à se poser des questions. A l’époque, il a beaucoup de questions sur la datation. On se dit que ça soit des vestiges laissés par les romains ou par les celtes. On n’a aucune certitude. Pendant un certain temps on a laissé perdurer les pensées que ça soit nos amis les gaulois qui ont plantés ces menhirs dans la terre bretonne.
Il faut attendre la deuxième moitié du XVIII siècle, pour que les archéologues anglais vont s’y intéresser et viennent ici pour inventorier, observer, prendre les notes… Un archéologue plouharnelais, qui a élu domicile où nous sommes actuellement, qui s’appelle Félix Gaillard, un personnage clé et qui va faire énormément pour sauvegarder le patrimoine mégalithique. Puis, viennent d’autres personnages, comme Zacharie Le Rouzic qui est à l’origine de la création d’un musée de la préhistoire de Carnac.
Alors, on inventoriait et on commençait à se poser des questions: pourquoi autant de monuments différents? C’est un sujet, sur lequel on revient très longuement. Puis: quelle destination? Quelle finalité? On va faire un lien assez vite avec des rites cultuels, avec une notion de spiritualité, dimension sacrée de ces rites, notamment liés au funéraire. D’autres idées vont émerger. Felix Gaillard va faire un lien entre ces monuments et les orientations de la levée et du coucher du soleil et avec les moments clés de l’année – avec le solstice d’été et le solstice d’hiver.
Petit à petit les choses commencent à prendre forme. Une vraie immersion et les révélations scientifiques. À un moment donné il s’y passe beaucoup de choses. Beaucoup de gens viennent ici. C’est tant mieux, parce que la présence de ces archéologues et, notamment, de Felix Gaillard, va faire que certains monuments vont être préservés de la destruction.
A ces années-là, on construit aussi des grands monuments ici, tels que le phare de Belle-Ile-en-Mer, qui est construit en partie avec les pierres des monuments mégalithiques. La même chose pour les maisons, etc.
L’homme est paresseux de nature. Pourquoi ne pas utiliser la matière première à disposition? On le voit très bien: dans certains villages, vous avez un monument majeur – c’est le cas de notre commune – où on va immédiatement utiliser une partie pour construire sa maison. On n’a pas l’idée, à cet instant, de l’importance, ni de l’envergure (parce qu’il faut raisonner sur l’espace très grand, voir l’ensemble, de cohésion au niveau du territoire)
La Voix de la Russie. Il est intéressant de voir les chemins sinueux de la pensée humaine… On voit quelque chose en permanence, et on ne le voit pas, tout en la regardant… L’histoire de la culture ressemble beaucoup à celle d’aujourd’hui… les époques se ressemblent.
Madeleine Juberay. Je crois qu’ils vivaient vraiment dans cet environnement, sans se poser plus de questions. Ils sont nés parmi ces vestiges mégalithiques. Ici, il n’existe aucun jardin sans qu’une pierre n’ait pas été venue d’un monument mégalithique. Qu’elle soit debout, qu’elle soit couchée ou qu’elle soit cachée. A une certaine époque, il était difficile de construire à proximité, dans les vestiges mégalithiques.
Tout ce territoire s’est littéralement fait sculpter. C’est un travail de sculpture de paysage. Vivant dans cet environnement, ils l’ont intégré d’une manière naturelle, quasi-naturelle. Notamment, toutes ces grandes entreprises qui vont en partie détruire les monuments, viennent chercher sur place la matière première, sans que qui que ça soit ne s’élève contre.
Ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est de reconstituer ce puzzle entre les premiers éclairages, des premiers archéologues, tous ces travaux et ceux de Howard Crowhurst. Il va prendre la parole assez longuement sur ce qu’on sait aujourd’hui, sur les hypothèses qu’on peut emmètre.
LVdlR. A travers plusieurs époques les hommes de science, mais aussi les enthousiastes locaux et étrangers essayent de percer le mystère des mégalithes morbihannais. Tel est également le cas de Howard Crowhurst, un anglais installé depuis vingt ans en France, intarissable sur le sujet.
Howard Crowhurst. Certaines pierres même étaient ramenées en Allemagne pour les étudier. Surtout les pierres gravées du Petit Mont – elles ne sont plus ici et on ne sait pas ou elles sont. Il y avait une pierre avec deux pieds gravés dessus, c’est le seul exemple de gravure d’une partie du corps humain. Il est fort possible que ces deux pieds donnaient la mesure. On pensait peut-être que cette pierre était une clé d’entrée pour comprendre – quelle mesure avait été utilisée.
Madeleine disait tout à l’heure que l’homme est paresseux. Je m’interroge… ce sont les hommes qui ont construits ces monuments, et il ne fallait pas être paresseux pour accomplir ce travail! D’autant plus que certaines pierres étaient transportées à des distances importantes. Si je prenais le cas ici, dans le Morbihan: les plus anciens, les plus gros monuments sont faits avec la pierre qui s’appelle « orthogneiss ». Cette pierre se trouve près de Vannes, elle n’existe pas sure sur les zones où on retrouve les pierres dressées.
Je pends le cas d’un Grand Menhir de Locmariaquer, le plus gros menhir jamais fabriqué au monde, une pierre qui fait presque 300 tonnes, qui était entièrement sculptée (ce n’est pas une pierre brute, elle a été taillée). Cette pierre est en orthogneiss, elle est déposée sur la Presqu’ile de Locmariaquer où il n’en a pas. Le Menhir a été amené ici, ces 300 tonnes. Il faut dire qu’il n’y a aujourd’hui aucune explication scientifique – comment cette pierre a été transportée.
Un archéologue français Jean-Pierre Mohen a travaillé toute sa vie sur l’étude de la façon de transporter ces pierres. Il a monté à Bougon, près du Poitier, un site où on peut voir toutes les différentes hypothèses et des maquettes. Récemment, cet archéologue a dit qu’il n’y a aucune hypothèse sérieuse qui puisse expliquer comment ces pierres ont été portées. C’est très intéressant, parce que cela veut dire que malgré notre intelligence, nos technologies et notre savoir, nous ne savons pas comment cela été fait.
Il faut le dire, parce qu’on ne se l’avoue pas facilement… A partir du moment qu’on l’avoue, on peut se dire que ces bâtisseurs étaient plus intelligents que nous, qu’ils savaient quelque chose que nous ne savons pas, même on n’est pas en mesure de l’expliquer.
La Voix de la Russie. A quelques jours du Noël, fête chrétienne et fête de l’espérance, on ne peut pas ne pas croire aux légendes d’antan.
Les mégalithes, n’étaient-t-ils pas dressés par les géants?
On dit aussi – même on sait par cette expérience maintenant - qu’il y a une coïncidence avec les moments cardinaux de l’année, le solstice, par exemple… Mais on ne peut qu’imaginer ce que cela représentait pour les bâtisseurs de ces pierres. On ne sait pas, on n’est sûr de rien.
Et cette incertitude se transforme en expérience personnelle, où on peut rentrer dans une chambre close, obscure et humide d’un dolmen. On peut vivre, éprouver par sa propre vie cette vie imaginaire d’antan… de toucher l’au-delà de l’histoire humaine.
Et, peut-être, faire une découverte inattendue…
Si la mer est calme et le ciel dégagé, on verra percer le premier rayon de soleil au-dessus des eaux transparentes et pénétrer par l’allée couverte d’un grand dolmen Table du Marchand… tout prêt d’un Grand Menhir brisé de Locmariaquer, en Bretagne. C’est là que la magie s’opère : le soleil n’éclaire qu’une moitié d’une pierre au fond de cette chambre close enseveli sous des tonnes de terre sèche. Juste la moitié, comme coupée au couteau. Et puis, l’obscurité revient pour le reste de l’année.
Nous avons demandé de raconter l’histoire de la région à Madeleine Juberay, directrice de l’Office du Tourisme de Plouharnel.
Madeleine Juberay. Nous sommes quelque part, tout à fait à l’ouest de l’Europe, en Bretagne. Dans la partie très spécifique de la Bretagne. Nous sommes dans le Morbihan, entourés de la mer. Nous avons en Atlantique une petite mer fermée qui a donné le nom à ce Département, c’est le Golfe du Morbihan. De l’autre côté, très loin, nous avons des rives des Etats-Unis. C’est un beau chemin pour venir depuis votre pays. Que se passe-t-il? Qu’y a-t-il de particulier chez nous? Dans le Morbihan, il y a un patrimoine absolument monumental et extrêmement ancien. Nous allons parler ce matin des vestiges mégalithiques qui constituent la première architecture humaine connue à ce jour. Nous avons des milliers de monuments épars sur un large territoire, sur plusieurs kilomètres, que franchit même ce petit mer – le Golfe du Morbihan. Certains de ces menhirs sont sous l’eau.
Même s’ils sont très vieux, en vérité, cela fait très peu de temps qu’on s’y intéresse véritablement. Il faut remonter dans les années 1750, pour que l’on prenne en compte ces monuments, qu’on commence à se poser des questions. A l’époque, il a beaucoup de questions sur la datation. On se dit que ça soit des vestiges laissés par les romains ou par les celtes. On n’a aucune certitude. Pendant un certain temps on a laissé perdurer les pensées que ça soit nos amis les gaulois qui ont plantés ces menhirs dans la terre bretonne.
Il faut attendre la deuxième moitié du XVIII siècle, pour que les archéologues anglais vont s’y intéresser et viennent ici pour inventorier, observer, prendre les notes… Un archéologue plouharnelais, qui a élu domicile où nous sommes actuellement, qui s’appelle Félix Gaillard, un personnage clé et qui va faire énormément pour sauvegarder le patrimoine mégalithique. Puis, viennent d’autres personnages, comme Zacharie Le Rouzic qui est à l’origine de la création d’un musée de la préhistoire de Carnac.
Alors, on inventoriait et on commençait à se poser des questions: pourquoi autant de monuments différents? C’est un sujet, sur lequel on revient très longuement. Puis: quelle destination? Quelle finalité? On va faire un lien assez vite avec des rites cultuels, avec une notion de spiritualité, dimension sacrée de ces rites, notamment liés au funéraire. D’autres idées vont émerger. Felix Gaillard va faire un lien entre ces monuments et les orientations de la levée et du coucher du soleil et avec les moments clés de l’année – avec le solstice d’été et le solstice d’hiver.
Petit à petit les choses commencent à prendre forme. Une vraie immersion et les révélations scientifiques. À un moment donné il s’y passe beaucoup de choses. Beaucoup de gens viennent ici. C’est tant mieux, parce que la présence de ces archéologues et, notamment, de Felix Gaillard, va faire que certains monuments vont être préservés de la destruction.
A ces années-là, on construit aussi des grands monuments ici, tels que le phare de Belle-Ile-en-Mer, qui est construit en partie avec les pierres des monuments mégalithiques. La même chose pour les maisons, etc.
L’homme est paresseux de nature. Pourquoi ne pas utiliser la matière première à disposition? On le voit très bien: dans certains villages, vous avez un monument majeur – c’est le cas de notre commune – où on va immédiatement utiliser une partie pour construire sa maison. On n’a pas l’idée, à cet instant, de l’importance, ni de l’envergure (parce qu’il faut raisonner sur l’espace très grand, voir l’ensemble, de cohésion au niveau du territoire)
La Voix de la Russie. Il est intéressant de voir les chemins sinueux de la pensée humaine… On voit quelque chose en permanence, et on ne le voit pas, tout en la regardant… L’histoire de la culture ressemble beaucoup à celle d’aujourd’hui… les époques se ressemblent.
Madeleine Juberay. Je crois qu’ils vivaient vraiment dans cet environnement, sans se poser plus de questions. Ils sont nés parmi ces vestiges mégalithiques. Ici, il n’existe aucun jardin sans qu’une pierre n’ait pas été venue d’un monument mégalithique. Qu’elle soit debout, qu’elle soit couchée ou qu’elle soit cachée. A une certaine époque, il était difficile de construire à proximité, dans les vestiges mégalithiques.
Tout ce territoire s’est littéralement fait sculpter. C’est un travail de sculpture de paysage. Vivant dans cet environnement, ils l’ont intégré d’une manière naturelle, quasi-naturelle. Notamment, toutes ces grandes entreprises qui vont en partie détruire les monuments, viennent chercher sur place la matière première, sans que qui que ça soit ne s’élève contre.
Ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est de reconstituer ce puzzle entre les premiers éclairages, des premiers archéologues, tous ces travaux et ceux de Howard Crowhurst. Il va prendre la parole assez longuement sur ce qu’on sait aujourd’hui, sur les hypothèses qu’on peut emmètre.
LVdlR. A travers plusieurs époques les hommes de science, mais aussi les enthousiastes locaux et étrangers essayent de percer le mystère des mégalithes morbihannais. Tel est également le cas de Howard Crowhurst, un anglais installé depuis vingt ans en France, intarissable sur le sujet.
Howard Crowhurst. Certaines pierres même étaient ramenées en Allemagne pour les étudier. Surtout les pierres gravées du Petit Mont – elles ne sont plus ici et on ne sait pas ou elles sont. Il y avait une pierre avec deux pieds gravés dessus, c’est le seul exemple de gravure d’une partie du corps humain. Il est fort possible que ces deux pieds donnaient la mesure. On pensait peut-être que cette pierre était une clé d’entrée pour comprendre – quelle mesure avait été utilisée.
Madeleine disait tout à l’heure que l’homme est paresseux. Je m’interroge… ce sont les hommes qui ont construits ces monuments, et il ne fallait pas être paresseux pour accomplir ce travail! D’autant plus que certaines pierres étaient transportées à des distances importantes. Si je prenais le cas ici, dans le Morbihan: les plus anciens, les plus gros monuments sont faits avec la pierre qui s’appelle « orthogneiss ». Cette pierre se trouve près de Vannes, elle n’existe pas sure sur les zones où on retrouve les pierres dressées.
Je pends le cas d’un Grand Menhir de Locmariaquer, le plus gros menhir jamais fabriqué au monde, une pierre qui fait presque 300 tonnes, qui était entièrement sculptée (ce n’est pas une pierre brute, elle a été taillée). Cette pierre est en orthogneiss, elle est déposée sur la Presqu’ile de Locmariaquer où il n’en a pas. Le Menhir a été amené ici, ces 300 tonnes. Il faut dire qu’il n’y a aujourd’hui aucune explication scientifique – comment cette pierre a été transportée.
Un archéologue français Jean-Pierre Mohen a travaillé toute sa vie sur l’étude de la façon de transporter ces pierres. Il a monté à Bougon, près du Poitier, un site où on peut voir toutes les différentes hypothèses et des maquettes. Récemment, cet archéologue a dit qu’il n’y a aucune hypothèse sérieuse qui puisse expliquer comment ces pierres ont été portées. C’est très intéressant, parce que cela veut dire que malgré notre intelligence, nos technologies et notre savoir, nous ne savons pas comment cela été fait.
Il faut le dire, parce qu’on ne se l’avoue pas facilement… A partir du moment qu’on l’avoue, on peut se dire que ces bâtisseurs étaient plus intelligents que nous, qu’ils savaient quelque chose que nous ne savons pas, même on n’est pas en mesure de l’expliquer.
La Voix de la Russie. A quelques jours du Noël, fête chrétienne et fête de l’espérance, on ne peut pas ne pas croire aux légendes d’antan.
Les mégalithes, n’étaient-t-ils pas dressés par les géants?
On dit aussi – même on sait par cette expérience maintenant - qu’il y a une coïncidence avec les moments cardinaux de l’année, le solstice, par exemple… Mais on ne peut qu’imaginer ce que cela représentait pour les bâtisseurs de ces pierres. On ne sait pas, on n’est sûr de rien.
Et cette incertitude se transforme en expérience personnelle, où on peut rentrer dans une chambre close, obscure et humide d’un dolmen. On peut vivre, éprouver par sa propre vie cette vie imaginaire d’antan… de toucher l’au-delà de l’histoire humaine.
Et, peut-être, faire une découverte inattendue…
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