"A l'origine la brandade était appelé branlade"
Entretien avec Pierre Infante, chef restaurateur à la retraite et conseiller culinaire.
A quand remonte l'histoire de la brandade de Nîmes ?
Notre spécialité faite à base d'huile d'olive, bien sûr, d'ail et de morue, existe depuis la fin du XVIème siècle. Elle est le résultat d'un échange commercial. Comme vous le savez, la morue est absente de la Méditerranée mais abondante dans l'Atlantique. Les pêcheurs bretons partaient la pêcher dans les eaux de Terre-Neuve et s'approvisionnaient en sel dans les Salins du Midi (Aigues-Mortes, Port-de-Bouc, etc..) pour conserver leurs prises. C'est ainsiq u'un commerce triangulaire s'établit. Certains marins auraient troqué des morues contre des sacs de sel. Une certitude : la consommation de morue dans le bassin méditerranéen est devenue très importante. Au XIXème siècle, Charles Durand, le fameux cuisinier des évêques de Nîmes et de Montpellier, dévoile dans on livre de cuisine Le Grand Durand ses recettes de la "morue" à la branlade".
A la branlade ?
Absolument ! C'est le véritable nom de notre spécialité "branlado" en provençal. Ce mot signifie qu'il faut remuer énergiquement la main pour piler le mélange. Le terme, un peu canaille, a été modifié au XIXème. Vous savez ce que faisaient nos grands-mères pour dessaler la morue ? Elles la mettaient dans le réservoir d'eau des toilettes, accroché en hauteur, pendant toute la journée. L'eau faisait ainsi son travail et le sel nettoyait le réservoir en même temps.
Elle a connu quelques becs fins célèbres ..
Bien sûr. Les Nimois sont très attachés à leur cuisine mériodionale. Installé à Paris dans les années 1860, Alphonse Daudet fonde avec Tourguenieve, Zola, Goncourt et Flaubert, le "dîner des auteurs sifflés" ou "le dîner des Cinq". Nul doute que la brandade inspirait ces repas. Président de la IIIème République, Adolphe Thiers était, lui-aussi, un grand amateur de ce plat qu'il définissait volontiers comme "le c hef d'oeuvre du genre humain". Avec son ami, l'historien Auguste Mignet, son complice et pourvoyeur, ils s'enfermaient deux fois par semaine, sous prétexte de consulter des documents importants amenés par l'historien. Ainsi, pouvaient-ils déguster la brandade à la barde de Madame Thiers ! A la fin de chaque "séance", Adolphe Thiers concluait en disant : "Ce diable de Mignet, il n'y a que lui pour dénicher ces documents de haut goût !".
Source Historia Juin 2009 - Articles spécial Nîmes
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