Sur une colline à l’est d’Athènes dans l’Ohio, trône l’un des derniers représentants encore intacts de ce que le siècle passé connaissait sous le nom de « bâtiments Kirkbride » : des hôpitaux psychiatriques luxueux, à l’architecture de châteaux et entourés de plusieurs hectares de parc.
À l’origine de ces constructions se trouve un homme, le docteur Thomas Story Kirkbride, dont les travaux contribuèrent à améliorer le statut des malades mentaux en substituant à leur incarcération dans des conditions inhumaines, prise en charge qui prévalait jusque-là, l’innovation de la « thérapie mentale ». Il n’est certes pas le seul à cette époque à prétendre alerter le grand public sur le sort des exclus, à la même époque Dorothea Dix œuvre pour améliorer les conditions de vie des fous et des prisonniers, mais la dynamique de réforme de Kirkbride a l’avantage de s’étayer sur une théorie psychiatrique : selon lui, les psypathologies sont susceptibles d’être guéries par un environnement propice. Sous son influence, on va même concéder aux fous le droit à une vie privée – des chambres individuelles.
L’expansion des grandes villes et la croissance démographique ayant proportionnellement entraîné celle des malades mentaux, « Le plan Kirkbride » trouve un accueil favorable sur le sol américain. Sous son influence, les différents États se prennent à partir de 1850 d’une frénésie de construction d’asiles ressemblant à des palaces, financés par les fonds publics fédéraux. Le premier chantiers a lieu dans le New Jersey. Le Trenton Psychiatric Hospital ouvre ses portes le 15 mai 1848
L’asile d’Athènes
En 1867, l’Assemblée législative de l’Ohio nomme à son tour une commission chargée de trouver un site favorable à la construction d’un asile de type Kirkbride dans le sud-est de l’État. C’est un terrain agricole de 150 hectares qui est choisi pour élever le bâtiment. La commission donne son accord et le chantier, confié à l’architecte Levi T. Scofield, débute en 1867 pour se terminer courant 1874.
Conformément au plan de construction Kirkbride, The Athens Mental Health Center comporte un bâtiment principal réservé à la partie administrative, et deux grandes ailes, l’une pour les femmes, l’autre pour les hommes – ce qui est une nouveauté à l’époque. Les malades les plus « perturbés » sont confinés à l’extrémité des ailes, tandis que les plus sociables résident près des bâtiments administratifs.
Comme la plupart des constructions Kirkbride, le bâtiment se trouve au sommet d’une colline. Voisin du campus principal de l’université d’Ohio, il est orienté vers le centre d’Athènes et fait face à la rivière Hocking. Ces institutions étant conçues pour fonctionner de manière autonome, les malades s’occupent de la culture des potagers, des exploitations porcines ou bovines, de l’entretien du parc et de la propriété. Selon le docteur Kirkbride, l’architecture du lieu, la beauté du cadre, l’air pur et le travail sont censés remplir un rôle thérapeutique.
Les images ci-dessus sont extraites du site des archives de la Bibliothèque de l’Université d’Athènes
qui propose en ligne ICI de très belles photos d’époques.
À son ouverture, l’asile abrite 544 patients. Ce nombre atteindra 1.600 en 1935, puis connaîtra un pic à 2.000 dans le milieu des années 50. Entre-temps le bel idéal de « thérapie mentale » a pris un coup dans les gencives. Moins de dix ans après la construction des premiers bâtiments Kirkbride, les conditions de vie des malades ont commencé à se dégrader, en raison notamment de la surpopulation :
« Au début du siècle suivant, les hôpitaux d’État sont devenus des lieux où l’on entassait un nombre croissant de personnes que la société considérait comme indésirables, y compris les criminels, les pauvres, les homosexuels, les personnes aux points de vue religieux non conformes, les enfants non désirés, les vieux, les syphilitiques, les alcooliques et tous ceux qui indisposaient l’entourage… » [1].
Les bains d’eau glacé ou bouillante – selon l’humeur des médecins, les électrochocs et les différentes formes de lobotomie, sont appliqués avec d’autant plus de zèle qu’il s’agit moins de soigner les malades que de garantir une certaine tranquillité au personnel. Les luxueux hôpitaux Kirkbride censés guérir la folie par le « traitement moral » deviennent alors synonymes d’horreur. C’est l’époque glorieuse de la lobotomie trans-orbitale et autres joyeusetés. Durant la Seconde Guerre Mondiale, les choses s’aggravent encore puisque le personnel est réduit à son strict minimum et les patients entassés dans des cellules sont abandonnés sans soins médicaux, parfois sans nourriture.
Et puis, à la fin des années 60, la mode de l’internement passe. La découverte de la thorazine, la camisole chimique, change de nouveau l’approche de la maladie mentale. Désormais la nouvelle drogue peut rendre les fous « sociables » , ce qui permet à l’État Fédéral et au gouvernement de conséquentes économies en faisant passer les malades du statut d’internés à celui de sans domicile fixe.
« À la fin des années 1960 et 1970, la Thorazine, ‘la camisole de force chimique’, a changé les soins de santé mentale. Les neuroleptiques, comme la Thorazine, ont des effets néfastes ainsi que de nombreux effets secondaires graves. Ils ont été plus tard identifiés par les dissidents politiques soviétiques comme l’une des pires tortures qu’ils aient subies dans les ‘centres psychiatriques’ où ils étaient internés. Rendant les patients dociles et obéissants, ils ont été largement utilisés dans le système de santé américain. Avec la propagation de cette pratique, la politique de désinstitutionnalisation prônée par le Président John F. Kennedy et la naissance d’associations de défense des droits des patients, on a abandonné l’hospitalisation traditionnelle : il ne s’agissait plus d’enfermer les patients pour le restant de leur vie, mais de changer leurs comportements pour qu’ils s’intègrent dans leur communauté […]. Les patients se sont retrouvés à la rue, sans soins, et le nombre de sans-abri est monté en flèche. Lors de la fermeture de l’hôpital d’État Byberry en 1986, trois patients se sont noyés dans le Schuylkill avant que le gouverneur de Pennsylvanie ne décide de ralentir le processus à un niveau gérable » [2].
À l’origine de ces constructions se trouve un homme, le docteur Thomas Story Kirkbride, dont les travaux contribuèrent à améliorer le statut des malades mentaux en substituant à leur incarcération dans des conditions inhumaines, prise en charge qui prévalait jusque-là, l’innovation de la « thérapie mentale ». Il n’est certes pas le seul à cette époque à prétendre alerter le grand public sur le sort des exclus, à la même époque Dorothea Dix œuvre pour améliorer les conditions de vie des fous et des prisonniers, mais la dynamique de réforme de Kirkbride a l’avantage de s’étayer sur une théorie psychiatrique : selon lui, les psypathologies sont susceptibles d’être guéries par un environnement propice. Sous son influence, on va même concéder aux fous le droit à une vie privée – des chambres individuelles.
L’expansion des grandes villes et la croissance démographique ayant proportionnellement entraîné celle des malades mentaux, « Le plan Kirkbride » trouve un accueil favorable sur le sol américain. Sous son influence, les différents États se prennent à partir de 1850 d’une frénésie de construction d’asiles ressemblant à des palaces, financés par les fonds publics fédéraux. Le premier chantiers a lieu dans le New Jersey. Le Trenton Psychiatric Hospital ouvre ses portes le 15 mai 1848
L’asile d’Athènes
En 1867, l’Assemblée législative de l’Ohio nomme à son tour une commission chargée de trouver un site favorable à la construction d’un asile de type Kirkbride dans le sud-est de l’État. C’est un terrain agricole de 150 hectares qui est choisi pour élever le bâtiment. La commission donne son accord et le chantier, confié à l’architecte Levi T. Scofield, débute en 1867 pour se terminer courant 1874.
Conformément au plan de construction Kirkbride, The Athens Mental Health Center comporte un bâtiment principal réservé à la partie administrative, et deux grandes ailes, l’une pour les femmes, l’autre pour les hommes – ce qui est une nouveauté à l’époque. Les malades les plus « perturbés » sont confinés à l’extrémité des ailes, tandis que les plus sociables résident près des bâtiments administratifs.
Comme la plupart des constructions Kirkbride, le bâtiment se trouve au sommet d’une colline. Voisin du campus principal de l’université d’Ohio, il est orienté vers le centre d’Athènes et fait face à la rivière Hocking. Ces institutions étant conçues pour fonctionner de manière autonome, les malades s’occupent de la culture des potagers, des exploitations porcines ou bovines, de l’entretien du parc et de la propriété. Selon le docteur Kirkbride, l’architecture du lieu, la beauté du cadre, l’air pur et le travail sont censés remplir un rôle thérapeutique.
Les images ci-dessus sont extraites du site des archives de la Bibliothèque de l’Université d’Athènes
qui propose en ligne ICI de très belles photos d’époques.
À son ouverture, l’asile abrite 544 patients. Ce nombre atteindra 1.600 en 1935, puis connaîtra un pic à 2.000 dans le milieu des années 50. Entre-temps le bel idéal de « thérapie mentale » a pris un coup dans les gencives. Moins de dix ans après la construction des premiers bâtiments Kirkbride, les conditions de vie des malades ont commencé à se dégrader, en raison notamment de la surpopulation :
« Au début du siècle suivant, les hôpitaux d’État sont devenus des lieux où l’on entassait un nombre croissant de personnes que la société considérait comme indésirables, y compris les criminels, les pauvres, les homosexuels, les personnes aux points de vue religieux non conformes, les enfants non désirés, les vieux, les syphilitiques, les alcooliques et tous ceux qui indisposaient l’entourage… » [1].
Les bains d’eau glacé ou bouillante – selon l’humeur des médecins, les électrochocs et les différentes formes de lobotomie, sont appliqués avec d’autant plus de zèle qu’il s’agit moins de soigner les malades que de garantir une certaine tranquillité au personnel. Les luxueux hôpitaux Kirkbride censés guérir la folie par le « traitement moral » deviennent alors synonymes d’horreur. C’est l’époque glorieuse de la lobotomie trans-orbitale et autres joyeusetés. Durant la Seconde Guerre Mondiale, les choses s’aggravent encore puisque le personnel est réduit à son strict minimum et les patients entassés dans des cellules sont abandonnés sans soins médicaux, parfois sans nourriture.
Et puis, à la fin des années 60, la mode de l’internement passe. La découverte de la thorazine, la camisole chimique, change de nouveau l’approche de la maladie mentale. Désormais la nouvelle drogue peut rendre les fous « sociables » , ce qui permet à l’État Fédéral et au gouvernement de conséquentes économies en faisant passer les malades du statut d’internés à celui de sans domicile fixe.
« À la fin des années 1960 et 1970, la Thorazine, ‘la camisole de force chimique’, a changé les soins de santé mentale. Les neuroleptiques, comme la Thorazine, ont des effets néfastes ainsi que de nombreux effets secondaires graves. Ils ont été plus tard identifiés par les dissidents politiques soviétiques comme l’une des pires tortures qu’ils aient subies dans les ‘centres psychiatriques’ où ils étaient internés. Rendant les patients dociles et obéissants, ils ont été largement utilisés dans le système de santé américain. Avec la propagation de cette pratique, la politique de désinstitutionnalisation prônée par le Président John F. Kennedy et la naissance d’associations de défense des droits des patients, on a abandonné l’hospitalisation traditionnelle : il ne s’agissait plus d’enfermer les patients pour le restant de leur vie, mais de changer leurs comportements pour qu’ils s’intègrent dans leur communauté […]. Les patients se sont retrouvés à la rue, sans soins, et le nombre de sans-abri est monté en flèche. Lors de la fermeture de l’hôpital d’État Byberry en 1986, trois patients se sont noyés dans le Schuylkill avant que le gouverneur de Pennsylvanie ne décide de ralentir le processus à un niveau gérable » [2].
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