Un trou noir dans «l’Odyssée de l’espace»
Vingt minutes du film culte, coupées par Kubrick lui-même, ont été retrouvées dans un coffre de la Warner, qui s’oppose à leur diffusion.
Une scène coupée : la base lunaire Clavius. - Image courtesy of Ivor Powell, Film Frame 2001: A Space Odyssey used courtesy of Warner Bros. Entert
Stanley Kubrick n’a pas toujours été un monstre obsessionnel qui exerçait le contrôle absolu sur le moindre détail de ses films, ainsi que la légende, soigneusement alimentée par lui-même, l’a toujours prétendu. Il lui est aussi arrivé d’être assailli par le doute et la trouille de l’échec. Comment expliquer les raisons qui l’on poussé à amputer son 2001, l’odyssée de l’espace d’une vingtaine de minutes, après une première projection qui avait frôlé la catastrophe ? Dix-neuf minutes selon certains, dix-sept selon d’autres, passées à la trappe, que presque personne n’a revues après le 10 avril 1968, jour du lancement du film aux Etats-Unis. Depuis plus de quarante ans, elles alimentent les fantasmes des inconditionnels de Kubrick et ce n’est pas fini.
Cet été, la nouvelle de l’exhumation de ces images manquantes a fait le tour des sites spécialisés. Au festival de Toronto, deux documentaristes américains ont annoncé que les plans avaient été retrouvés dans un coffre d’une ancienne mine du Kansas détenue par la Warner, et que le matériel était dans un état de conservation parfait.
200 personnes quittent la salle
Le premier des documentaristes à l’origine de la nouvelle est Douglas Trumbull et il connaît bien la question pour avoir été, à 26 ans, l’un des responsables des effets spéciaux de 2001. Le second, David Larson, est sans doute le meilleur spécialiste au monde de ce film hors norme. De son propre aveu, sa vie a changé l’année de ses 12 ans quand il a découvert 2001 au Cinestage Theater de Chicago, une grande salle à balcon avec écran incurvé Cinerama. Depuis plus de dix ans, il a consacré son énergie à réunir les témoignages de tous ceux qui ont participé au film. Du moins, ceux qui sont encore en vie.
«J’ai débuté mes recherches en 2001 en commençant par interroger Frederick I. Ordway qui a été le principal consultant scientifique sur le film. Je voulais écrire un livre sur lui, raconte Larson. Ensuite, j’ai rencontré Douglas Trumbull avant de poursuivre ce cycle d’interviews pour réunir le témoignage d’au total 165 personnes. En 2006, Doug m’a proposé de travailler avec lui pour réaliser un documentaire, ce qui me semblait difficile compte tenu de l’ampleur du travail que demandait mon livre. Puis, en 2008, Doug a eu l’accord de la Warner pour financer un documentaire qui viendrait s’ajouter au livre, formant l’ensemble le plus complet jamais réalisé sur l’histoire de ce film.» Au programme de leur travail - ainsi que le souligne une bande-annonce alléchante qui circule sur le Net (1) -,du matériel graphique inédit : des esquisses, les interviews des participants sur fond de décors originaux, sans oublierles fameuses minutes manquantes.
L’annonce de leur découverte est de taille car il s’agirait de la toute dernière chance de voir ces plans. Leon Vitali, un des anciens assistants de Kubrick, avait raconté que, quelques mois avant sa mort en mars 1999, Kubrick avait rassemblé des bobines de négatifs qu’il gardait dans sa maison de la banlieue londonienne. Selon Vitali, il y avait Orange mécanique, Barry Lyndon, Shining et des morceaux de 2001. Stanley Kubrick avait lui-même supervisé leur chargement dans un camion pour les conduire dans une usine de traitement de déchets industriels où ils avaient été incinérés. «C’est ce qu’il voulait», avait commenté Vitali. Bref, depuis la promesse faite à Toronto, le cœur des fans s’est emballé et chacun a entamé mentalement un compte à rebours le séparant de la découverte du trésor. Une joie de courte durée car la Warner, qui détient les droits, publie cet automne un communiqué sans fioritures. «M. Kubrick a fait savoir très clairement que la version raccourcie serait le montage définitif. Le film existe comme il le voulait. Warner Home Video n’a pas prévu de revenir sur la vision de M. Kubrick.»
Pour tenter de comprendre le long processus qui a mené à cette situation, mieux vaut revenir à l’origine du problème, au fameux 2 avril 1968, jour de la première mondiale du film à l’Uptown Theater de Washington D.C. Ce soir-là, Kubrick, qui vient de terminer le montage de son film, est un peu angoissé. On le serait à moins après un tournage qui a commencé plus de deux ans auparavant, des acrobaties techniques et un budget de 10 millions de dollars [8 millions d’euros] qui rend nerveux pas mal de gens, surtout au studio MGM, financier de l’affaire. Kubricka refusé de montrer le film à la presse car il devait inclure au dernier moment les ultimes effets spéciaux dans une version finale de 161 minutes.
Or, la projection se passe très mal. Plus de 200 personnes quittent la salle avant la fin. «Je n’ai jamais vu un public aussi agité», dira le cinéaste, des années plus tard. Parmi les fuyards, l’acteur Rock Hudson qui lâche à des journalistes : «Est-ce que quelqu’un peut me dire de quoi ça parle ?» Deux jours plus tard, le film doit être projeté à New York et à Los Angeles avant une sortie publique dans les grandes villes américaines programmée le 10 avril. Mais Kubrick a déjà pris sa décision. Avec le concours du monteur Ray Lovejoy, dont c’était le tout premier boulot (on imagine le cadeau), il taille dans le vif, coupe plusieurs séquences et expurge des morceaux de scène en faisant de la dentelle. Ils travaillent jour et nuit entre le 5 et le 9 avril et, dans la mesure où les copies sont déjà parties dans les salles, Kubrick envoie à chaque exploitant les directives méticuleuses pour que les projectionnistes fassent eux-mêmes les coupes. Sans pouvoir vérifier de ses propres yeux si ses ordres sont exécutés à la lettre ni même être sûr que les coupes ont été effectuées. C’est pour Kubrick le psychorigide la plus raffinée des tortures mentales même s’il affiche une certaine sérénité. «Je ne crois pas que les versions fassent une si grande différence, avait-il déclaré dans une interview à l’époque. Ceux qui ont aimé le film l’ont aimé quelle que soit sa longueur, et c’est exactement la même chose pour ceux qui l’ont détesté.»
Un prologue en noir et blanc[/b]
De fait, quelques centaines, voire quelques milliers de spectateurs ont pu voir la version longue. Soit les directives de Kubrick n’étaient pas arrivées à temps, soit le patron du cinéma s’en foutait. Ces spectateurs chanceux en ont gardé des souvenirs saisissants. Certains ont évoqué des plans inquiétants dans la séquence du meurtre de Poole par l’ordinateur HAL, d’autres un gros plan d’une pantoufle rouge dans le vaisseau extraterrestre… David Larson est plus précis : «Il s’agit, pour la majorité des images manquantes, de morceaux de séquences qui figurent déjà dans le film. Par exemple, la scène dans le vaisseau spatial lorsque Heywood Floyd, l’un des astronautes interprété par William Sylvester, a une conversation par visiophone avec sa fille qui est jouée par Vivian Kubrick, la fille de Stanley. Un tronçon de cette scène a été coupé durant lequel Floyd appelle le magasin Macy’s pour acheter un galago (un petit lémurien) qu’il veut offrir à sa fille. Dans la partie coupée, il parle à un opérateur de Macy’s et effectue son achat avec une carte de crédit - ce qui, en 1968, était très inhabituel. A ce propos, American Express avait été consultant sur le film et ils avaient développé des prototypes de paiement à distance, ce qui n’existait pas encore, mais rien n’a été utilisé dans le film. Par la suite, une publicité d’American Express montrait la carte de crédit au nom de Heywood Floyd, pour montrer à quel point ils étaient en avance sur leur temps. Cette carte avait d’ailleurs vraiment été imprimée pour le film.»
David Larson évoque d’autres séquences, plus intrigantes, aussi supprimées. Un prologue, en noir et blanc, présentant une discussion animée entre scientifiques, religieux et politiques à propos de la possibilité de l’existence d’une intelligence extraterrestre. On peut trouver le script de cette scène dans le livre de Jerome Agel, The Making of Kubrick’s 2001 (Signet Books, 1970). «Une autre scène montre plusieurs personnages déambulant dans la base lunaire Clavius. Il y a Floyd, Halvorsen, joué par Robert Beatty, le docteur Bill Michaels (SeanSullivan) et d’autres personnes qui sortent d’un ascenseur et qui s’arrêtent devant une classe de peinture avec des enfants. On a dit à plusieurs reprises que deux des petites filles étaient les filles de Kubrick, mais c’est faux. En revanche, la professeure est bien interprétée par Christiane Kubrick, la femme de Stanley.»
Désormais, la seule question qui se pose concerne le motif de la Warner qui, après avoir refusé de montrer ces images, a annulé le financement du documentaire de Trumbull et Larson. Une banale question de droits ? «Je ne peux pas donner de réponse, je l’ignore», admet Larson, amer, qui n’a pas renoncé à publier le livre «définitif» sur 2001.«Les droits sont détenus par la Warner qui est la branche distribution de Turner Entertainment qui a racheté l’ensemble du catalogue MGM des films tournés avant 1986. Je sais qu’il existait des problèmes de reversements de droits à propos de la musique originale. Comme vous le savez, les tarifs dans ce secteur ont explosé. D’autre part, nous sommes au milieu d’une récession dans le monde de la vidéo et il est possible que la Warner ait préféré mettre son argent ailleurs. Tout ce que je peux dire, c’est que nous ne faisons plus partie de ses plans à l’heure actuelle. C’est assez triste car, plus le temps passe, plus nous perdons des témoins importants. Rien que l’an dernier, l’artiste Bob McCall et le directeur artistique John Graysmark sont morts.» Le plus étrange dans ce refus de la Warner, c’est qu’on voit mal la firme se priver d’une édition DVD ou Blu-ray lestée d’un matériel inédit qui, à coup sûr, se vendrait comme des petits pains. L’explication pourrait être simple, comme le souligne Larson : «Les images retrouvées dans ce coffre Warner du Kansas sont muettes. Elles proviennent d’un master YCM (Yellow Cyan Magenta) que la MGM avait fait tirer après le montage. La bande-son a été effacée dans le processus.» A moins de bidouiller une nouvelle bande-son à partir du matériel existant - ce qui ne serait guère sérieux -, il faut se faire une raison. Et dire adieu à l’espoir de voir un jour la version originelle de 2001. A moins que, dans un autre coffre oublié de la Warner…
(1) https://www.youtube.com/watch?v=EspoBBvhKdQ
Vingt minutes du film culte, coupées par Kubrick lui-même, ont été retrouvées dans un coffre de la Warner, qui s’oppose à leur diffusion.
Une scène coupée : la base lunaire Clavius. - Image courtesy of Ivor Powell, Film Frame 2001: A Space Odyssey used courtesy of Warner Bros. Entert
Stanley Kubrick n’a pas toujours été un monstre obsessionnel qui exerçait le contrôle absolu sur le moindre détail de ses films, ainsi que la légende, soigneusement alimentée par lui-même, l’a toujours prétendu. Il lui est aussi arrivé d’être assailli par le doute et la trouille de l’échec. Comment expliquer les raisons qui l’on poussé à amputer son 2001, l’odyssée de l’espace d’une vingtaine de minutes, après une première projection qui avait frôlé la catastrophe ? Dix-neuf minutes selon certains, dix-sept selon d’autres, passées à la trappe, que presque personne n’a revues après le 10 avril 1968, jour du lancement du film aux Etats-Unis. Depuis plus de quarante ans, elles alimentent les fantasmes des inconditionnels de Kubrick et ce n’est pas fini.
Cet été, la nouvelle de l’exhumation de ces images manquantes a fait le tour des sites spécialisés. Au festival de Toronto, deux documentaristes américains ont annoncé que les plans avaient été retrouvés dans un coffre d’une ancienne mine du Kansas détenue par la Warner, et que le matériel était dans un état de conservation parfait.
200 personnes quittent la salle
Le premier des documentaristes à l’origine de la nouvelle est Douglas Trumbull et il connaît bien la question pour avoir été, à 26 ans, l’un des responsables des effets spéciaux de 2001. Le second, David Larson, est sans doute le meilleur spécialiste au monde de ce film hors norme. De son propre aveu, sa vie a changé l’année de ses 12 ans quand il a découvert 2001 au Cinestage Theater de Chicago, une grande salle à balcon avec écran incurvé Cinerama. Depuis plus de dix ans, il a consacré son énergie à réunir les témoignages de tous ceux qui ont participé au film. Du moins, ceux qui sont encore en vie.
«J’ai débuté mes recherches en 2001 en commençant par interroger Frederick I. Ordway qui a été le principal consultant scientifique sur le film. Je voulais écrire un livre sur lui, raconte Larson. Ensuite, j’ai rencontré Douglas Trumbull avant de poursuivre ce cycle d’interviews pour réunir le témoignage d’au total 165 personnes. En 2006, Doug m’a proposé de travailler avec lui pour réaliser un documentaire, ce qui me semblait difficile compte tenu de l’ampleur du travail que demandait mon livre. Puis, en 2008, Doug a eu l’accord de la Warner pour financer un documentaire qui viendrait s’ajouter au livre, formant l’ensemble le plus complet jamais réalisé sur l’histoire de ce film.» Au programme de leur travail - ainsi que le souligne une bande-annonce alléchante qui circule sur le Net (1) -,du matériel graphique inédit : des esquisses, les interviews des participants sur fond de décors originaux, sans oublierles fameuses minutes manquantes.
L’annonce de leur découverte est de taille car il s’agirait de la toute dernière chance de voir ces plans. Leon Vitali, un des anciens assistants de Kubrick, avait raconté que, quelques mois avant sa mort en mars 1999, Kubrick avait rassemblé des bobines de négatifs qu’il gardait dans sa maison de la banlieue londonienne. Selon Vitali, il y avait Orange mécanique, Barry Lyndon, Shining et des morceaux de 2001. Stanley Kubrick avait lui-même supervisé leur chargement dans un camion pour les conduire dans une usine de traitement de déchets industriels où ils avaient été incinérés. «C’est ce qu’il voulait», avait commenté Vitali. Bref, depuis la promesse faite à Toronto, le cœur des fans s’est emballé et chacun a entamé mentalement un compte à rebours le séparant de la découverte du trésor. Une joie de courte durée car la Warner, qui détient les droits, publie cet automne un communiqué sans fioritures. «M. Kubrick a fait savoir très clairement que la version raccourcie serait le montage définitif. Le film existe comme il le voulait. Warner Home Video n’a pas prévu de revenir sur la vision de M. Kubrick.»
Pour tenter de comprendre le long processus qui a mené à cette situation, mieux vaut revenir à l’origine du problème, au fameux 2 avril 1968, jour de la première mondiale du film à l’Uptown Theater de Washington D.C. Ce soir-là, Kubrick, qui vient de terminer le montage de son film, est un peu angoissé. On le serait à moins après un tournage qui a commencé plus de deux ans auparavant, des acrobaties techniques et un budget de 10 millions de dollars [8 millions d’euros] qui rend nerveux pas mal de gens, surtout au studio MGM, financier de l’affaire. Kubricka refusé de montrer le film à la presse car il devait inclure au dernier moment les ultimes effets spéciaux dans une version finale de 161 minutes.
Or, la projection se passe très mal. Plus de 200 personnes quittent la salle avant la fin. «Je n’ai jamais vu un public aussi agité», dira le cinéaste, des années plus tard. Parmi les fuyards, l’acteur Rock Hudson qui lâche à des journalistes : «Est-ce que quelqu’un peut me dire de quoi ça parle ?» Deux jours plus tard, le film doit être projeté à New York et à Los Angeles avant une sortie publique dans les grandes villes américaines programmée le 10 avril. Mais Kubrick a déjà pris sa décision. Avec le concours du monteur Ray Lovejoy, dont c’était le tout premier boulot (on imagine le cadeau), il taille dans le vif, coupe plusieurs séquences et expurge des morceaux de scène en faisant de la dentelle. Ils travaillent jour et nuit entre le 5 et le 9 avril et, dans la mesure où les copies sont déjà parties dans les salles, Kubrick envoie à chaque exploitant les directives méticuleuses pour que les projectionnistes fassent eux-mêmes les coupes. Sans pouvoir vérifier de ses propres yeux si ses ordres sont exécutés à la lettre ni même être sûr que les coupes ont été effectuées. C’est pour Kubrick le psychorigide la plus raffinée des tortures mentales même s’il affiche une certaine sérénité. «Je ne crois pas que les versions fassent une si grande différence, avait-il déclaré dans une interview à l’époque. Ceux qui ont aimé le film l’ont aimé quelle que soit sa longueur, et c’est exactement la même chose pour ceux qui l’ont détesté.»
Un prologue en noir et blanc[/b]
De fait, quelques centaines, voire quelques milliers de spectateurs ont pu voir la version longue. Soit les directives de Kubrick n’étaient pas arrivées à temps, soit le patron du cinéma s’en foutait. Ces spectateurs chanceux en ont gardé des souvenirs saisissants. Certains ont évoqué des plans inquiétants dans la séquence du meurtre de Poole par l’ordinateur HAL, d’autres un gros plan d’une pantoufle rouge dans le vaisseau extraterrestre… David Larson est plus précis : «Il s’agit, pour la majorité des images manquantes, de morceaux de séquences qui figurent déjà dans le film. Par exemple, la scène dans le vaisseau spatial lorsque Heywood Floyd, l’un des astronautes interprété par William Sylvester, a une conversation par visiophone avec sa fille qui est jouée par Vivian Kubrick, la fille de Stanley. Un tronçon de cette scène a été coupé durant lequel Floyd appelle le magasin Macy’s pour acheter un galago (un petit lémurien) qu’il veut offrir à sa fille. Dans la partie coupée, il parle à un opérateur de Macy’s et effectue son achat avec une carte de crédit - ce qui, en 1968, était très inhabituel. A ce propos, American Express avait été consultant sur le film et ils avaient développé des prototypes de paiement à distance, ce qui n’existait pas encore, mais rien n’a été utilisé dans le film. Par la suite, une publicité d’American Express montrait la carte de crédit au nom de Heywood Floyd, pour montrer à quel point ils étaient en avance sur leur temps. Cette carte avait d’ailleurs vraiment été imprimée pour le film.»
David Larson évoque d’autres séquences, plus intrigantes, aussi supprimées. Un prologue, en noir et blanc, présentant une discussion animée entre scientifiques, religieux et politiques à propos de la possibilité de l’existence d’une intelligence extraterrestre. On peut trouver le script de cette scène dans le livre de Jerome Agel, The Making of Kubrick’s 2001 (Signet Books, 1970). «Une autre scène montre plusieurs personnages déambulant dans la base lunaire Clavius. Il y a Floyd, Halvorsen, joué par Robert Beatty, le docteur Bill Michaels (SeanSullivan) et d’autres personnes qui sortent d’un ascenseur et qui s’arrêtent devant une classe de peinture avec des enfants. On a dit à plusieurs reprises que deux des petites filles étaient les filles de Kubrick, mais c’est faux. En revanche, la professeure est bien interprétée par Christiane Kubrick, la femme de Stanley.»
Désormais, la seule question qui se pose concerne le motif de la Warner qui, après avoir refusé de montrer ces images, a annulé le financement du documentaire de Trumbull et Larson. Une banale question de droits ? «Je ne peux pas donner de réponse, je l’ignore», admet Larson, amer, qui n’a pas renoncé à publier le livre «définitif» sur 2001.«Les droits sont détenus par la Warner qui est la branche distribution de Turner Entertainment qui a racheté l’ensemble du catalogue MGM des films tournés avant 1986. Je sais qu’il existait des problèmes de reversements de droits à propos de la musique originale. Comme vous le savez, les tarifs dans ce secteur ont explosé. D’autre part, nous sommes au milieu d’une récession dans le monde de la vidéo et il est possible que la Warner ait préféré mettre son argent ailleurs. Tout ce que je peux dire, c’est que nous ne faisons plus partie de ses plans à l’heure actuelle. C’est assez triste car, plus le temps passe, plus nous perdons des témoins importants. Rien que l’an dernier, l’artiste Bob McCall et le directeur artistique John Graysmark sont morts.» Le plus étrange dans ce refus de la Warner, c’est qu’on voit mal la firme se priver d’une édition DVD ou Blu-ray lestée d’un matériel inédit qui, à coup sûr, se vendrait comme des petits pains. L’explication pourrait être simple, comme le souligne Larson : «Les images retrouvées dans ce coffre Warner du Kansas sont muettes. Elles proviennent d’un master YCM (Yellow Cyan Magenta) que la MGM avait fait tirer après le montage. La bande-son a été effacée dans le processus.» A moins de bidouiller une nouvelle bande-son à partir du matériel existant - ce qui ne serait guère sérieux -, il faut se faire une raison. Et dire adieu à l’espoir de voir un jour la version originelle de 2001. A moins que, dans un autre coffre oublié de la Warner…
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