Les temps post glaciaires et le Petit âge glaciaire
L’important réchauffement climatique qui s'est produit il y a environ 10 000 ans marque la fin du Tardiglaciaire et de la glaciation du Würm. Il correspond au début d'une nouvelle phase climatique (le Postglaciaire ou l'Holocène). Les glaciers ont alors considérablement fondu pour atteindre les dimensions que nous leur connaissons depuis l'époque moderne. Les nouvelles conditions climatiques ont, en outre, provoqué une importante élévation de la limite des forêts, la « timberline ». Durant les épisodes chauds, elle est alors située à une altitude supérieure de 200 m à la limite actuelle
Les optimums climatiquesCette période correspond au début du Néolithique, mais aussi à une phase humide en Afrique, permettant le peuplement biologique et humain du Sahara.
De nombreux indices peuvent nous renseigner sur le climat qui régnait alors dans les Alpes, mais comment savoir quel était l’état des glaciers ? Les avancées glaciaires sont assez aisément repérables par les moraines. Il est plus difficile de savoir jusqu’où le glacier s’est retiré, les traces en étant détruites par l’avancée suivante. Il faut alors employer d’autres méthodes.
Les travaux de l’équipe du professeur Christian Schlüchter de l’Université de Berne apportent maintenant quelques éléments de réponse.
A la faveur de la décrue glaciaire des dernières décennies, on a découvert de nombreux débris de bois à proximité des fronts des glaciers, dans la marge proglaciaire immédiate, ainsi que des échantillons de tourbe, souvent coincés entre des galets ou des blocs isolés. En sédimentologie ce mode de dépôt, que l'on désigne par le terme d'imbrication, est un critère certain de transport par les eaux lors d'une crue glaciaire. Souvent arrondis par leur voyage dans l'eau, ces fragments mesurent quelques dizaines de décimètres. Ces découvertes revêtent une valeur scientifique de premier ordre. Ils signalent que des tourbières et des forêts ont prospéré autrefois à l'emplacement des glaciers, ce qui n'est possible que s'ils se sont une ou plusieurs fois retirés en amont. Les conclusions que l'on peut en tirer revêtent donc une importance capitale pour l'étude des fluctuations climatiques de l’Holocène.
Ainsi, pendant l’été 1991, un tronc d'arolle de 1,2 mètre de longueur, en excellent état de conservation, a été déposé près du portail du glacier de Stei, dans la région du Susten : de nos jours, la limite des arbres se situe cent mètres plus bas. La datation par la méthode du radiocarbone donne un âge de 4 920 +/- 60 ans. En Haute-Engadine, le glacier de Tschierva a fourni plusieurs échantillons de bois, datés au carbone 14 de plus de 5 000 ans. Des découvertes analogues ont été faites au glacier d’Aletsch ; à celui, voisin, de l’Unteraar, l’âge des morceaux de mélèze atteint parfois 9000 ans.
Dans la haute vallée de l’Arve, entre le village du Tour et l’alpage de Charamillon, une souche d’un mélèze découverte à 1500 m d’altitude, près des sources de l’Arve, accuse un âge de près de 7000 ans, époque où prospérait en ce lieu une forêt de mélèzes. Le comptage des cernes nous indique que cet arbre avait atteint 650 ans, confirmant ainsi l’existence de plusieurs centaines d’années de températures particulièrement douces.
On note un optimum climatique à l’âge de Bronze, vers 1200 av. J.-C. Un autre se situe au début de notre ère ; il est marqué par la conquête romaine des Alpes. En Valais, sur la marge proglaciaire du glacier de Ferpècle, tout comme en rive droite du glacier du Mont-Miné à 2330 m, des troncs atteignant jusqu’à 80 cm de diamètre ont pu être datés de 2500 ± 200 ans. D’autres ont été rejetés au front du glacier du Mont Miné au début de l’été 2006, vieux de quelque 3500 ans...
Si l’on réunit l’ensemble des résultats, sont mises en évidence pas moins de dix périodes pendant lesquelles les glaciers étaient moins étendus que maintenant.
Entre 2650 et 2000 avant aujourd'hui, les langues glaciaires s'arrêtaient à une altitude supérieure d'au moins trois cents mètres : cela correspond à l’optimum climatique romain. Mais la phase de retrait maximale aurait eu lieu à une période antérieure, entre 9000 et 6800 ans avant aujourd’hui, qui constituerait donc le pic de l’optimum climatique holocène, où de nombreux glaciers alpins avaient complètement disparu.
Comme on le voit, l’image traditionnelle d'une chaîne alpine fortement et continuellement englacée depuis la fin de la dernière glaciation est à relativiser. Le fait que la découverte des glaciers ait eu lieu au cours de la crue du Petit Age glaciaire, commencée vers 1600, a alimenté cette image des glaciers « naturellement » plus vastes qu’aujourd’hui. Mais, en réalité, les glaciers alpins ont été moins étendus que maintenant durant plus de la moitié de ces dix derniers millénaires !
Les troncs les plus récents correspondent à la dernière période chaude, l’optimum climatique médiéval, du ixe siècle au xiiie siècle. En Savoie, au glacier du Chardon, Robert Vivian † a découvert un tronc âgé d’environ 800 ans : « Contemporain de Saint-Louis, ce vieux tronc avait gardé après sciage tout son parfum. Sa conservation était parfaite », raconte le glaciologue. Les moraines argileuses dans lesquelles sont la plupart du temps enchâssés les troncs d’arbres constituent des milieux anaérobies remarquables où la décomposition est partiellement ou totalement stoppée.
C’est l’époque du peuplement du Groenland (et plus temporairement de la côte américaine, à Terre-Neuve) par les Vikings. C’est aussi, dans les Alpes, celle de la construction des hospices sur les grands cols comme celui des migrations des Walsers qui, de la Suisse orientale à la Haute Savoie, peuplent et défrichent les hautes vallées en franchissant des cols glaciaires élevés (col du Théodule, Monte Moro). Au xive siècle suit une première poussée glaciaire, notamment en Valais, où le glacier d’Aletsch montre une avance marquée. Puis commence le Petit Âge glaciaire.
La notion de «Petit âge glaciaire»
Du point de vue de l'histoire des glaciers, l'expression courante de Petit âge glaciaire (le Little lce Age ou Little ice-age des Anglo-Saxons) n'est pas très heureuse; elle ne correspond d'ailleurs plus aux connaissances les plus récentes.
Par Petit âge glaciaire, on entend généralement la période qui va de la fin du XVI è siècle jusqu'aux années 1850-1860, période caractérisée par une forte crue des glaciers alpins, avec quelques maxima autour de 1600, au cours du XVIIe siècle, vers 1820 et enfin dans les années 1850. Le terme « Petit âge glaciaire » désignerait la période d'extension maximale des glaciers à l'époque moderne.
En Europe, ce phénomène est accompagné d'une série de mauvaises récoltes, de famines et de plusieurs catastrophes naturelles, telles les vidanges de lacs glaciaires comme dans le Val de Bagnes qui détruit une partie de la ville de Martigny en 1595, ou du lac de Matmark dans la haute vallée de Sass. A cette époque, de tels événements ne préoccupent guère les hommes de sciences et ne sont mentionnées que dans les chroniques locales.
La fin du Petit âge glaciaire coïncide avec la phase de retrait général qui a suivi le maximum glaciaire au milieu du XIX è siècle (autour de 1850/1860) : tout le monde s'accorde sur ce point. Le début du Petit âge glaciaire est en revanche plus délicat à préciser: sur la base des plus récents travaux, on le fixe de manière assez vague pendant le « haut Moyen Age ».
A l'origine, le Petit âge glaciaire désignait une période beaucoup plus vaste que les quelques siècles derniers. Pour mieux comprendre cette notion, il nous faut remonter quelque peu dans le temps.
On sait aujourd'hui que, au cours de l’Holocène, les glaciers ont connu maintes avancées suivies de retraits. Mais ils n'ont jamais dépassé de manière importante les limites des extensions maximales qu'ils ont atteintes au cours de l'époque moderne (telles celles de 1850/1860). Pour certains glaciers, on trouve des vallums morainiques nettement plus anciens que ceux des extensions maximales récentes et situés en aval de ces derniers (notamment au Glacier du Rhône). Mais les glaciers dont témoignent ces anciennes moraines ne furent pourtant jamais beaucoup plus étendus qu'à l'époque moderne. Pour caractériser ces extensions maximales, on utilise ainsi l'expression de «crues Holocènes ».
La marge du terrain situé devant le glacier donne l'image des dimensions atteintes par les glaciers au cours de l’Holocène: témoins de leurs oscillations, les glaciers ont, en effet, laissé derrière eux des moraines en aval du glacier actuel et qui limitent la marge proglaciaire. Cette dernière est donc l'espace couvert de débris rocheux et faiblement colonisé par la végétation qui sépare le glacier des anciennes moraines témoins des crues précédentes. Lorsque les glaciers descendent profondément dans la vallée, ces espaces se distinguent nettement des versants de vallée bien colonisés par la végétation.
Il y a quelques dizaines d'années encore, on considérait que les crues maximales de l'époque moderne témoignaient de la plus importante péjoration climatique du Postglaciaire ; il n’en est pas toujours ainsi car certains appareils glaciaires ont pu réagir différemment.
Le début du Petit âge glaciaire n'est pas établi de manière précise. Les différentes indications que l'on trouve dans la littérature scientifique semblent d’une manière générale renvoyer au Moyen Age tardif.
Pour LAMB (1977), la péjoration climatique de 1 300 a été précédée par une période au climat favorable de cent à deux cents ans, qu'il nomme le «Little Optimum» de 1 150 à 1 300 ; pour HOLZHAUSER (1983, 1984), la durée du PAG se situe entre la seconde moitié du XIII è siècle et le milieu du XIXe siècle ; selon REYNAUD, la durée du PAG n’excéderai pas trois siècles, soit entre1550 et 1830.
PFISTER (in ZUMBÜHL et al, 1983) place le PAG entre la seconde moitié du XIIIe siècle jusqu’au milieu du XIXe siècle.
Les indications susmentionnées ne sont valables que pour l'Europe de l'ouest : selon DANSGAARD et al. (1975), la phase chaude du Moyen Age s'était terminée cent à cent cinquante ans plus tôt en Islande et deux cent cinquante à trois cents ans plus tôt au Groenland. Ces régions ont donc connu une phase froide comparable au Petit âge glaciaire entre 1 150 et 1 400. Sur la base de leurs résultats, DANSGAARD (1975) en arrive à la conclusion que les variations climatiques de longues durées accusent toujours un retard de quelques deux cent cinquante ans en Europe de l'ouest par rapport au Groenland, en tous les cas pour le dernier millénaire.
Glacier des Bois - 1823La dernière crue glaciaire en date, celle du Petit Age glaciaire, revêt une importance tout à fait exceptionnelle, et ce pour deux raisons. D’une part, étant la plus récente, elle est de très loin la mieux documentée (dessins, lithographies, les premières photographies, etc...). Mais c’est également la plus importante, semble-t-il, depuis le début de l’Holocène. Dans certains cas, on a pu constater la présence de vallums morainiques datés de l’Holocène et situés en aval de ceux correspondant aux extensions maximales du PAG (c’est le cas au glacier du Rhône, dans le Valais Suisse). Ceci montre qu’au cours de l’Holocène les glaciers ne furent jamais beaucoup plus étendus qu'à l'époque moderne.
Les limites du PAG varient selon les auteurs. Si l’on s’accorde à le voir se terminer vers 1850-1860, si on y identifie assez nettement trois crues principales, vers 1600, au cours du XVIIème siècle et vers 1820, le début du PAG est plus délicat à préciser. Certains auteurs y incluent la péjoration climatique du XIVème siècle ; d’autres, comme Louis Reynaud, le font démarrer à la fin du XVIème siècle, avec la crue glaciaire catastrophique qui commence vers 1595. Si l’on suit ce dernier auteur tout en tenant compte des autres données, un premier épisode froid – un « mini Petit Age glaciaire » – aurait eu lieu vers l’an 900, suivi d’un petit optimum climatique vers 1100 après J.C. et d’un second refroidissement à la fin du XIIIème siècle.
Fin du Petit Age Glaciaire et réchauffement récent
En ce qui concerne les pulsations glaciaires du PAG, les études récentes du Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l’Environnement de l’Université de Grenoble et du Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l'Environnement de l'Ecole Polytechnique Fédérale de Zurich (ETHZ) nous éclairent sur leurs causes. Elles suggèrent que ces avancées glaciaires seraient plutôt dues à une augmentation notable des précipitations, plus qu’à une baisse significative des températures. Ainsi, l’avancée des glaciers serait la conséquence d’une hausse de plus de 25% des chutes de neige hivernales, tout particulièrement durant la première partie du PAG. Ceci a favorisé l’accumulation glaciaire, faisant basculer le bilan de masse dans le sens d’une réavancée des glaciers (Vincent et al, 2005).
Depuis la fin du Petit Age Glaciaire, soit depuis près de 150 ans, le retrait des glaciers est quasi continu ; ils ont perdu environ un tiers de leur volume total. Au glacier d’Aletsch, le plus grand glacier alpin (23 km de long, Valais Suisse), l’épaisseur moyenne a diminué de 30 cm/an sur cette période. Les mesures de température font aussi ressortir deux courts refroidissements au cours du XXème siècle : vers 1910-1930 et vers 1960-1990, qui se sont traduits par des réavancées significatives de certains glaciers à ces époques.
Ces bilans de masse négatifs sont le reflet d’une élévation de la limite des neiges permanentes, d’une centaine de mètres dans les Alpes occidentales, mais variant fortement suivant les régions et les glaciers (jusqu’à plus de 200 m en Haute-Maurienne, Savoie). A cette élévation en altitude correspond une augmentation de la température moyenne annuelle d’environ 1°C.
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