http://www.sciencesetavenir.fr/decryptage/20120701.OBS5726/tombouctou-la-destruction-des-mausolees-par-les-islamistes-d-ansar-dine.htmlTombouctou : la destruction des mausolées par les islamistes d’Ansar Dine
En exclusivité pour Sciences et Avenir, l'archéologue et anthropologue suisse Eric Huysecom, spécialiste du Mali, fait le point sur les destructions des mausolées de Tombouctou, "la cité des 333 saints", que la cour pénale internationale vient de qualifier de "crime de guerre".
« C'est un drame pour toute l'Afrique et pour les populations qui, impuissantes, assistent à la destruction de lieux saints toujours profondément vénérés », nous a déclaré l’anthropologue et archéologue suisse Eric Huysecom, spécialiste du Mali, qui s’efforce de suivre depuis Genève les destructions se déroulant à Tombouctou, cette ville du Nord-Mali surnommée « la cité des 333 saints ».
Rappelons que samedi 30 juin, un des représentants du groupe islamiste Ansar Dine a répété la menace selon laquelle « tous les mausolées de la ville seront détruits sans exception ». Il s’agit de monuments funéraires dédiés à des saints et qui ont été classés au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1988. Jusqu’à quel point sont-ils détruits ? Profanés par les groupes islamistes, suite à l’inscription de Tombouctou par l’Unesco, jeudi 28 juin, sur la liste du patrimoine en péril ? Ces actes largement condamnés par la communauté internationale, ont été revendiqués par le groupe Ansar Dine, qui contrôle désormais le Nord-Mali avec ses alliés d’Aqmi (Al-Qaida au Maghreb islamique).
Eric Huysecom est présent depuis 1979 au Mali. Directeur du Laboratoire Archéologie et Peuplement de l'Afrique (APA) du Département de génétique et évolution de l'Université de Genève (GENEV), en Suisse, il est également professeur au Département d'histoire et d'archéologie de l’Université de Bamako, au Mali. Sur le terrain, il dirige une importante mission archéologique. Il est interviewé par Bernadette Arnaud, grand reporter à Sciences et Avenir.
Sciences et Avenir : Savez-vous exactement ce qui a été détruit à Tombouctou ?
Eric Huysecom: Vu la confusion qui règne actuellement sur place, il est difficile de connaître l’importance exacte des destructions. De savoir si les monuments ont été « rasés », ou simplement « profanés ». Ce qui semble sûr, c’est que dimanche 1er juillet, 4 monuments au moins ont fait l'objet de profanation plus ou moins importantes: les mausolées de Sidi Mahmoud ben Amar, Alpha Moya, Sidi Mokhtar et celui de Cheikh el-Kébir.
Où se trouvent exactement ces monuments classés au Patrimoine mondial?
Pour la plupart dans les cimetières situés en périphérie de la vieille ville, englobée dans la ville actuelle.
Que représentent ces sites pour la population de Tombouctou?
Ces sites sont extrêmement importants pour les populations locales, et ce à divers titres. Tout d’abord, ils représentent un patrimoine dont, non seulement les habitants de Tombouctou, mais aussi tous les Maliens sont fiers, car ils témoignent du rayonnement du Moyen-âge de Tombouctou et de l'Afrique, tant vers l'Orient que vers la Méditerranée et l'Europe.
Ensuite, ils sont considérés comme assurant la protection de la ville de Tombouctou, dite « la ville aux 333 saints ».
Enfin, les habitants de la région font souvent appel aux Saints inhumés dans ces mausolées, au travers de prières, pour obtenir des bénédictions pour la réussite de récoltes ou des expéditions caravanières, du bonheur durant le mariage, etc...
Pourquoi des musulmans détruisent-ils des sites sacrés musulmans?
Il s'agit de deux formes d'Islam difficilement compatibles.
Pour la première, ces monuments sont le témoignage d'un islam "d'ouverture", d'un islam "rayonnant", tant dans le domaine des arts, de la littérature que des sciences ou de la médecine, mais aussi d'un islam de tolérance, où le non-musulman avait aussi sa place.
Cette image d'islam tolérant, brillant par la culture et le savoir, est contraire à celle que prônent les mouvements intégristes et radicaux tels qu’Ansar Dine ou Aqmi (Al-Qaida au Maghreb).
Pour ces derniers, les cultes personnalisés dont font l’objet les saints inhumés dans ces mausolées sont incompatibles avec un islam où seul le Prophète peut être invoqué.
Je me permettrais la comparaison entre la révolte protestante contre le culte des saints pratiqué par la religion catholique, il y a quelques siècles.
Depuis l'annexion du nord Mali par les mouvements Touareg et le groupe Ansar Dine, quelles sont les zones archéologiques désormais passées sous leur contrôle?
Une multitude .... Toutes les ruines des cités médiévales sahariennes comme Tadmeka et bien d'autres, les innombrable sites préhistoriques de la vallée du Tilemsi et du bassin de Taoudeni, tous les sites à peintures et gravures rupestres préhistoriques, les nécropoles royales de Gao, tous les monuments de Tombouctou, et tous les sites-clefs pour l'archéologie africaine que je ne désire pas citer, ne souhaitant pas donner d’idées aux pilleurs ...
Votre zone de recherche se trouve-t-elle dans ce périmètre ?
Elle se situe en Pays dogon, immédiatement au Sud du périmètre principalement concerné. Deux de ses villes majeures, Douentza et Hombori, sont contrôlées par la rébellion. Et plusieurs incursions armées, dans la plaine du Séno et dans le cercle de Koro, viennent d'avoir lieu…
Quelles nouvelles avez-vous reçu de vos confrères maliens?
Ils sont aussi consternés et impuissants que nous. C'est un drame qui se joue, non seulement pour ce pays, mais pour toute l'Afrique. Je désire souligner à quel point ces destructions frappent de désarroi les populations locales.
Que deviennent les précieux ouvrages médiévaux conservés dans certaines bibliothèques de la région ?
Nous savons qu'une partie de la bibliothèque du Centre Ahmed Baba de Tombouctou a pu être mise à l'abri, et que de nombreux ouvrages sont sous la protection des familles. Mais nous avons aussi que certains des manuscrits ont été emportés par des membres d'Ansar Dine.
Depuis quand aviez-vous senti que la situation se détériorait dans la région ?
Depuis deux ans. Dès novembre 2010, nous avions prévu de transférer les activités de notre programme de recherche international "Peuplement humain et paléoenvironnement en Afrique de l'Ouest", du Pays dogon vers la vallée de la Falémé au Sénégal oriental.
Vous étudiez la présence de l’Homme dans la région depuis des centaines de milliers d'années. Comment s'inscrit la demande des mouvements Touareg, dans l'histoire du peuplement régional?
Les revendications sont nombreuses, et varient selon les groupes en présence. D’un point de vue politique, ce qui est demandé est la création d’un Etat indépendant de l'Azawad; d’une province malienne autonome. L'Etat de l'Azawad, tel qu'il est réclamé par les Touaregs, délimite une zone qui a en fait toujours été multi-ethnique, peuplée par des groupes divers: Touaregs, Sonrhaï, Maures etc... Du point de vue religieux, c’est l’instauration de la charia prônée par les islamistes d'Ansar Dine, au Mali.
En 2001, en Afghanistan, le mollah Omar faisait exploser les Bouddha de Bamiyan à coups de canon. En quoi les destructions du Nord Mali se distinguent-elles ?
Il est important pour moi de souligner qu’au Mali la situation est particulièrement tragique et distincte de la destruction des Bouddhas de Bamiyan en Afghanistan. A Bamiyan, il s'agissait de destructions terribles d'un patrimoine mondial pluri séculaire et exceptionnel, toutefois déconnecté de la croyance des populations locales (même si d’autres nations bouddhistes y étaient bien entendu religieusement attachées comme le Japon etc.). Au Nord-Mali, il s'agit non seulement de la destruction d'un patrimoine mondial, mais aussi, avant tout du patrimoine malien, du patrimoine des populations habitant Tombouctou. Impuissantes, elles assistent à la destruction, sous leurs yeux, des tombeaux de leurs ancêtres. De lieux saints toujours profondément vénérés.
http://www.sciencesetavenir.fr/decryptage/20120704.OBS5971/mali-menaces-sur-le-patrimoine-sacre-de-tombouctou.htmlDepuis Dimanche 1er juillet, plusieurs mausolées de saints musulmans ainsi que la porte d’une grande mosquée ont été profanés par les groupes islamistes d’Ansar Eddine, dans la ville de Tombouctou, au nord-Mali (voir plan). Lieu sacré de l’histoire de l’Islam, « la ville aux 333 saints » est classée depuis 1988 sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco. Fondée sans doute au Ve siècle de l’Hégire (XIe siècle), elle compte 16 importants mausolées (répartis dans deux cimetières principaux ainsi qu’à l’intérieur des enceintes de bâtiments religieux, voir plan), d’importantes mosquées et des dizaines de milliers de manuscrits précieux.
Lors des récentes destructions entreprises par des groupes armés radicaux, la porte en bois de la mosquée de Sidi Yahya, porte sacrée « que l’on ne devait jamais ouvrir », a été arrachée. Les mausolées de Sidi Mahmoud ben Amar (mort en 1548), celui d’Alpha Moya Lamtouni (philosophe assassiné en 1601), ainsi que ceux de Sidi Mokhtar (ou Sidi Kayar, mort en 1853), et de Cheikh el-Kébir, ont tous été gravement endommagés.
Ces destructions iconoclastes ont déclenché les condamnations unanimes de la part de la communauté internationale. La procureure de la TPI, Fatou Bensouda, les a même qualifiés de « crimes de guerre ». Or quand on parle des mausolées de Tombouctou, de quoi s’agit-il exactement? De quand datent les grandes mosquées de la cité? Parfois, il est question de marabout ? Que désigne ce terme ? Quelles sont les grandes bibliothèques où étaient entreposés les manuscrits précieux ? D’illustres familles protègent depuis des siècles un immense pan du patrimoine malien. Qui sont ces grandes familles ? Pourquoi lit-on parfois Ansar Dine et à d’autres moments Ansar Eddine, pour désigner les groupes armés à l’origine des destructions ? S’agit-il des mêmes mouvements ?
Autant de questions auxquelles nous allons tenter de répondre...
Tombouctou : une architecture de terre
Entre le XVe et le XVIe siècle, Tombouctou (Timbuktu en tamasheq, la langue des Touaregs) a été un des grands centres intellectuel et spirituel de l’Afrique, ainsi qu’une des plus importantes cités marchandes. Ses grandes mosquées témoignent de cet âge d’or. L’architecture de la ville, si identifiable, est due à son emploi de briques crues. Sur les photographies, les poutres que l’on voit souvent surgir des murs et des toitures permettent à la fois de consolider les bâtiments mais aussi de grimper le long des façades quand il s’agit de recrépir les parois d’argile. Ce qui doit être fait régulièrement. C’est à ce revêtement de terre que l’on doit les douces formes de la ville.
Les mosquées : Toutes classées sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1988, les trois grandes mosquées de Tombouctou sont celles de Djingareyber, de Sankoré et de Sidi Yahya (ou Sidi Yahiya) (voir plan). La plus célèbre et la plus imposante, la mosquée de Djinguereber a été construite par l’architecte andalou Abou Ishaq es-Saheli, sur les ordres (et en présence) de l’Empereur du Mali Mansa Mousa. Vers 1325, le fameux empereur qui effectuait un pèlerinage à la Mecque, dispensa tellement d’or sur son passage, qu’il fit effondrer le cours du métal précieux dans tout le bassin méditerranéen !
La mosquée de Sankoré est légèrement postérieure à celle de Djinguereber. Son plan actuel date de 1580. Celle de Sidi Yaya a été érigée vers 1440. Ces trois édifices religieux comptent parmi les plus anciennes mosquées monumentales de l’Afrique occidentale encore utilisées.
Les mausolées : Il s’agit d’imposantes constructions funéraires. A Tombouctou, ces mausolées contiennent pratiquement tous une tombe de saint. Les tombeaux de la ville sont des composantes essentielles du système religieux et font l’objet d’une grande dévotion de la part la population. Sept de ces seize mausolées auraient été profanés.
Les bibliothèques et manuscrits : Depuis plusieurs années, des dizaines de milliers de manuscrits anciens traitant de religion, philosophie, histoire, géographie, médecine, mathématique, ainsi que des chroniques fameuses (les tarikhs, des livres mêlant histoire, économie, anecdotes, géographie, etc.) étaient conservés dans l’enceinte de la ville, au centre de documentation Ahmed Baba (Cedrab). Dès le XVe siècle, la cité a en effet accueilli de très nombreux savants, dont les enseignements ont été recueillis par une armée de copistes payés par les souverains et notables de l’époque. En 2009, l’Institut des hautes études et de recherche islamique Ahmed Baba, financé par l’Afrique du Sud a été inauguré pour étudier ces documents. Les autres « bibliothèques » détenant des « manuscrits de Tombouctou » sont pour la plupart privées et appartiennent à de grandes familles. Ces « bibliothèques » que l’on estime à plus de soixante, sont disséminées dans la région. Plusieurs d’entre elles auraient été transférées et mis en lieux sûrs.
Les « grandes familles » : Il s’agit de familles de notables dont des ancêtres illustres sont originaires de Tombouctou (Touaregs, Songhaïs, etc…). Certaines de ces filiations remontent au-delà du XVe siècle. Au Mali, ces familles sont extrêmement respectées.
Les « saints » : Quand on parle de « saints » à Tombouctou, il faudrait traduire ce terme par celui de « sage ». Les « saints » sont d’anciens imams, des cadis (juges) vénérés pour leur sagesse (par exemple Sisi Mahmoud), des lettrés et des scientifiques, (comme Ahmed Baba) ou encore des philosophes (à l’instar de Sidy Hamed Raggadi) etc…
Les Marabouts : L’usage de ce terme est assez impropre, car souvent synonyme de jeteur de sort ou de vulgaire guérisseur... Il s’agit plus de sage musulman, d’ascète, pratiquant souvent la géomancie, la guérison ou la protection contre le mauvais sort (parfois l’envoûtement), à l’aide de talismans ou bien d’incantations. Ces personnages, très importants pour la population, sont considérés comme impies par les intégristes, pour qui seul Allah doit être vénéré. Allah est le Dieu unique.
Ansar Dine, Ançar-Dine, Ansar Eddine ou Ançarddine ?
Ce terme transcrit de l’Arabe signifie littéralement « Défenseur de la foi ». Toutefois, au Mali, deux entités (une au nord et une au sud) portent ce même nom ! Une confusion qui a perturbé les habitants eux-mêmes. Le mouvement djihadiste créé par le responsable touareg Iyad ag Ghali sous l’appellation d’Ançar-Dine, aurait peu à voir avec une association du même nom créée il y a déjà trente ans par le prêcheur soufi Cherif Ousmane Madani Haïdara ! « Nous n’avons rien à voir avec l’association criminelle qui tue et pille d’ag Ghali», a –t-il affirmé lors d’un point presse en avril 2012. Pour désigner le groupe salafiste qui souhaite imposer la charia (loi islamique) dans tout le pays, il est préférable d’utiliser l’écriture Ansar Eddine.
Hier à 22:38 par Schattenjäger
» GILDAS BOURDAIS
Hier à 16:04 par Invité
» Une grotte mystérieuse...En réalité pas grand chose!
Jeu 14 Nov - 12:37 par Satanas
» La France en 2024
Mer 13 Nov - 22:16 par Satanas
» L'HISTOIRE QUI A TERRIFIÉ L'EST DE LA FRANCE
Lun 11 Nov - 19:29 par Schattenjäger
» Le cas Paul Bernardo
Lun 11 Nov - 18:09 par Satanas
» 11 Km de Profondeur Sous l’Océan : Ce Que Cachent les Abysses
Mer 6 Nov - 21:50 par Schattenjäger
» 5 THÉORIES SUR BOUDDHA
Mer 6 Nov - 15:11 par Satanas
» Lieux hantés d'Écosse : châteaux, légendes et malédictions.
Ven 1 Nov - 18:45 par Schattenjäger
» Roswell 75 ans /documentaire chaine W9
Jeu 31 Oct - 20:27 par Mulder26
» Les Incidents les plus Sombres de la TV (ft.@Feldup)
Jeu 31 Oct - 12:41 par Satanas
» L'étrange disparition de l'homme qui aurait construit une machine à voyager dans le temps
Mer 30 Oct - 22:16 par Schattenjäger
» SECRETS CACHÉS SOUS TERRE - "The Oldest View"
Mer 30 Oct - 20:56 par Schattenjäger
» L'Iceberg des Red Rooms : La plus grande enquête sur ce mystère d'internet
Mar 29 Oct - 23:14 par Schattenjäger
» 1/2 tonne: la quête mortelle des géants de la force
Jeu 24 Oct - 18:09 par Mulder26