"Le jeu vidéo incarne encore
le coupable idéal"
Une scène de combats de rue tirée de Call of Duty: Black Ops II, jeu vidéo de Activision. AP/SIPA
http://sciencesetavenir.nouvelobs.com/high-tech/20121226.OBS3552/le-jeu-video-incarne-encore-le-coupable-ideal.html
le coupable idéal"
Une scène de combats de rue tirée de Call of Duty: Black Ops II, jeu vidéo de Activision. AP/SIPA
CETTE SEMAINE, L'EDITEUR de jeux vidéos EA, suite à la tuerie de Newton dans le Connecticut, a retiré du site Web du jeu Medal of Honor les liens renvoyant vers des revendeurs d'armes. Ce qui n'empêche pas les jeux vidéos d'être, une fois de plus, désignés en partie responsable du massacre. Comme la télévision à une époque, les comics ou le cinéma d’horreur, ce média cristallise nombre de craintes et d’idées reçues sur leur violence, la perversion des esprits voire la cyberaddiction. Auteur d’un récent ouvrage sur le sujet, le psychanalyste Yann Leroux déboulonne quelques clichés.
Sciences et Avenir : En 2008, deux députés présentaient un rapport sur la « cyberdépendance », pointant du doigt l’addiction aux jeux vidéos en ligne. En 2010, une proposition de loi pour contrer le phénomène était déposée à l’Assemblée nationale. Pourtant, vous racontez que cette notion de « cyberaddiction » est littéralement née d'une blague. Pourquoi le malentendu a-t-il la vie si dure ?
Yann Leroux : Tout est effectivement parti d’un psychiatre de Manhattan, Yann Goldberg. En 1995, sur un forum sur Internet, il publie pour rigoler la définition d’un trouble fantaisiste, l’Internet Addiction Disorder (IAD). Il a simplement copié la définition d’un trouble réel, le jeu pathologique, telle qu’on la trouve dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, la référence des psychiatres américains, en remplaçant « jeu » par « Internet ». Ca a fait rigoler ses collègues. Mais quelques mois plus tard, une psychologue appelée Kimberley Young et dotée d’un peu moins d’humour, publie un article évoquant un nouveau trouble : la cyberaddiction. A partir de là, l’IAD va trouver un écho, associé à des faits divers notamment. A une époque, dès que vous tapiez IAD dans Google, les premiers résultats vous renvoyaient à l’article de Kimberley Young.
SetA: Est-ce l’évolution des technologies, poussant les jeux vidéos vers toujours plus de réalisme, qui nourrit ce type d’inquiétude ?
YL: Non, plutôt la méconnaissance de ce média. Par définition, le jeu vidéo est constitué d’images, or, fondamentalement, on a peur des images que l’on produit massivement. On a peur qu’elles ne nous transforment radicalement et de devenir ce qu’elles nous montrent. Ce qui conduit à des inquiétudes sur l'identité. Mais c’est totalement indépendant de l’évolution technique. Les images comblent un manque : si nous en produisons, c’est que nous en avons besoin.
SetA: Vous expliquez même que les jeux prenant pour cadre des conflits historiques (la Seconde guerre mondiale notamment) ont, pour résumer grossièrement, une vertu quasi documentaire. Quel rôle peuvent-ils jouer sur la connaissance ?
YL: Dans le cycle d’appropriation d’une représentation, le chemin n’est totalement bouclé que lorsque ces représentations sont devenues l’objet de discours. Pour le jeu vidéo, on peut garder votre expression de « vertu documentaire ». Car c’est une chose de lire à propos du débarquement à Omaha Beach, c’en est une autre d’être impliqué dans les combats, de se déplacer sur les lieux, d’enregistrer des émotions. Dans ce cadre, le jeu vidéo est un outil permettant de représenter un événement sous un angle différent.
SetA: Vous ne pointez pas la violence des jeux vidéos mais plutôt l’univers de règles qu’ils fournissent. Le sociologue Norbert Elias expliquait la même chose à propos du sport. Est-ce du même ordre ?
YL: Le parallèle est tout à fait juste. C’est vrai que sur l’espace public, il est beaucoup question de jeux de guerre tels Call of Duty. Des jeux plus complexes, non violents, peinent à se faire une place dans la presse grand public. Pourtant, dans les jeux vidéos, ce n’est pas la violence qui pose problème, mais l’univers de compétition dans lequel ils plongent le joueur. En soi, un jeu vidéo n’est pas un média éducatif pour l’enfant, mais il le devient au travers des discussions qu’il génère avec les parents.
SetA: Notre vie psychique s’appuierait sur un environnement humain (les personnes qui nous entourent) et un environnement non-humain. Vous plaidez pour la reconnaissance d’un troisième environnement, le numérique. Les jeux vidéos y auraient-ils leur place ?
Les jeux vidéos au même titre que les smartphones, contribuent à la transposition numérique de nos histoires personnelles, une dimension qui prend de plus en plus d’importance. Mais, que je sache, quand quelqu’un parle à son ordinateur parce qu’il utilise Skype, on ne le met pas sous antipsychotiques ! On n’a pas encore passé ce cap avec le jeu vidéo, qui incarne encore le « coupable idéal » des maux de nos sociétés.
Sciences et Avenir : En 2008, deux députés présentaient un rapport sur la « cyberdépendance », pointant du doigt l’addiction aux jeux vidéos en ligne. En 2010, une proposition de loi pour contrer le phénomène était déposée à l’Assemblée nationale. Pourtant, vous racontez que cette notion de « cyberaddiction » est littéralement née d'une blague. Pourquoi le malentendu a-t-il la vie si dure ?
Yann Leroux : Tout est effectivement parti d’un psychiatre de Manhattan, Yann Goldberg. En 1995, sur un forum sur Internet, il publie pour rigoler la définition d’un trouble fantaisiste, l’Internet Addiction Disorder (IAD). Il a simplement copié la définition d’un trouble réel, le jeu pathologique, telle qu’on la trouve dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, la référence des psychiatres américains, en remplaçant « jeu » par « Internet ». Ca a fait rigoler ses collègues. Mais quelques mois plus tard, une psychologue appelée Kimberley Young et dotée d’un peu moins d’humour, publie un article évoquant un nouveau trouble : la cyberaddiction. A partir de là, l’IAD va trouver un écho, associé à des faits divers notamment. A une époque, dès que vous tapiez IAD dans Google, les premiers résultats vous renvoyaient à l’article de Kimberley Young.
SetA: Est-ce l’évolution des technologies, poussant les jeux vidéos vers toujours plus de réalisme, qui nourrit ce type d’inquiétude ?
YL: Non, plutôt la méconnaissance de ce média. Par définition, le jeu vidéo est constitué d’images, or, fondamentalement, on a peur des images que l’on produit massivement. On a peur qu’elles ne nous transforment radicalement et de devenir ce qu’elles nous montrent. Ce qui conduit à des inquiétudes sur l'identité. Mais c’est totalement indépendant de l’évolution technique. Les images comblent un manque : si nous en produisons, c’est que nous en avons besoin.
SetA: Vous expliquez même que les jeux prenant pour cadre des conflits historiques (la Seconde guerre mondiale notamment) ont, pour résumer grossièrement, une vertu quasi documentaire. Quel rôle peuvent-ils jouer sur la connaissance ?
YL: Dans le cycle d’appropriation d’une représentation, le chemin n’est totalement bouclé que lorsque ces représentations sont devenues l’objet de discours. Pour le jeu vidéo, on peut garder votre expression de « vertu documentaire ». Car c’est une chose de lire à propos du débarquement à Omaha Beach, c’en est une autre d’être impliqué dans les combats, de se déplacer sur les lieux, d’enregistrer des émotions. Dans ce cadre, le jeu vidéo est un outil permettant de représenter un événement sous un angle différent.
SetA: Vous ne pointez pas la violence des jeux vidéos mais plutôt l’univers de règles qu’ils fournissent. Le sociologue Norbert Elias expliquait la même chose à propos du sport. Est-ce du même ordre ?
YL: Le parallèle est tout à fait juste. C’est vrai que sur l’espace public, il est beaucoup question de jeux de guerre tels Call of Duty. Des jeux plus complexes, non violents, peinent à se faire une place dans la presse grand public. Pourtant, dans les jeux vidéos, ce n’est pas la violence qui pose problème, mais l’univers de compétition dans lequel ils plongent le joueur. En soi, un jeu vidéo n’est pas un média éducatif pour l’enfant, mais il le devient au travers des discussions qu’il génère avec les parents.
SetA: Notre vie psychique s’appuierait sur un environnement humain (les personnes qui nous entourent) et un environnement non-humain. Vous plaidez pour la reconnaissance d’un troisième environnement, le numérique. Les jeux vidéos y auraient-ils leur place ?
Les jeux vidéos au même titre que les smartphones, contribuent à la transposition numérique de nos histoires personnelles, une dimension qui prend de plus en plus d’importance. Mais, que je sache, quand quelqu’un parle à son ordinateur parce qu’il utilise Skype, on ne le met pas sous antipsychotiques ! On n’a pas encore passé ce cap avec le jeu vidéo, qui incarne encore le « coupable idéal » des maux de nos sociétés.
http://sciencesetavenir.nouvelobs.com/high-tech/20121226.OBS3552/le-jeu-video-incarne-encore-le-coupable-ideal.html
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