source : http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/astronomie/d/alma-le-radiotelescope-geant-sera-inaugure-demain_45117/En construction depuis plus de dix ans, l’observatoire Alma sera inauguré le 13 mars, au Chili. Situé à plus de 5.000 m d’altitude, sur le plateau de Chajnantor, cet interféromètre géant sera capable d’observer en détail des phénomènes et des objets qu’arrivent tout juste à discerner les grands télescopes terrestres ou Hubble, par exemple.
Alma (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array) est un programme international entre l’Asie, l’Europe et les États-Unis, en coopération avec le Chili. Lorsqu’il sera achevé, avant la fin de cette année, cet interféromètre géant comptera 66 antennes paraboliques : 54 d'entre elles mesurent 12 m de diamètre. Elles sont fournies par l’Europe (25), les États-Unis (25) ainsi que le Japon (4), qui fournira également 12 antennes de 7 m.
L'ensemble, sur une surface totale de 6.570 m2, formera un réseau pouvant être utilisé selon une trentaine de configurations, différant par la distance entre les antennes les plus éloignées. Cet arrangement conditionne la résolution et le champ observé, un peu comme un zoom optique. Cinquante antennes de 12 m pourront ainsi constituer un réseau large de 16 km, simulant ainsi un radiotélescope géant dont l'unique antenne aurait ce diamètre. Les quatre autres antennes de 12 m et les 12 de 7 m formeront quant à elles le réseau compact d'Alma, large de 150 m.
La réalisation des 25 antennes européennes a été confiée à un consortium européen, dont Thales Alenia Space (TAS) assure la maîtrise d'œuvre, nous explique Vincenzo Giorgio, vice-président optique, observation et sciences pour TAS. Bien que maître d’œuvre et fournisseur du prototype de radiotélescope d’Alma (installé à Socorro, Nouveau-Mexique, États-Unis), TAS n'était pas attendu sur ce genre de projet. L'entreprise est surtout reconnue dans le domaine de la construction de satellites et d’infrastructures orbitales (elle fournit par exemple plus de 50 % des éléments pressurisés de l’ISS, c’est-à-dire des modules habitables). Avec ce projet, « nous visons d’autres grands projets tels que le futur très grand télescope de 40 m [l’E-ELT, NDLR], auquel l’ESO vient de donner son feu vert pour sa construction ». Concrètement, Thales Alenia Space pourrait « apporter une contribution dans la chaîne optique et des instruments liés aux technologies spatiales ».
La première performance a été de boucler son financement d’environ 1,4 milliard de dollars et de réussir à faire travailler ensemble plusieurs entreprises et instituts des États-Unis, d’Europe et d’Asie. Son budget a été financé en Europe par l'ESO (Observatoire européen austral), en Amérique du Nord par la NSF (Fondation nationale pour la science) en coopération avec le CNRC (Conseil national de recherches Canada) et le NSC (Conseil national des sciences à Taïwan) et en Asie par les Instituts nationaux des sciences naturelles (NINS) du Japon avec l'Academia Sinica à Taïwan.
La deuxième performance est technologique. Les premières observations d’Alma ont montré que la résolution de cet interféromètre est conforme au cahier des charges. Le contraire aurait été surprenant car à la différence d'un télescope optique, où la qualité des miroirs et la mise au foyer peuvent dégrader les images, Alma est un interféromètre. La résolution obtenue est entièrement déterminée par la longueur d'onde et la distance entre les télescopes.
Concrètement, lorsqu’il sera complètement opérationnel, la distance maximale entre les télescopes sera de 16 km, ce qui donnera la résolution d’environ 0,005 seconde d'arc. Pour le moment, Alma est dans une configuration beaucoup plus compacte, avec une distance maximale de quelques centaines de mètres, et donc une résolution d'environ une seconde d'arc, ce qui est normal.
Quant à la précision des antennes, de 25 microns, elle est « remarquable et inamovible, quelles que soient les conditions météorologiques ». La performance des antennes européennes est supérieure à celle des antennes américaines, car elles sont réalisées à partir de panneaux en nickel recouverts d’une couche de rhodium et d’une base en fibres de carbone renforcée avec du plastique.
Bien qu’Alma ne soit pas complètement opérationnel, car seules une partie des antennes sont installées sur le site (18 sur 25 pour l'Europe), les premiers tests ont séduit le consortium Alma, et les résultats scientifiques tirés des premières observations « dépassent les attentes des astronomes ». Cela laisse présager des « observations remarquables » et des « avancées significatives » dans tous les domaines de l’astronomie moderne, lorsque les 66 antennes seront opérationnelles. « Alma va découvrir des choses qui n’ont jamais été vues au préalable », avec comme conséquence une compétition sévère pour l’attribution du temps d’observation de cet instrument.
Alma observera l'univers froid dans les longueurs d’onde des domaines millimétriques et submillimétriques, pour des fréquences allant de 30 GHz (1 cm) à 1 THz environ (300 μm). Ce domaine correspond aux émissions des objets froids de l'univers, c'est-à-dire les régions de formation d'étoiles, où les températures avoisinent 10 à 15 K (-263,15 °C à -258,15 °C), et le rayonnement cosmologique, dont la température de 2,73 K est bien connue depuis les mesures du satellite Cobe.
Le réseau Alma sera en mesure d’étudier et d’observer des objets que peuvent très difficilement discerner les grands télescopes ou Hubble, comme les premières étoiles et galaxies qui se sont formées quelques millions d’années après la naissance de l'univers. Ce qui est extraordinaire, c’est que l’on va « observer les prémices de l’univers ». Les chercheurs s’attendent à ce qu’Alma puisse sonder au-delà de l’univers actuellement observable, à l’intérieur des âges sombres, une période qui commence après la diffusion du rayonnement cosmique, lorsque l'univers apparaissait chaud et opaque, voilà plus de 12,8 milliards d'années-lumière. Il s’agira bien de « voir la création de l'univers », souligne Massimo Tarenghi, l’astronome qui représente l’ESO au Chili.
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