source : http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/physique-1/d/lintrication-quantique-persiste-entre-deux-photons-si-lun-disparait_46649/L'intrication quantique, via le transfert d'informations, est peut-être sur le point d'entrer dans notre vie quotidienne, à l’instar d’une autre technologie quantique, le laser. On vient de prouver qu'elle subsistait entre deux particules même quand l'une n'existait plus.
En mécanique quantique, le paradoxe d’Einstein-Podolski-Rosen, ou paradoxe EPR, est célèbre. Il est si spectaculaire qu'il est désormais connu du grand public, et ses divers avatars se retrouvent souvent dans les médias. Tout commença en 1935, quand Albert Einstein et ses deux jeunes collègues publièrent un article tentant de prouver que la mécanique quantique ne pouvait pas être la description ultime des quanta de lumière ou de matière. Si tel était le cas, selon eux, elle conduirait à des phénomènes en contradiction avec l’esprit de la relativité restreinte.
Sous sa forme moderne, le paradoxe est souvent étudié et présenté au moyen de paires de photons, produits par la désintégration d’une autre particule, comme un méson pi, ou à l'aide d'un dispositif en optique non linéaire. Pour décrire l’état particulier de ces paires de particules en mécanique quantique, on parle de paires de particules intriquées. Une théorie mathématique permet de définir ce qu’on entend par « intrication » pour des systèmes physiques.
Selon l’intrication quantique, deux photons apparaissent alors comme un tout indissociable. Ainsi, toute mesure de certaines caractéristiques de l’une de ces particules (produisant une modification de son état), entraîne instantanément une modification de l’état de l’autre particule, quand bien même elles seraient séparées par une distance de plusieurs millions d’années-lumière. On comprend bien que cette conclusion semblait à Einstein bien peu compatible avec sa théorie de la relativité, qui implique qu’aucun signal ne peut se déplacer plus vite que la lumière dans l’univers.
Une analyse soignée du phénomène montre, comme le fit le physicien Niels Bohr, qu’il est cependant possible de conserver à la fois la théorie d’Einstein et les lois de la mécanique quantique, si l’on admet qu’il existe une sorte de « non-localité ». Les objets dans l’univers ne seraient pas fondamentalement dans l’espace et dans le temps. Par une sorte d’effet de perspective, nous fractionnerions une réalité constituée d’un seul bloc en une série de particules ou d’ondes dans un espace-temps que nous pouvons appréhender. Or, cette réalité serait en fait foncièrement au-delà de ce cadre spatiotemporel.
L'intrication et la « non-localité » sont bien réelles, et l'on s'en sert aujourd'hui pour transmettre de l'information, que ce soit avec la téléportation quantique ou la cryptographie quantique, mais tout en respectant, semble-t-il, les lois de la relativité.
Elle reste surprenante à bien des égards, comme le montre à nouveau une expérience faite par Eli Megidish, Hagai Eisenberg et leurs collègues de l’Hebrew University à Jérusalem. Comme ils l’expliquent dans un article déposé sur arxiv, les physiciens utilisent à la base deux paires de photons intriqués, générées en faisant passer des faisceaux laser à travers un cristal. La procédure qui consiste à produire des paires de photons intriqués de cette manière, à l’aide d’un effet d’optique non linéaire propre à certains cristaux diélectrique, est standard.
Le schéma du haut illustre une expérience classique d'échange d'intrication quantique avec des paires de photons intriqués (entangled en anglais, voir les explications ci-dessous dans le texte). Celui du bas illustre la variante réalisée par les chercheurs israéliens.
En effectuant une mesure particulière de la polarisation sur l’un des photons de la première paire (appelons le 2), et sur l’un de la seconde paire (appelons le 3) comme on peut le voir sur le schéma ci-dessus, il est possible d’intriquer les photons 1 et 4 quand bien même le processus de mesure conduirait à la disparition des photons 2 et 3. Ce phénomène est bien connu. Il s’agit de ce qu’on appelle la mesure d’un état de Bell et il permet de faire un échange d’intrication quantique (entanglement swapping en anglais).
Les chercheurs ont réalisé une fascinante variante des expériences précédentes d’échange d’intrication (schéma du bas sur l’image ci-dessus). Ils ont commencé par produire une première paire de photons intriqués et ont mesuré la polarisation sur le photon 1. Ensuite seulement ils ont fabriqué la paire de photons (3-4) et effectué une mesure d’état de Bell avec les photons 2 et 3. Ils ont vérifié leurs résultats en réalisant plusieurs fois la même expérience. Ils ont constaté, comme le prévoyait les équations de la mécanique quantique, que les résultats des mesures sur la polarisation de ces multiples essais identiques avec le photon 4 montraient que les paires de photons 1-4 étaient intriquées, alors même que les photons 1 avaient à chaque fois disparu.
Le plus paradoxal est que, selon les lois de la relativité restreinte, si des observateurs voyageaient à des vitesses différentes, aucun d’entre eux ne pourrait déterminer un moment où les deux photons 1 et 4 existeront simultanément. Il en résulte, selon Hagai Eisenberg que « vous ne pouvez pas dire que le système est intriqué à tel ou tel moment ». Toutefois, l'intrication existe bel et bien. Le grand physicien Anton Zeilinger, mondialement connu pour ses travaux en mécanique quantique ajoute, à propos de cette expérience : « Elle est remarquable car elle montre plus ou moins que les événements quantiques sont au-delà de nos notions quotidiennes sur l'espace et le temps ».
Loin de ces considérations presque métaphysiques, ce genre d’expérience pourrait bien déboucher sur de nouvelles manières de concevoir la transmission d’information sur de longues distances. Ceci contribuerait donc à l’établissement d’un réseau de communication quantique mondial, dans un futur proche.
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Apollyôn- Modérateur
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