Les États-Unis ont été le premier pays à mettre en place un programme officiel de stérilisations contraintes, dans le cadre d'une idéologie eugénique alors en vogue, représentée par Madison Grantet d'autres. Ils ont stérilisé contre leur gré plus de 64 000 personnes des années 1900 aux années 1970.
Le programme visait d'abord lesretardés mentaux et personnes sujettes à des troubles psychiques. De plus, certains États visaient aussi les sourds, les aveugles, lesépileptiques et les victimes de malformations congénitales. En outre, les Amérindiens ont aussi été victimes du racisme d'État, et nombre d'entre eux ont été stérilisés contre leur gré, sans même en être informés, lors de séjours en hôpital (en maternité, etc.)[réf. nécessaire]. D'autres stérilisations, à une moindre échelle, ont eu lieu en prison et dans le cadre pénal, en visant la criminalité. Au total, plus de 65 000 personnes ont été stérilisées dans 33 États différents dans le cadre de programmes semblables. Vingt-sept États ont mené des programmes de stérilisations contraintes jusqu'en 1956: l'Arizona, laCalifornie, le Connecticut, le Delaware, la Géorgie, l'Idaho, l'Indiana, l'Iowa, le Kansas, le Maine, le Michigan, le Minnesota, le Mississippi, le Montana, le Nebraska, le New Hampshire, la Caroline du Nord et du Sud, le Dakota du Nord et du Sud, l'Oklahoma, l'Oregon, l'Utah, le Vermont, la Virginie, la Virginie-Occidentale et le Wisconsin.
Le Michigan fut le premier État, en 1897, à tenter d'introduire une loi contraignant certaines personnes à être stérilisées. Le projet de loi n'obtint cependant pas assez de voix. En 1905, la Pennsylvanie vota une telle loi, mais elle fut rejetée par un veto du gouverneur. Deux ans plus tard, l'Indiana fut en définitive le premier État à introduire effectivement une loi permettant la stérilisation contrainte, suivi de près par Washington et la Californie en 1909. Jusqu'à Buck v. Bell, un cas soumis à la Cour Suprême en 1927, les taux de stérilisation restèrent relativement faibles, à l'exception notable de la Californie. Au 1er juillet 1925, la stérilisation légale a été pratiquée sur 6244 individus. En conclusion de Buck v. Bell, les juges légitimèrent la stérilisation forcée de handicapés mentaux au nom de la « protection et de la santé de l'État ». Trois ans plus tôt, la Virginie avait adopté une loi autorisant, au nom de l'eugénisme, la stérilisation contrainte des handicapés mentaux. Carrie Buck avait été transférée à la garde de l'État par sa famille, qui plaida sa « faiblesse d'esprit », après qu'elle eut donné naissance à un enfant (elle avait été violée par un membre de sa famille). La Cour suprême jugea que Buck, sa mère et sa fille étaient « faibles d'esprit » et coupables de « mauvaises mœurs », légitimant ainsi les lois eugéniques de Virginie. Celles-ci furent abolies en 1974. Le juge Oliver Wendell Holmes, Jr., qui rédigea la décision de la Cour suprême, déclarait dans celle-ci que:
« Nous avons vu plus d'une fois que le bien public peut exiger la vie des meilleurs citoyens. Ce serait étrange qu'il ne puisse en appeler à ceux qui ruinent déjà la force de l'État pour des sacrifices moins importants, qui ne sont d'ailleurs souvent pas ressentis comme tels par les personnes concernées, afin de protéger la société contre un excès d'incompétence. Il vaut mieux, pour le monde entier, qu'au lieu d'attendre qu'on exécute la progéniture dégénérée suite à un crime de leur part, ou qu'on les laisse mourir de faim en raison de leur imbécillité, la société puisse empêcher ceux qui sont manifestement incapables de perpétuer leur genre. Le principe qui soutient la vaccination obligatoire est assez large pour légitimer de sectionner les trompes de Fallope (…) Trois générations d'imbéciles sont suffisantes. »Dans un article de 1985, l'historien Paul A. Lombardo affirmait que Buck n'était pas du tout « faible d'esprit », mais que toute l'histoire s'était bâtie autour de son viol par le neveu de sa mère adoptive. Après Buck v. Bell, des douzaines d'États instaurèrent des lois de stérilisation au nom de l'eugénisme. Le statut légal de Virginie avait largement été composé par l'eugéniste Harry H. Laughlin, qui s'était rendu compte que nombre de médecins se refusaient à stériliser de force leurs patients, craignant d'éventuelles poursuites judiciaires. Aussi, Laughlin s'était attelé à la rédaction d'une « loi modèle » qui résisterait à l'examen attentif de la Cour suprême, et permettrait la généralisation de telles pratiques. En 1922, Laughlin avait formulé ce modèle législatif, aux fins, non réalisées, d'instaurer un statut fédéral prônant la stérilisation de force à des fins eugéniques.
Harry Laughlin était le super-intendant de l'Eugenics Record Office du biologiste eugénique Charles Davenport (1866-1944), qui avait essayé, dans son ouvrage de 1929, Race Crossing in Jamaica, de démontrer la « dégénérescence » résultant de mariages mixtes entre populations noires et blanches.
L'eugénisme était ainsi clairement lié au racialisme, théorie s'appuyant sur la science pour justifier des préjugés racistes. Laughlin lui-même travailla ensuite pour la Pioneer Fund, fondée en 1937. Onze mois après l'instauration des lois de Nuremberg en Allemagne nazie, Laughlin écrivait à un responsable de l'Université de Heidelberg, où il était doctor honoris causa, affirmant que les États-Unis et le Troisième Reich partageaient une « compréhension commune de… l'application pratique » de principes eugéniques à la « santé raciale ».
Le nombre annuel de stérilisations augmenta jusqu'au procès Skinner v. Oklahoma, en 1942, lors duquel la Cour suprême complexifia la situation légale en s'opposant à la stérilisation de délinquants si la clause de protection égale (Equal Protection Clauseou égalité devant la loi), inscrite dans la Constitution, n'était pas respectée. En d'autres termes, si la stérilisation de délinquants devait être admise, elle devait s'appliquer aux délinquants de toute classe sociale, et non pas simplement aux ouvriers.
La plupart des lois instaurant de tels programmes de stérilisation peuvent se diviser en trois catégories : celles qui étaient motivées par des considérations relatives à l'hérédité (eugénisme traditionnel), celles qui prétendaient que de telles pratiques menaient à la vitalité (eugénisme thérapeutique) et celles qui voulaient punir une catégorie de personnes (pénal) — bien que ces motivations se soient combinées en théorie et en pratique, la stérilisation des « délinquants » étant considérée comme traitement eugénique de sélection de la population et comme châtiment. L'arrêt de la Cour suprême lors de Buck v. Bell, en 1927, avait mis hors-la-loi la stérilisation contrainte en tant que châtiment.
La plupart des opérations de stérilisation visaient simplement à empêcher toute reproduction (par exemple en sectionnant le canal déférent chez les hommes), bien que certains États (l'Oregon et le Dakota du Nord) prévoyaient la castration. La plupart des opérations de stérilisation étaient menées sous des statuts eugéniques, dans des hôpitaux psychiatriques ou des instituts pour personnes handicapées.
Après la Seconde Guerre mondiale et les politiques d'extermination de l'Allemagne nazie, qui comprenaient un volet eugénique, l'opinion publique devint moins favorable aux programmes de stérilisation. Pour autant, les pratiques de stérilisation continuèrent à un niveau relativement élevé jusqu'au début des années 1960. Le Oregon Board of Eugenics, rebaptisé Board of Social Protection, a existé jusqu'en 1983, avec les dernières stérilisations de force pratiquées en 1981.
Le commonwealth de Porto Rico avait aussi un programme de stérilisation. La législation à ce sujet resta en vigueur dans beaucoup d'États après les années 1960, bien qu'elle n'ait été quasiment plus utilisée. À elle seule, la Californie compte pour plus d'un tiers des cas de stérilisations forcées. Les eugénistes E. S. Gosney et Paul B. Popenoe ont rendu public une bonne partie de ce programme dans un livre qui fut utilisé par le Troisième Reich pour appuyer la thèse selon laquelle un programme de stérilisations forcées à grande échelle était envisageable.
Récemment, les gouverneurs de beaucoup d'États, en commençant par la Virginie, puis l'Oregon et la Californie, ont présenté des excuses publiques pour les programmes de stérilisations contraintes. Néanmoins, aucun n'a proposé de compensation financière, au prétexte que peu de victimes étaient encore en vie et qu'il était difficile de retrouver leurs traces administratives. Au moins une plainte a été déposée, déclarant dans Poe v. Lynchburg Training School & Hospital (1981) que la stérilisation était anticonstitutionnelle. La plainte fut rejetée, au motif que la loi n'était plus en vigueur. Les défenseurs reçurent néanmoins quelque indemnisation, au motif que la loi elle-même demandait l'information des patients, obligation qui n'avait pas été satisfaite.
En juillet 2013, le Center for Investigative Reporting accuse l'administration pénitentiaire de l'état de Californie d'avoir pratiqué des stérilisations forcées sur au moins 148 femmes détenues entre 2006 et 2010.
Source :
http://fr.wikipedia.org/wiki/St%C3%A9rilisation_contrainte
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