Les chasses aux sorcières d'antan
Edifiante recherche sur les origines et les méthodes des chasses aux sorcières dont le compte-rendu des procès et la conclusion, intitulée "le message des sorcières", nous éclaire avec force et intelligence sur la "chasse aux sorcières" de notre temps.
Contrairement au cliché, la « chasse aux sorcières » est loin d’être un fait historique médiéval.
En effet, le haut moyen-âge, s’il réprima dans le sang et les flammes l’hérésie, fut clément, en tout cas comparé à la Renaissance et au Grand Siècle, vis à vis de la « sorcellerie ».
Les premières "chasses aux sorcières" débutèrent vers le milieu du 15ème siècle, à la toute fin du moyen-âge.
On peut dater plus précisément la première vague de répression, menée par les tribunaux de l'Inquisition, de 1480 à 1520.
Mais la plus intense folie meurtrière eut lieu entre 1580 et 1630, et fut menée par des tribunaux séculiers.
En France, il faudra attendre la fin du 17ème siècle pour que cessent définitivement les poursuites. La dernière sorcière à être condamnée en Europe, Anna Goldi, le fut en 1782 en Suisse.
Il y aura en tout environ 100 000 procès et 50 000 exécutions.
Les victimes furent essentiellement des femmes - environ huit "sorcières" pour un "sorcier".
Le rôle de la population
Si le mythe de la sorcière membre d'une secte satanique fut l'oeuvre des démonologues et des élites en général, le peuple, ayant au moins en partie intégré ces terreurs et ces haines, demanda à son tour que l'on "brûle la sorcière"... ou la brûla sans même consulter les autorités.
Il fallait bien un responsable à trois siècles de malheurs ...Quelqu'un devait être coupable de détraquer le temps, de ces soudaines froidures que l'on ne comprenait pas, de faire mourir le bétail, périr les cultures... Après les juifs et les lépreux, persécutés aux treizième et quatorzième siècles, la sorcière, responsable de tous les maux désignée par les élites, fit un nouveau bouc-émissaire idéal. Elle paya pour l'accumulation de malheurs frappant le monde paysan, et pour toutes les tensions sociales dont pouvait souffrir une communauté en ces temps de mutation, en ces siècles de fer et de sang.
Cette pression populaire pour que soit jugée la sorcière est ce qui fait la grande différence entre la répression de la sorcellerie et celle des hérétiques, menée par le pouvoir mais bien souvent sans soutien du peuple.
La rumeur
En majorité, les affaires de sorcellerie furent initiées par une dénonciation villageoise.
Toujours, tout commença par la rumeur, la rumeur et la mauvaise réputation.
Qui était victime de cette rumeur, de cette "mauvaise réputation? La réponse est vieille comme le monde: quelqu'un qui ne vivait pas exactement selon la norme en vigueur; quelqu'un de trop laid, ou de trop beau; quelqu'un de trop pauvre, qui osait demander l'aumône, et dont la pauvreté effrayait les plus nantis; quelqu'un dont les moeurs sexuelles étaient un peu trop libres; quelqu'un d'un peu trop solitaire, ou d'un peu trop fêtard... Quelqu'un que l'on n'aimait pas, au village...
Les enfants des condamnés sont évidement marginalisés. Fréquemment sans ressources après la mort de leurs parents, rejetés de tous, ils en sont réduits à vivre d'expédients, voir à faire commerce de prétendus "dons" et se retrouvent à leur tour tout désignés à la vindicte populaire.
Ainsi, des familles entières sont décimées.
Les procès
Tout, dans les procès de sorcellerie, condamne d'avance l'accusé(e).
Une fois arrêtée, la supposée sorcière est conduite en prison (...) Dans l'immense majorité des cas, elle n'a pas d'avocat. D'origine rurale, la plupart des accusés ne savent même pas qu'ils auraient peut-être droit à un conseil, et de toute façon ne pourraient pas le payer. Enfin, les autorités découragent fortement tout candidat à la défense des sorcières. Ainsi, par exemple, en 1613, en Allemagne, le superintendant de Henneberg tient ce discours: " Les autorités ne doivent pas permettre aux avocats de s'occuper des affaires de sorcières et de leur sauver la vie pour provoquer encore plus de dommages et de maux. Car tout le mal que de telles fiancées du diable font, les régents et les honorables avocats devront un jour en répondre devant Dieu et la chaire du Christ". On comprend qu'à la suite de tels discours, les avocats ne se soient pas bousculés pour défendre les accusés de sorcellerie...
Après l'incarcération, on passe à l'interrogatoire.
Au début, le juge fait preuve d'une relative douceur, de façon à mettre l'accusé(e) en confiance.
Cependant, les questions dont on presse ce dernier sont autant de pièges destinés à le perdre. Les juges, parfois, utilisent la méthode des questions théologiques ( déjà utilisée avec Jeanne d' Arc ).On peut imaginer l'effet de telles questions sur une vieille paysanne analphabète, terrorisée... Les juges peuvent également faire de fausses promesses de libération en cas d'aveux, ou utiliser des mots à double sens laissant imaginer un possible clémence si le prévenu cède.
Toujours, les questions sont telles que, quoi que l'on réponde, l'on se perd.
L'histoire d'Adrienne d'Heur, racontée par Guy Bechtel, est typique de ce type de procès.
En 1646, on l'interroge. On lui demande si elle croit aux sorciers. Si elle répond non, on l'accusera de ne pas croire au diable, donc de s'opposer au dogme de l'Église... Si elle répond oui, on lui demandera d'où elle tient cette certitude suspecte: connaît-elle donc personnellement des sorciers?... Adrienne est intelligente: elle sent le piège. Elle répond donc qu'elle croit aux sorciers... puisque la Bible en parle.
Beaucoup d'accusé(e)s n'auront pas d'aussi bons réflexes.
De toute façon, le juge joue au chat et à la souris assez longtemps pour qu'à un moment ou à un autre, entre la peur, la fatigue et la tension nerveuse, l'accusé(e) commette un premier impair.
Bechtel fait le rapprochement entre ce type de procès et les procès staliniens ou ceux de la période du maccarthysme américain. C'est la même méthode qui est utilisée. Le prévenu est considéré comme coupable dès le début. Ce n'est pas aux juges de prouver sa culpabilité, mais au prévenu de prouver son innocence... Tout l'interrogatoire, mené de façon perverse, vise à sa condamnation.
Robert Muchembled cite les paroles de Madeleine Desnas, sorcière de Rieux en Cambrésis, qui tenta de dire "qu'elle est innocente, mais qu'elle sait qu'on veut faire d'elle une coupable, et qu'elle ne peut lutter contre ceux qui savent écrire": " At dict que l'on dict tout ce que l'on veult. Ce qu'elle répète continuellement lorsqu'elle se trouve pressé dedens la vérité apparente, disant que le papier est douce et qu'on y met ce qu'on veult".
Enfin, les accusés, s'ils comprenaient les accusations de sorcellerie rurale traditionnelle, qui faisaient partie de leur culture, ne comprenaient souvent rien aux accusations de satanisme, face auxquelles ils ne savaient comment se défendre. Ainsi, si certains ont avoué avoir lancé des sorts au moment de l'interrogatoire, aucun n'a avoué avoir passé un pacte avec le diable, renié la foi chrétienne ou participé au sabbat avant d'avoir été torturé....
Un moment crucial de l'interrogatoire est le témoignage des proches de la sorcière. Elle ne sait pas qui a déposé contre elle, ni ce que l'on dit d'elle, avant que le juge n'utilise ces témoins pour la charger. Souvent, l'accusée s'effondre à ce moment là, quand les amis, la famille, les voisins viennent témoigner qu'elle est sorcière... Elle perd ses repères, finit par douter d'elle-même, de sa propre innocence. Si les témoins évidemment ne peuvent fournir aucune preuve, leur intervention sape encore un peu plus les résistances des prévenu(e)s.
Le message des sorcières
Que ces femmes, si lointaines, auraient-elles à nous dire ?
Femmes du peuple, pour la plupart, femmes de peu, femmes de rien, elles n'ont même pas laissé de tombes derrière elles, leurs cendres ayant été dispersées aux quatre vents...
La mémoire collective a parfois retenu les noms des plus acharnés de leurs tortionnaires, tel de Lancre... mais qui se souvient, hormis quelques historiens, d'Anna, de Maria, d'Aldegonde, de Frances?....
Leur histoire semble celle d'un monde de barbarie que l'on considère, souvent, avec un certain sentiment de supériorité.... La peste noire, la famine, les guerres de religions... leur histoire de sang et de larmes paraît définitivement appartenir à un passé révolu...
Pourtant, leur histoire nous touche...
Et en y regardant de plus près...
Elles ont été accusées, condamnées, non à cause d'un crime quelconque qu'elles auraient commis, mais à cause de ce qu'elles étaient... femmes, trop vieilles, trop jeunes... quelqu'un sur qui une rumeur courait....quelqu'un que l'on n'aimait pas...
Elles ont été dénoncées par des proches, et non par un pouvoir abstrait... par des maris, des enfants, des belles-mères, des belles-filles, des voisins...
Les procès ne leur ont laissé aucune chance: on les avait choisies comme boucs-émissaire...
Le monde avait peur: il fallait bien que quelqu'un paie.
On fit leur portrait robot, de façon à le reconnaître, cet "ennemi qui complotait de l'intérieur..." On chercha sur elle "la marque", "le signe"... On fantasma sur leur sexualité...
la société était malade: la société a décidé, collectivement, d'une "purification" dans les flammes...
Alors, ceci ne vous rappelle toujours rien?
L'Autre, si dangereux, dont il faut "purifier" la société?
L'Autre, responsable, forcément responsable de tous les malheurs du monde?
L'Autre, à qui l'on dénie tout à coup toute humanité, et que l'on traite comme vermine à éliminer, sans états d'âme, persuadé d'oeuvrer pour le bien de la race, de la patrie, de la révolution, de la moralité, de la religion... voire, comble de l'ironie... de la démocratie?
Guy Bechtel écrit:
"Une histoire vraiment complète de la sorcellerie recouvrirait sans doute l'histoire de tous les temps et de tous les hommes. Elle serait une longue, cruelle et singulière illustration de certains de leurs procédés de survie par le sacrifice sans pitié des supposés ennemis de leur clan ou de leur race, comme on peut le voir encore de notre temps. La persécution répond sans doute à quelque chose de fondamental dans l'être humain. Ainsi, par delà les siècles, ce qui se passe près de nous nous aide à mieux comprendre les sorcières d'hier, mais celles-ci nous expliquent aussi notre présent.
Il n'est pas impossible qu'elles aient encore un message à notre attention: nous mettre en garde contre certains professeurs de pureté et de vertu."
Écoutons donc le message des sorcières: alors, peut-être, si, nous pouvions éviter l'éternel retour des bûchers, pourraient-elles, enfin, reposer en paix...
Source : http://www.sectes-infos.net/Sorcieres.htm
Edifiante recherche sur les origines et les méthodes des chasses aux sorcières dont le compte-rendu des procès et la conclusion, intitulée "le message des sorcières", nous éclaire avec force et intelligence sur la "chasse aux sorcières" de notre temps.
Contrairement au cliché, la « chasse aux sorcières » est loin d’être un fait historique médiéval.
En effet, le haut moyen-âge, s’il réprima dans le sang et les flammes l’hérésie, fut clément, en tout cas comparé à la Renaissance et au Grand Siècle, vis à vis de la « sorcellerie ».
Les premières "chasses aux sorcières" débutèrent vers le milieu du 15ème siècle, à la toute fin du moyen-âge.
On peut dater plus précisément la première vague de répression, menée par les tribunaux de l'Inquisition, de 1480 à 1520.
Mais la plus intense folie meurtrière eut lieu entre 1580 et 1630, et fut menée par des tribunaux séculiers.
En France, il faudra attendre la fin du 17ème siècle pour que cessent définitivement les poursuites. La dernière sorcière à être condamnée en Europe, Anna Goldi, le fut en 1782 en Suisse.
Il y aura en tout environ 100 000 procès et 50 000 exécutions.
Les victimes furent essentiellement des femmes - environ huit "sorcières" pour un "sorcier".
Le rôle de la population
Si le mythe de la sorcière membre d'une secte satanique fut l'oeuvre des démonologues et des élites en général, le peuple, ayant au moins en partie intégré ces terreurs et ces haines, demanda à son tour que l'on "brûle la sorcière"... ou la brûla sans même consulter les autorités.
Il fallait bien un responsable à trois siècles de malheurs ...Quelqu'un devait être coupable de détraquer le temps, de ces soudaines froidures que l'on ne comprenait pas, de faire mourir le bétail, périr les cultures... Après les juifs et les lépreux, persécutés aux treizième et quatorzième siècles, la sorcière, responsable de tous les maux désignée par les élites, fit un nouveau bouc-émissaire idéal. Elle paya pour l'accumulation de malheurs frappant le monde paysan, et pour toutes les tensions sociales dont pouvait souffrir une communauté en ces temps de mutation, en ces siècles de fer et de sang.
Cette pression populaire pour que soit jugée la sorcière est ce qui fait la grande différence entre la répression de la sorcellerie et celle des hérétiques, menée par le pouvoir mais bien souvent sans soutien du peuple.
La rumeur
En majorité, les affaires de sorcellerie furent initiées par une dénonciation villageoise.
Toujours, tout commença par la rumeur, la rumeur et la mauvaise réputation.
Qui était victime de cette rumeur, de cette "mauvaise réputation? La réponse est vieille comme le monde: quelqu'un qui ne vivait pas exactement selon la norme en vigueur; quelqu'un de trop laid, ou de trop beau; quelqu'un de trop pauvre, qui osait demander l'aumône, et dont la pauvreté effrayait les plus nantis; quelqu'un dont les moeurs sexuelles étaient un peu trop libres; quelqu'un d'un peu trop solitaire, ou d'un peu trop fêtard... Quelqu'un que l'on n'aimait pas, au village...
Les enfants des condamnés sont évidement marginalisés. Fréquemment sans ressources après la mort de leurs parents, rejetés de tous, ils en sont réduits à vivre d'expédients, voir à faire commerce de prétendus "dons" et se retrouvent à leur tour tout désignés à la vindicte populaire.
Ainsi, des familles entières sont décimées.
Les procès
Tout, dans les procès de sorcellerie, condamne d'avance l'accusé(e).
Une fois arrêtée, la supposée sorcière est conduite en prison (...) Dans l'immense majorité des cas, elle n'a pas d'avocat. D'origine rurale, la plupart des accusés ne savent même pas qu'ils auraient peut-être droit à un conseil, et de toute façon ne pourraient pas le payer. Enfin, les autorités découragent fortement tout candidat à la défense des sorcières. Ainsi, par exemple, en 1613, en Allemagne, le superintendant de Henneberg tient ce discours: " Les autorités ne doivent pas permettre aux avocats de s'occuper des affaires de sorcières et de leur sauver la vie pour provoquer encore plus de dommages et de maux. Car tout le mal que de telles fiancées du diable font, les régents et les honorables avocats devront un jour en répondre devant Dieu et la chaire du Christ". On comprend qu'à la suite de tels discours, les avocats ne se soient pas bousculés pour défendre les accusés de sorcellerie...
Après l'incarcération, on passe à l'interrogatoire.
Au début, le juge fait preuve d'une relative douceur, de façon à mettre l'accusé(e) en confiance.
Cependant, les questions dont on presse ce dernier sont autant de pièges destinés à le perdre. Les juges, parfois, utilisent la méthode des questions théologiques ( déjà utilisée avec Jeanne d' Arc ).On peut imaginer l'effet de telles questions sur une vieille paysanne analphabète, terrorisée... Les juges peuvent également faire de fausses promesses de libération en cas d'aveux, ou utiliser des mots à double sens laissant imaginer un possible clémence si le prévenu cède.
Toujours, les questions sont telles que, quoi que l'on réponde, l'on se perd.
L'histoire d'Adrienne d'Heur, racontée par Guy Bechtel, est typique de ce type de procès.
En 1646, on l'interroge. On lui demande si elle croit aux sorciers. Si elle répond non, on l'accusera de ne pas croire au diable, donc de s'opposer au dogme de l'Église... Si elle répond oui, on lui demandera d'où elle tient cette certitude suspecte: connaît-elle donc personnellement des sorciers?... Adrienne est intelligente: elle sent le piège. Elle répond donc qu'elle croit aux sorciers... puisque la Bible en parle.
Beaucoup d'accusé(e)s n'auront pas d'aussi bons réflexes.
De toute façon, le juge joue au chat et à la souris assez longtemps pour qu'à un moment ou à un autre, entre la peur, la fatigue et la tension nerveuse, l'accusé(e) commette un premier impair.
Bechtel fait le rapprochement entre ce type de procès et les procès staliniens ou ceux de la période du maccarthysme américain. C'est la même méthode qui est utilisée. Le prévenu est considéré comme coupable dès le début. Ce n'est pas aux juges de prouver sa culpabilité, mais au prévenu de prouver son innocence... Tout l'interrogatoire, mené de façon perverse, vise à sa condamnation.
Robert Muchembled cite les paroles de Madeleine Desnas, sorcière de Rieux en Cambrésis, qui tenta de dire "qu'elle est innocente, mais qu'elle sait qu'on veut faire d'elle une coupable, et qu'elle ne peut lutter contre ceux qui savent écrire": " At dict que l'on dict tout ce que l'on veult. Ce qu'elle répète continuellement lorsqu'elle se trouve pressé dedens la vérité apparente, disant que le papier est douce et qu'on y met ce qu'on veult".
Enfin, les accusés, s'ils comprenaient les accusations de sorcellerie rurale traditionnelle, qui faisaient partie de leur culture, ne comprenaient souvent rien aux accusations de satanisme, face auxquelles ils ne savaient comment se défendre. Ainsi, si certains ont avoué avoir lancé des sorts au moment de l'interrogatoire, aucun n'a avoué avoir passé un pacte avec le diable, renié la foi chrétienne ou participé au sabbat avant d'avoir été torturé....
Un moment crucial de l'interrogatoire est le témoignage des proches de la sorcière. Elle ne sait pas qui a déposé contre elle, ni ce que l'on dit d'elle, avant que le juge n'utilise ces témoins pour la charger. Souvent, l'accusée s'effondre à ce moment là, quand les amis, la famille, les voisins viennent témoigner qu'elle est sorcière... Elle perd ses repères, finit par douter d'elle-même, de sa propre innocence. Si les témoins évidemment ne peuvent fournir aucune preuve, leur intervention sape encore un peu plus les résistances des prévenu(e)s.
Le message des sorcières
Que ces femmes, si lointaines, auraient-elles à nous dire ?
Femmes du peuple, pour la plupart, femmes de peu, femmes de rien, elles n'ont même pas laissé de tombes derrière elles, leurs cendres ayant été dispersées aux quatre vents...
La mémoire collective a parfois retenu les noms des plus acharnés de leurs tortionnaires, tel de Lancre... mais qui se souvient, hormis quelques historiens, d'Anna, de Maria, d'Aldegonde, de Frances?....
Leur histoire semble celle d'un monde de barbarie que l'on considère, souvent, avec un certain sentiment de supériorité.... La peste noire, la famine, les guerres de religions... leur histoire de sang et de larmes paraît définitivement appartenir à un passé révolu...
Pourtant, leur histoire nous touche...
Et en y regardant de plus près...
Elles ont été accusées, condamnées, non à cause d'un crime quelconque qu'elles auraient commis, mais à cause de ce qu'elles étaient... femmes, trop vieilles, trop jeunes... quelqu'un sur qui une rumeur courait....quelqu'un que l'on n'aimait pas...
Elles ont été dénoncées par des proches, et non par un pouvoir abstrait... par des maris, des enfants, des belles-mères, des belles-filles, des voisins...
Les procès ne leur ont laissé aucune chance: on les avait choisies comme boucs-émissaire...
Le monde avait peur: il fallait bien que quelqu'un paie.
On fit leur portrait robot, de façon à le reconnaître, cet "ennemi qui complotait de l'intérieur..." On chercha sur elle "la marque", "le signe"... On fantasma sur leur sexualité...
la société était malade: la société a décidé, collectivement, d'une "purification" dans les flammes...
Alors, ceci ne vous rappelle toujours rien?
L'Autre, si dangereux, dont il faut "purifier" la société?
L'Autre, responsable, forcément responsable de tous les malheurs du monde?
L'Autre, à qui l'on dénie tout à coup toute humanité, et que l'on traite comme vermine à éliminer, sans états d'âme, persuadé d'oeuvrer pour le bien de la race, de la patrie, de la révolution, de la moralité, de la religion... voire, comble de l'ironie... de la démocratie?
Guy Bechtel écrit:
"Une histoire vraiment complète de la sorcellerie recouvrirait sans doute l'histoire de tous les temps et de tous les hommes. Elle serait une longue, cruelle et singulière illustration de certains de leurs procédés de survie par le sacrifice sans pitié des supposés ennemis de leur clan ou de leur race, comme on peut le voir encore de notre temps. La persécution répond sans doute à quelque chose de fondamental dans l'être humain. Ainsi, par delà les siècles, ce qui se passe près de nous nous aide à mieux comprendre les sorcières d'hier, mais celles-ci nous expliquent aussi notre présent.
Il n'est pas impossible qu'elles aient encore un message à notre attention: nous mettre en garde contre certains professeurs de pureté et de vertu."
Écoutons donc le message des sorcières: alors, peut-être, si, nous pouvions éviter l'éternel retour des bûchers, pourraient-elles, enfin, reposer en paix...
Source : http://www.sectes-infos.net/Sorcieres.htm
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