Robotique et hautes technologies dans l'Antiquité | |||||||
Nous savons tous que le progrès humain est le résultat d’une évolution. Mais il se pourrait qu’une partie des exploits scientifiques accomplis au cours des premières étapes du cycle actuel ne soient rien d’autre que des connaissances anciennes, transmises aux générations par les survivants d’un cataclysme. Automates, robots, ordinateurs, radio et télévision existèrent longtemps avant notre époque. La présence d’appareils de ce genre dans l’Antiquité est aussi historique que l’histoire elle-même. Le doyen des distributeurs automatiques et les mystérieuses « machines d’apparence humaine » Au second siècle avant notre ère, les temples égyptiens étaient pourvus de machines distributrices d’eau lustrale. La quantité de liquide fourni était directement proportionnelle au poids de la pièce de monnaie introduite dans l’appareil. Le temple de Zeus, à Athènes, possédait une machine automatique semblable, dispensatrice d’eau sainte. Les légendes grecques disent qu’Hephaïstos, le « forgeron de l’Olympe », avait construit deux statues d’or qui ressemblaient à de vivantes jeunes femmes. Elles se déplaçaient de leur propre gré et s’empressaient aux côtés du dieu infirme (boiteux) pour le soutenir dans sa marche. [1] Les ingénieurs d’Alexandrie d’il y a deux mille ans possédaient plus de cent automates divers. Le légendaire Dédale, père d’Icare, est réputé avoir construit des machines d’apparence humaine qui se déplaçaient par leur seule volonté. Platon dit que ses robots étaient si actifs qu’il fallait les empêcher de fuir. Par quelle énergie étaient-ils actionnés ? [2] En Egypte, dans les sanctuaires thébains, certaines statues de dieux pouvaient se mouvoir et parler, mais il est probable que la plupart de ces effigies étaient manœuvrées par les prêtres qui se dissimulaient à l’intérieur. D’après Garcilaso de la Vega, les Incas avaient une statue dans la vallée de Rimac « qui parlait et répondait aux questions comme l’oracle d’Apollon à Delphes ». L’ordinateur ne fait-il pas de même à notre époque ? [3] Dans le vieux récit grec de la Conquête de la Toison d’Or, les Argonautes parvinrent en Crète au cours de leur aventureux et légendaire voyage. La magicienne Médée leur avait appris que Talos — le dernier survivant de l’ancienne race de bronze — vivait en ce lieu. Effectivement, un être de métal apparut, menaçant d’écraser le navire Argo sous un jet de rochers si les voyageurs approchaient du rivage. Un robot ? Des automates au Moyen Âge Un procédé de fabrication des robots fut consigné, en écriture chiffrée, dans plusieurs livres de magie et ainsi conservé pour de longs siècles. Le moine Gerbert d’Aurillac (920-1003), professeur à l’Université de Reims, qui devint plus tard le pape Sylvestre II, possédait, dit-on, un automate de bronze qui répondait aux questions. Il avait été construit par le pape lui-même « sous certaines conditions stellaires et planétaires ». Cet ordinateur primitif répondait « oui » ou « non » aux questions importantes concernant la politique ou la religion. Des documents sur cette « programmation » doivent encore exister à la bibliothèque Vaticane. La « tête magique » disparut après la mort de Sylvestre II. [4] Albert le Grand (1206-1280), évêque de Regensburg, était un homme fort érudit. Dans ses écrits il aborda l'alchimie, la chimie, la médecine, les mathématiques et l’astronomie. Plus de vingt ans lui furent nécessaires pour construire son fameux androïde. Sa biographie dit que l’automate se composait de « substances et de métaux inconnus, choisis sous l’influence des étoiles ». Cette mécanique humaine marchait, parlait et remplissait des fonctions domestiques. Albert et son disciple, Thomas d’Aquin, vivaient en commun, servis par l’androïde. L’histoire veut qu’un jour le robot, trop bavard, ait importuné Thomas par ses discours et ses racontars. Saisissant un marteau, le saint disciple d’Albert démolit la machine.[5][6] Ce récit ne doit pas être rejeté comme une pure fiction. Albert le Grand fut un savant authentique — au XIIIe siècle il décrivit la Voie lactée comme un conglomérat d’étoiles très éloignées de la Terre. De même que Thomas d’Aquin, il fut canonisé par l’Eglise catholique. L’appellation d’ « Androïde » donnée par lui à sa mécanique a été retenue par la science pour désigner un automate ou un robot. Des sismographes dans la Chine Antique... Le savant chinois Zhang Heng (78-139 de notre ère) construisit un sismographe en forme de vase décoré de dragons qui tenaient des balles dans leurs gueules (le Houfeng Didong Yi). Des crapauds de porcelaine, la bouche également béante, étaient placés autour du récipient. Tout mouvement sismique faisait choir dans la bouche des crapauds un nombre de balles correspondant à la force du séisme. C’est en 1703 seulement que Jean de Hautefeuille construisit le premier sismographe des temps modernes. Zhang Heng inventa de plus un globe orné de cercles métalliques qui figuraient la course (apparente) du Soleil et d’autres corps célestes. Actionné par une clepsydre (horloge à eau) cet instrument fut l’un des premiers planétariums du monde. On attribue à Tao Hongjing (452-536 de notre ère), la fabrication d’un appareil astronomique similaire. Sa conception était d’un tel modernisme qu’elle mérite la citation extraite du texte original : « Il bâtit également un globe terrestre mesurant à peu près un mètre. La Terre occupait le centre et restait immobile tandis que les cieux tournaient autour d’elle. Les vingt-huit maisons stellaires accomplissaient ainsi leurs périodes et les sept corps brillants (Soleil, Lune et cinq planètes) poursuivaient leur course. Les étoiles scintillaient dans l’obscurité et pâlissaient à la lumière. Un agencement mécanique imprimait au globe une rotation perpétuelle et l’ensemble s’accordait avec le mouvement réel des cieux » [7] Le mécanisme et les effets d’éclairage de ce petit planétarium du VIe siècle sont d’autant plus impressionnants qu’ils se détachent sur la toile de fond des âges sombres qui, à la même époque, recouvraient l’Europe. Mais les anciens Grecs avaient, également, des sphères célestes exactes. D’après Cicéron (Ier s. av. J.-C.), Marcus Marcellus possédait un globe venant de Syracuse (Sicile) qui montrait les mouvements du Soleil, de la Lune et des planètes. Le grand orateur nous assure que la machine était « une très vieille invention » et que des appareils du même type étaient exposés à Rome dans le temple de la Vertu. Thalès de Milet (VIe siècle av. J.-C.) et Archimède (IIIe siècle av. J.-C.) étaient considérés comme les inventeurs de ces mécaniques.[8] Le souvenir des planétariums antiques s’est perpétué pendant de longs siècles. L’historien Cédrenus écrit qu’à son entrée dans la ville de Bazalum on présenta une immense machine à l’empereur byzantin Héraclius. « [...] ce qui donna le plus d’étonnement à l’empereur, ce fut le colosse qui était assis au milieu du palais, sous un dôme qui représentait le ciel : on voyait autour de lui le soleil, la lune et les autres astres, accompagnés d’anges qui portaient des sceptres. Au moyen de certaines machines, le colosse versait des pluies et faisait gronder le tonnerre. » Ce planétarium avait été construit pour le roi Chosroès II (VIIe siècle de notre ère). [9] Le mécanisme d'Anticythère Le musée national archéologique d’Athènes possède les fragments corrodés d’un appareil métallique trouvé, en 1900, par des pêcheurs d’éponges près de l’île d’Anticythère. Cette mécanique, pourvue de cadrans et de rouages complexes, est totalement différente des objets manufacturés de la Grèce antique. D’après l’inscription gravée sur l’instrument et l’amphore découverte avec lui, la trouvaille daterait de 65 environ av. J.-C. Elle resta cataloguée au Musée comme astrolabe jusqu’en 1959, quand le docteur Derek J. de Solia Price, un savant anglais attaché à l’institut de recherches pour l'avancement de la science à Princeton (New Jersey) l'identifia comme l’ancêtre de notre ordinateur. « Il semble », écrit-il dans le Natural History, « que l'objet soit en réalité un ordinateur qui pouvait trouver et dévoiler les mouvements du Soleil, de la Lune et probablement des planètes. » L’instrument était conçu pour épargner de fastidieux calculs astronomiques. Cette découverte est révolutionnaire car, en dépit des brillants succès grecs dans le domaine de la spéculation scientifique, personne ne les croyait aussi habiles en technologie. On n’est pas surpris de lire, dans le Scientific American, sous la plume du docteur Price, « qu’il est assez effrayant d’apprendre que peu avant l’effondrement de leur grande civilisation, les anciens Grecs étaient parvenus aussi près de notre temps, non seulement par leur pensée, mais encore par leur technologie scientifique ». Selon le docteur Price, l’ordinateur d'Anticythère a changé toutes les idées admises sur l’histoire de la science car l’appareil n’a pu être ni le premier ni le dernier de son espèce. « Trouver une chose comme celle-ci, a-t-il conclu au cours d’une réunion à Washington en 1959, équivaut à découvrir un avion à réaction dans la tombe de Toutânkhamon ». Des machines parlantes aux miroirs magiques Des « ordinateurs antique », passons aux machines parlantes. En France, il y a cent cinquante ans, à l'Académie des sciences, les dépositaires du savoir universel se déchainèrent contre Thomas Edison, en le traitant notamment de « ventriloque » après une démonstration du gramophone devant la docte assemblée. La même institution académique aurait sans doute ironiquement souri si l’on avait abordé le sujet des anciennes « statues chantantes », « vases parlants », et « pierres chuchotantes ». Trop de siècles se sont écoulés pour qu’il nous soit possible de savoir comment fonctionnaient ces merveilles, mais il est certain qu’elles fonctionnaient. Aux temps classiques, les Romains virent et entendirent, en Egypte, le colosse chantant de Memnon, érigé vers 1500 av. J.-C. Des sons musicaux émanaient de la statue quand les rayons du soleil levant frappaient sa tête. En 130 de notre ère, l’empereur romain Adrien écouta un matin le monument chantant et perçut les sons par trois fois. Septime Sévère (146-211) ne manqua pas non plus d’aller entendre le chant de la statue à l’aube. A notre époque, toujours en place, impassible et prestigieux, le colosse s’est tu après les réparations dont il fut l’objet. [10] Le fait prouve que « la musique » était due à l’action des rayons solaires sur quelque mécanisme compliqué dont le fonctionnement fut endommagé au cours des travaux de restauration. Le Phénicien Sanchuniathon (v. 1193 av. J.-C. ?) et Philo Byblos (150 de notre ère) parlèrent de « pierres animées ». Eusèbe, l’historien chrétien (v. 260-340) portait l’une de ces mystérieuses pierres sur la poitrine, elle répondait à ses questions d’une voix légère qui ressemblait à « un doux sifflement ». La Bible fait mention des « téraphim », images, figures ou têtes qui répondaient aux questions (Ezéchiel, xxi, 21 et Gen xxxi, 34). Dans la longue suite des siècles, le folklore et les auteurs anciens mentionnent souvent les « miroirs magiques », autres merveilles de l’Antiquité. En dépit de son titre, le Vera Historia de Lucien est considéré comme une fiction. Il n’en est pas moins intéressant de lire sa description d’un miroir magique, alors qu’à son époque, rien ne pouvait stimuler l’esprit inventif de l’auteur dans cette direction : « C’était, dit-il, une glace de dimension énorme, placée au-dessus d’un puits peu profond. Quiconque descend dans ce puits entend tout ce qui est dit sur terre. Quiconque regarde dans le miroir voit en lui toutes les villes et les nations du monde. » Ouvrage de science-fiction pour patriciens désœuvrés ou chronique d’un passé dans lequel les miroirs magiques étaient aussi communément employés qu’aujourd’hui ? [12] Plus étonnantes encore furent, peut-être, les miroirs à explorer le temps de l’Antiquité. Jean-François II Pic de la Mirandole, dit avoir lu, dans le Livre des six sciences (Liber sex scientiarum) de Roger Bacon, « qu'un homme pourrait devenir prophète et prédire les choses futures par le moyen d'un miroir », que Bacon nomme Al-Muchefi, « construit selon les lois de la perspective et sous des conditions astronomiques spécialement choisies ». [13] Les oracles égyptiens et grecs se sont illustrés par l’exactitude de leurs prédictions d’événements futurs ou la restauration de scènes passées. Comment s’y prenaient-ils ? Clement V. Durell, le savant anglais mort en 1968, écrit dans son Readable Relativity : « Tous les faits passés, présents et futurs, comme nous les appelons, sont présents dans le continuum de l’espace-temps à quatre dimensions, un univers sans passé ni présent aussi statique qu’une collection de films qui peut être placée sur une bobine de projection cinématographique. » Si, par exemple, tous les événements qui surviennent dans l’univers laissent leur empreinte à un niveau subatomique, le passé peut resurgir à nos yeux. Et si, d’autre part, les effets des actions présentes sont projetés dans l’avenir, cela signifierait que les contours de demain existent aujourd’hui. Il est difficile autrement de comprendre le procédé par lequel les Anciens pouvaient vaincre la barrière du temps et prédire, sans erreur, les événements futurs. « Raconte-moi tout ce que tu sais et je te dirai ce qui suit », trouve-t-on dans le Chandogya Upanishad de l’Inde. Ces mots se référeraient-ils à une programmation du plus grands des ordinateurs — le cerveau humain ? Notes:
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Dernière édition par Schattenjägger le Mar 29 Juil - 21:26, édité 1 fois
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