Patricia Braflan-Trobo, universitaire guadeloupéenne, auteure de "Conflits sociaux en Guadeloupe" et directrice d’une agence ANPE à Pointe-à-Pitre, analyse la crise sociale et les tensions raciales, alors que le département d’outre-mer va entrer dans sa cinquième semaine de grève générale.
En Guadeloupe, les négociations sont bloquées. Comment sortir de cette impasse
Le seul moyen d’en sortir, c’est que l’Etat dégage des moyens financiers pour les bas salaires (à hauteur de 200 euros). Il s’était engagé auprès du collectif LKP. Aujourd’hui, Yves Jégo dit qu’il n’a jamais rien promis. Mais, en Guadeloupe, tout le monde a en mains un document qui prouve le contraire.
Si l’État finissait par accorder une hausse de 200 euros des bas salaires, les entreprises guadeloupéennes pourraient-elles mettre en place une telle mesure ?
En Guadeloupe, il y a plusieurs catégories d’entreprises et de patrons. Les patrons des 40.000 très petites entreprises, qui représentent environ 80% du tissu économique, se sont réunis. Ils sont prêts à faire des concessions, à réfléchir à des pistes, même s’ils n’ont pas les moyens de financer cette mesure.
Et il y a le patronat le plus réfractaire, celui du Medef. Ce sont les concessionnaires d’automobiles, par exemple. C’est ce patronat qui a les moyens de payer, et qui refuse de le faire. Beaucoup de chefs d’entreprises se sont nettement démarqués du Medef. Celui-ci est totalement isolé en Guadeloupe. Cette crise sociale, le Medef ne peut pas la concevoir.
Pour quelle(s) raison(s) ?
Les 200 euros représentent un symbole, qui dépasse le cadre de la revendication salariale. C’est un symbole destructeur et négatif pour le Medef, aux mains des békés, les blancs créoles. Et ces descendants de colons ont beaucoup de mal à comprendre que leur autorité soit contestée. Payer 200 euros pour eux représente une atteinte portée à leur hégémonie.
On a l’impression que plus le conflit s’enlise, plus les tensions raciales remontent à la surface.
La Guadeloupe est un département français, certes, mais c’est surtout un département post-esclavagiste et post-colonial. Rien n’a changé. L’économie coloniale et l’économie actuelle ont la même structure, avec d’un côté les colons et de l’autre les esclaves. Après l’abolition de l’esclavage, ce sont toujours les mêmes qui détiennent le pouvoir économique.
Il persiste un vrai problème de répartition des richesses. Les marges faites par les békés sont absolument abyssales en Guadeloupe et en Martinique, et je dirais même injurieuses pour l’être humain.
Quatre pots de yaourt coûtent 1,99 euros en métropole et 7,99 euros en Martinique. Le yaourt devient un produit de luxe. Si le collectif martiniquais revendique une hausse des bas salaires de 450 euros (contre 200 en Guadeloupe), ce n’est pas au hasard. Nous connaissons les marges, le profit fait par les békés. Même l’Etat a dit qu’il fallait sanctionner ces profits.
Après les blocages routiers, quelle est la prochaine étape de la contestation en Guadeloupe ?
Je ne peux pas dire avec certitude. Mais le conflit va certainement se durcir. La Guadeloupe a l’habitude des ruptures. Elle a aboli l’esclavage en 1794, bien avant la Martinique. C’est un territoire à révoltes, alors que la Martinique est par tradition beaucoup plus calme.
Et puis, les personnes du collectif LKP maîtrisent leurs dossiers et savent pertinemment que les grands groupes, comme Total, ont les moyens de donner. Ils font des profits grâce au travail des Guadeloupéens d’origine africaine et indienne et à leur consommation. Les Guadeloupéens réclament la justice sociale et la justice raciale.
En Guadeloupe, les négociations sont bloquées. Comment sortir de cette impasse
Le seul moyen d’en sortir, c’est que l’Etat dégage des moyens financiers pour les bas salaires (à hauteur de 200 euros). Il s’était engagé auprès du collectif LKP. Aujourd’hui, Yves Jégo dit qu’il n’a jamais rien promis. Mais, en Guadeloupe, tout le monde a en mains un document qui prouve le contraire.
Si l’État finissait par accorder une hausse de 200 euros des bas salaires, les entreprises guadeloupéennes pourraient-elles mettre en place une telle mesure ?
En Guadeloupe, il y a plusieurs catégories d’entreprises et de patrons. Les patrons des 40.000 très petites entreprises, qui représentent environ 80% du tissu économique, se sont réunis. Ils sont prêts à faire des concessions, à réfléchir à des pistes, même s’ils n’ont pas les moyens de financer cette mesure.
Et il y a le patronat le plus réfractaire, celui du Medef. Ce sont les concessionnaires d’automobiles, par exemple. C’est ce patronat qui a les moyens de payer, et qui refuse de le faire. Beaucoup de chefs d’entreprises se sont nettement démarqués du Medef. Celui-ci est totalement isolé en Guadeloupe. Cette crise sociale, le Medef ne peut pas la concevoir.
Pour quelle(s) raison(s) ?
Les 200 euros représentent un symbole, qui dépasse le cadre de la revendication salariale. C’est un symbole destructeur et négatif pour le Medef, aux mains des békés, les blancs créoles. Et ces descendants de colons ont beaucoup de mal à comprendre que leur autorité soit contestée. Payer 200 euros pour eux représente une atteinte portée à leur hégémonie.
On a l’impression que plus le conflit s’enlise, plus les tensions raciales remontent à la surface.
La Guadeloupe est un département français, certes, mais c’est surtout un département post-esclavagiste et post-colonial. Rien n’a changé. L’économie coloniale et l’économie actuelle ont la même structure, avec d’un côté les colons et de l’autre les esclaves. Après l’abolition de l’esclavage, ce sont toujours les mêmes qui détiennent le pouvoir économique.
Il persiste un vrai problème de répartition des richesses. Les marges faites par les békés sont absolument abyssales en Guadeloupe et en Martinique, et je dirais même injurieuses pour l’être humain.
Quatre pots de yaourt coûtent 1,99 euros en métropole et 7,99 euros en Martinique. Le yaourt devient un produit de luxe. Si le collectif martiniquais revendique une hausse des bas salaires de 450 euros (contre 200 en Guadeloupe), ce n’est pas au hasard. Nous connaissons les marges, le profit fait par les békés. Même l’Etat a dit qu’il fallait sanctionner ces profits.
Après les blocages routiers, quelle est la prochaine étape de la contestation en Guadeloupe ?
Je ne peux pas dire avec certitude. Mais le conflit va certainement se durcir. La Guadeloupe a l’habitude des ruptures. Elle a aboli l’esclavage en 1794, bien avant la Martinique. C’est un territoire à révoltes, alors que la Martinique est par tradition beaucoup plus calme.
Et puis, les personnes du collectif LKP maîtrisent leurs dossiers et savent pertinemment que les grands groupes, comme Total, ont les moyens de donner. Ils font des profits grâce au travail des Guadeloupéens d’origine africaine et indienne et à leur consommation. Les Guadeloupéens réclament la justice sociale et la justice raciale.
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