Des nanorobots moléculaires ont marché et travaillé !
Par Jean-Luc Goudet
Réalisées à l'aide de petites chaînes d'ADN, des « machines » – ainsi les appellent les deux équipes, indépendantes, qui les ont réalisées – ont effectué des tâches précisément contrôlées. L'une a marché vers sa cible. L'autre était une véritable chaîne d'assemblage...
En exploitant astucieusement les possibilités naturelles de recombinaison de l'ADN, on peut réaliser des structures moléculaires capables de réaliser certaines tâches : se mouvoir, se fixer, attraper quelque chose... L'idée n'est pas théorique et certains y travaillent depuis des années. On parle maintenant « d'origami ADN » pour désigner ces réalisations. Au Caltech, Paul Rothemund s'est fait connaître par des constructions fantaisistes, en forme de smileys ou de carte des Amériques. Après avoir dessiné des dauphins en 2008, une équipe danoise a construit des nanoboîtes cubiques que l'on peut ouvrir et fermer.
Aux Etats-Unis, deux groupes viennent simultanément de présenter des résultats étonnants, publiés dans la revue Nature. L'un, regroupant plusieurs équipes, dont l'une du CalTech, a réalisé un marcheur capable de suivre un trajet minutieusement préparé à l'avance. D'une taille de 4 nanomètres, ce robot – puisque les chercheurs l'appellent ainsi – est constitué d'une protéine (la streptavidine) solidement fixée à une autre molécule, la biotine (alias vitamine B8 ou H). Sur cette coenzyme bien connue en biologie moléculaire, quatre petits brins d'ADN sont ajoutés et jouent le rôle de pattes.
Reste à faire fonctionner cette machine. « En robotique traditionnelle, c'est le robot lui-même qui embarque les informations nécessaires à son travail, explique Milan Stojanovic, l'un des auteurs de l'étude. Avec de simples molécules, ce n'est pas possible, d'où l'idée de placer l'information à l'extérieur. » En l'occurrence, il s'agit du support, une surface sur laquelle ont été déposés des brins d'ADN soigneusement choisis. L'équipe a ainsi pu réaliser une sorte de piste, avec un point de départ, un parcours et un point d'arrivée.
Pas à pas
Le robot vient se fixer par une patte sur le starting-block, la liaison s'effectuant par reconnaissance mutuelle des brins d'ADN. Les autres pattes cherchent à se fixer sur les ADN voisins et trouvent ceux du chemin tracé à l'avance. Il est possible de détacher la première patte de son point de départ (par ajout d'un brin d'ADN particulier). Les trois autres pattes se lient alors aux brins de la piste. Chacune se détache quand une autre se fixe au brin suivant. Par petits pas, le robot avance donc sur son chemin. Il s'arrête définitivement quand il rencontre un site particulier sur lequel il se fixera plus solidement.
De telles promenades avait déjà été réalisées mais les molécules n'avaient fait que quelques pas. Ici, elle en ont effectués une cinquantaine, parcourant environ cent nanomètres. La vitesse est faible puisque le voyage a duré une demi-heure. A ce rythme, il faudrait près de sept mois pour parcourir un millimètre. Une autre difficulté de l'expérience est de mesurer ce déplacement d'une molécule isolée, ce qui a été réussi à l'aide d'un microscope à force atomique et d'un microscope à fluorescence. L'équipe démontre ainsi qu'elle a pu réaliser quatre chemins différents docilement suivis par ces robots moléculaires.
A la New York University, Ned Seeman et ses collègues ont utilisé les mêmes principes pour construire ce qui ressemble vraiment à une chaîne d'assemblage à l'échelle moléculaire. Ici, le marcheur rencontre sur la piste tracée pour lui plusieurs molécules d'ADN, de trois types différents. Chacune – appelée cassette par les auteurs – porte une nanoparticule d'or et peut se présenter sous deux états différents, que l'on peut choisir. Quand le marcheur parvient à la hauteur d'une de ces cassettes, elle lui délivre sa charge d'or si elle est dans l'état On ou bien la conserve si elle est sur Off. Avec trois formes de nanoparticules d'or réparties sur trois cassettes, l'équipe est parvenue à assembler huit marcheurs dorés différents. Il est donc possible de construire des nanomachines de manière automatique...
De telles réalisations laissent espérer – un jour lointain – des progrès importants en nanotechnologie, par exemple en médecine. Des actions très ciblées sur des molécules précises deviennent possibles...
(Source : http://www.futura-sciences.com)
Par Jean-Luc Goudet
Réalisées à l'aide de petites chaînes d'ADN, des « machines » – ainsi les appellent les deux équipes, indépendantes, qui les ont réalisées – ont effectué des tâches précisément contrôlées. L'une a marché vers sa cible. L'autre était une véritable chaîne d'assemblage...
En exploitant astucieusement les possibilités naturelles de recombinaison de l'ADN, on peut réaliser des structures moléculaires capables de réaliser certaines tâches : se mouvoir, se fixer, attraper quelque chose... L'idée n'est pas théorique et certains y travaillent depuis des années. On parle maintenant « d'origami ADN » pour désigner ces réalisations. Au Caltech, Paul Rothemund s'est fait connaître par des constructions fantaisistes, en forme de smileys ou de carte des Amériques. Après avoir dessiné des dauphins en 2008, une équipe danoise a construit des nanoboîtes cubiques que l'on peut ouvrir et fermer.
Aux Etats-Unis, deux groupes viennent simultanément de présenter des résultats étonnants, publiés dans la revue Nature. L'un, regroupant plusieurs équipes, dont l'une du CalTech, a réalisé un marcheur capable de suivre un trajet minutieusement préparé à l'avance. D'une taille de 4 nanomètres, ce robot – puisque les chercheurs l'appellent ainsi – est constitué d'une protéine (la streptavidine) solidement fixée à une autre molécule, la biotine (alias vitamine B8 ou H). Sur cette coenzyme bien connue en biologie moléculaire, quatre petits brins d'ADN sont ajoutés et jouent le rôle de pattes.
Reste à faire fonctionner cette machine. « En robotique traditionnelle, c'est le robot lui-même qui embarque les informations nécessaires à son travail, explique Milan Stojanovic, l'un des auteurs de l'étude. Avec de simples molécules, ce n'est pas possible, d'où l'idée de placer l'information à l'extérieur. » En l'occurrence, il s'agit du support, une surface sur laquelle ont été déposés des brins d'ADN soigneusement choisis. L'équipe a ainsi pu réaliser une sorte de piste, avec un point de départ, un parcours et un point d'arrivée.
Pas à pas
Le robot vient se fixer par une patte sur le starting-block, la liaison s'effectuant par reconnaissance mutuelle des brins d'ADN. Les autres pattes cherchent à se fixer sur les ADN voisins et trouvent ceux du chemin tracé à l'avance. Il est possible de détacher la première patte de son point de départ (par ajout d'un brin d'ADN particulier). Les trois autres pattes se lient alors aux brins de la piste. Chacune se détache quand une autre se fixe au brin suivant. Par petits pas, le robot avance donc sur son chemin. Il s'arrête définitivement quand il rencontre un site particulier sur lequel il se fixera plus solidement.
De telles promenades avait déjà été réalisées mais les molécules n'avaient fait que quelques pas. Ici, elle en ont effectués une cinquantaine, parcourant environ cent nanomètres. La vitesse est faible puisque le voyage a duré une demi-heure. A ce rythme, il faudrait près de sept mois pour parcourir un millimètre. Une autre difficulté de l'expérience est de mesurer ce déplacement d'une molécule isolée, ce qui a été réussi à l'aide d'un microscope à force atomique et d'un microscope à fluorescence. L'équipe démontre ainsi qu'elle a pu réaliser quatre chemins différents docilement suivis par ces robots moléculaires.
A la New York University, Ned Seeman et ses collègues ont utilisé les mêmes principes pour construire ce qui ressemble vraiment à une chaîne d'assemblage à l'échelle moléculaire. Ici, le marcheur rencontre sur la piste tracée pour lui plusieurs molécules d'ADN, de trois types différents. Chacune – appelée cassette par les auteurs – porte une nanoparticule d'or et peut se présenter sous deux états différents, que l'on peut choisir. Quand le marcheur parvient à la hauteur d'une de ces cassettes, elle lui délivre sa charge d'or si elle est dans l'état On ou bien la conserve si elle est sur Off. Avec trois formes de nanoparticules d'or réparties sur trois cassettes, l'équipe est parvenue à assembler huit marcheurs dorés différents. Il est donc possible de construire des nanomachines de manière automatique...
De telles réalisations laissent espérer – un jour lointain – des progrès importants en nanotechnologie, par exemple en médecine. Des actions très ciblées sur des molécules précises deviennent possibles...
(Source : http://www.futura-sciences.com)
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