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Ufologie & Paranormal
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Que cache le sous-sol de Saint-Michel ? Bientôt, des éléments de réponse à cette question : mardi commence en effet une période de fouilles archéologiques dans le quartier, campagne obligatoire avant le futur réaménagement de l'espace public dans le secteur. Ces fouilles dites d'archéologie préventive auront lieu sur une partie de la place des Capucins, la rue Clare, la place du Maucaillou, la rue Gaspard-Philippe, les places Canteloup, Meynard et Dubourg, ainsi que dans la rue des Faures et dans la rue des Allamandiers. Cette opération se déroulera en trois phases. La première, qui commence donc mardi et devrait durer jusqu'au 29 juin, concernera six sondages d'observation destinés à répondre à certaines questions : où sont vraiment localisés les vestiges ? De quoi s'agit-il ? À quelle profondeur et dans quel état de conservation sont-ils ? La seconde phase s'étendra du 11 juillet au 9 septembre ; elle se concentrera sur les secteurs où les vestiges les plus significatifs auront été repérés. Cette phase pourrait être prolongée en cas de découvertes majeures. Enfin, la troisième phase accompagnera le chantier (dont le coup d'envoi est prévu pour cet automne), et complétera éventuellement les observations scientifiques des phases 1 et 2.
Dernière édition par Apollyôn le Sam 17 Sep - 12:42, édité 1 fois
Intéressant, car rien que dans la flèche de Saint Michel ont été découvert quelques momies. Habitant à coté, je vais faire mon curieux et surveiller les fouilles.
Schattenjägger a écrit:Intéressant, car rien que dans la flèche de Saint Michel ont été découvert quelques momies. Habitant à coté, je vais faire mon curieux et surveiller les fouilles.
Comme John Stobart... (référence au vieux mais néanmoins génial jeu "Les chevaliers de baphomet")
Rhaaaaaaa, c'est couillon, à trente ans près je pouvais aller voir ces momies, ils pouvaient pas attendre un peu avant de les ré-enterrer ? Allez, je ne résiste pas au charme "romantique" de cette vieille description d'une visite à la crypte Saint-Michel par Victor Hugo :
Et à ce propos ma visite à St Michel de Bordeaux me revient à la pensée. Je venais de sortir de l'église qui est du treizième siècle et fort remarquable par les portails surtout, et qui contient une exquise chapelle de la Vierge sculptée, je devrais dire ouvrée, par les admirables figuristes du temps de Louis XII. Je regardais la campanille qui est à côté de l'église et que surmonte un télégraphe. C'était jadis une superbe flèche de trois cents pieds de haut. C'est maintenant une tour de l'aspect le plus étrange et le plus original. Pour qui ignore que la foudre a frappé cette flèche en 1768 et l'a fait crouler dans un incendie qui a dévoré en même temps la charpente de l'église, il y a tout un problème dans cette énorme tour, qui semble à la fois militaire et ecclésiastique, rude comme un donjon et ornée comme un clocher. Il n'y a plus d'abat-vent aux baies supérieures. Plus de cloches, ni de carillons, ni de timbres, ni de marteaux, ni d'horloge. La tour, quoique couronnée encore d'un bloc à huit pans et à huit pignons, est fruste et tronquée à son sommet. On sent qu'elle est décapitée et morte. Le vent et le jour passent à travers ses longues ogives sans fenestrages et sans meneaux comme à travers de grands ossements. Ce n'est plus un clocher ; c'est le squelette d'un clocher. J'étais donc seul dans la cour, plantée de quelques arbres, où s'élève cette campanille isolée. Cette cour est l'ancien cimetière. Je contemplais, quoiqu'un peu gêné par le soleil, cette morne et magnifique masure, et je cherchais à lire son histoire dans son architecture et ses malheurs dans ses plaies. Vous savez qu'un édifice m'intéresse presque comme un homme. C'est pour moi en quelque sorte une personne dont je tâche de savoir les aventures. J'étais là fort rêveur, quand tout à coup j'entends dire à quelques pas de moi : monsieur ! Monsieur ! Je regarde, j'écoute. Personne. La cour était déserte. Quelques passereaux jasaient dans les vieux arbres du cimetière. Une voix pourtant m'avait appelé, voix faible, douce et cassée, qui résonnait encore dans mon oreille. Je fais quelques pas, et j'entends la voix de nouveau : - Monsieur ! Cette fois je me retourne vivement, et j'aperçois à l'angle de la cour près d'une porte, une figure de vieille sortant d'une lucarne. Cette lucarne affreusement délabrée laissait entrevoir l'intérieur d'une chambre misérable. Près de la vieille il y avait un vieux. Je n'ai de ma vie rien vu de plus décrépit que ce bouge si ce n'est ce couple. L'intérieur de la masure était blanchi de ce blanc de chaux qui rappelle le linceul, et je n'y voyais d'autres meubles que les deux escabeaux où étaient assises, me regardant avec leurs petits yeux gris, ces deux figures tannées, ridées éraillées, qui étaient comme enduites de bistre et de bitume et paraissaient enveloppées, plutôt que vêtues, de vieux suaires raccommodés. Je ne suis pas comme Salvatore Rosa qui disait : Me figuro il sepulcro in ogni loco.
[size=9]Pourtant, même en plein jour, à midi, sous ce chaud et vivant soleil, l'apparition me surprit un moment, et il me sembla que je m'entendais appeler du fond d'une crypte antédiluvienne par deux spectres âgés de quatre mille ans. Après quelques secondes de réflexion, je leur donnai quinze sous. C'était tout simplement le portier et la portière du cimetière. Philémon et Baucis. Philémon, ébloui de la pièce de quinze sous, fit une effroyable grimace d'étonnement et de joie et mit cette monnaie dans une façon de vieille poche de cuir clouée au mur, autre injure des ans, comme dirait La Fontaine, et Baucis me dit avec un sourire aimable : - Voulez-vous voir le charnier ? Ce mot, le charnier, réveilla dans mon esprit je ne sais quel vague souvenir d'une chose qu'en effet je croyais savoir, et je répondis : - Avec plaisir, madame. - Je le pensais bien, reprit la vieille. Et elle ajouta : tenez, voici le sonneur qui vous le montrera, c'est fort beau à voir. En parlant ainsi, elle posait aimablement sur ma main sa main rousse, diaphane, palpitante, velue et froide comme l'aîle d'une chauve-souris. Le nouveau personnage qui venait d'apparaître et qui avait senti sans doute l'odeur de la pièce de quinze sous, le sonneur, se tenait debout à quelques pas sur l'escalier extérieur de la tour dont j'avais entr'ouvert la porte. C'était un gaillard d'environ trente-six ans, trapu, robuste, gras, rose et frais, ayant tout l'air d'un bon vivant, comme il sied à celui qui vit aux dépens des morts. Mes deux spectres se complétaient d'un vampire. La vieille me présenta au sonneur avec une certaine pompe : - Voilà un monsieur anglais qui désire voir le charnier. Le vampire sans dire un mot, remonta les quelques pas qu'il avait descendus, poussa la porte de la tour et me fit signe de le suivre. J'entrai. Toujours silencieux, il referma la porte derrière moi. Nous nous trouvâmes dans une obscurité profonde. Cependant il y avait une veilleuse dans le coin d'une marche derrière un gros pavé. A la lueur de cette veilleuse, je vis le sonneur se courber et allumer une lampe. La lampe allumée, il se mit à descendre les degrés d'une étroite vis de St Gilles ; je fis comme lui. Au bout d'une dizaine de marches, je crois que je me baissai pour franchir une porte basse et que je montai, toujours conduit par le sonneur, deux ou trois degrés ; je n'ai plus ces détails présents à l'esprit ; j'étais plongé dans une sorte de rêverie qui me faisait marcher comme dans le sommeil. A un certain moment le sonneur me tendit sa grosse main osseuse, je sentis que nos pas résonnaient sur un plancher ; nous étions dans un lieu très sombre, une sorte de caveau obscur. Je n'oublierai jamais ce que je vis alors. Le sonneur, muet et immobile, se tenait debout au milieu du caveau, appuyé à un poteau enfoncé dans le plancher, et de la main gauche il élevait sa lampe au-dessus de sa tête. Je regardai autour de nous. Une lueur brumeuse et diffuse éclairait vaguement le caveau, j'en distinguais la voûte ogive. Tout à coup, en fixant mes yeux sur la muraille, je vis que nous n'étions pas seuls. Des figures étranges, debout et adossées au mur, nous entouraient de toutes parts. A la clarté de la lampe, je les entrevoyais confusément à travers ce brouillard qui remplit les lieux bas et ténébreux. Imaginez un cercle de visages effrayants au centre duquel j'étais. Les corps noirâtres et nus s'enfonçaient et se perdaient dans la nuit ; mais je voyais distinctement saillir hors de l'ombre et se pencher en quelque sorte vers moi, pressées les unes contre les autres, une foule de têtes sinistres et terribles qui semblaient m'appeler avec des bouches toutes grandes ouvertes, mais sans voix, et qui me regardaient avec des orbites sans yeux. Qu'était-ce que ces figures ? Des statues sans doute. Je pris la lampe des mains du sonneur, et je m'approchai. C'était des cadavres. En 1793, pendant qu'on violait le cimetière des rois à St Denis, on viola le cimetière du peuple à Bordeaux. La royauté et le peuple sont deux souverainetés ; la populace les insulta en même temps. Ce qui prouve, soit dit en passant aux gens qui ne savent pas cette grammaire, que peuple et populace ne sont point synonymes. Le cimetière de St Michel de Bordeaux fut dévasté comme les autres. On arracha les cercueils du sol, on jeta au vent toute cette poussière. Quand la pioche arriva près des fondations de la tour, on fut surpris de ne plus rencontrer ni bières pourries, ni vertèbres rompues mais des corps entiers, desséchés et conservés par l'argile qui les recouvrait depuis tant d'années. Cela inspira la création d'un musée-charnier. L'idée convenait à l'époque. Les petits enfants de la rue Montfaucon et du chemin des Bègles jouaient aux osselets avec les débris épars du cimetière[,] on les leur reprit des mains ; on recueillit tout ce qu'on put retrouver, et l'on entassa ces ossements dans le caveau inférieur de la campanille St Michel. Cela fit un monceau de dix sept pieds de profondeur sur lequel on ajusta un plancher avec balustrade. On couronna le tout avec les cadavres si étrangement intacts qu'on venait de déterrer. Il y en avait soixante dix. On les plaça debout contre le mur dans l'espace circulaire réservé entre la balustrade et la muraille. C'est ce plancher qui résonnait sous mes pieds ; c'est sur ces ossements que je marchais; ce sont ces cadavres qui me regardaient. Quand le sonneur eut produit son effet, car cet artiste met la chose en scène comme un mélodrame, il s'approcha de moi, et daigna me parler. Il m'expliqua ses morts. Le vampire se fit cicerone. Je croyais entendre jaser un livret de musée. Par moments c'était la faconde d'un montreur d'ours. - Regardez celui-ci, monsieur, c'est le numéro un. II a toutes ses dents. - Voyez comme le numéro deux est bien conservé ; il a pourtant près de quatre cents ans. - Quant au numéro trois, on dirait qu'il respire et qu'il nous entend. Ce n'est pas étonnant. Il n'y a guère que soixante ans qu'il est mort. C'est un des plus jeunes d'ici. Je sais des personnes de la ville qui l'ont connu. Il continua ainsi sa tournée, passant avec grâce d'un spectre à l'autre et débitant sa leçon avec une mémoire imperturbable. Quand je l'interrompais par une question au milieu d'une phrase, il me répondait de sa voix naturelle, puis reprenait sa phrase à l'endroit même où je l'avais coupée. Par instants il frappait sur les cadavres avec une baguette qu'il tenait à la main, et cela sonnait le cuir comme une valise vide. Qu'est-ce en effet que le corps d'un homme quand la pensée n'y est plus, sinon une valise vide ? Je ne sache pas plus effroyable revue. Dante et Orgagna n'ont rien rêvé de plus lugubre. Les danses macabres du pont de Lucerne et du Campo-Santo de Pise ne sont que l'ombre de cette réalité. Il y avait une négresse suspendue à un clou par une corde passée sous les aisselles qui me riait d'un rire hideux. Dans un coin se groupait toute une famille qui mourut, dit-on, empoisonnée par des champignons. Ils étaient quatre. La mère tête baissée, semblait encore chercher à calmer son plus jeune enfant qui agonisait entre ses genoux ; le fils aîné, dont le profil avait gardé quelque chose de juvénile, appuyait son front à l'épaule de son père. Une femme morte d'un cancer au sein repliait étrangement le bras comme pour montrer sa plaie élargie par l'horrible travail de la mort. A côté d'elle se dressait un portefaix gigantesque lequel paria un jour qu'il porterait de la porte Caillau aux Chartrons deux mille livres. Il les porta, gagna son pari, et mourut. L'homme tué par un pari était coudoyé par un homme tué en duel. Le trou de l'épée par où la mort est entrée était encore visible à droite sur cette poitrine décharnée. A quelques pas se tordait un pauvre enfant de quinze ans qui fut, dit-on, enterré vivant. C'est là le comble de l'épouvante. Ce spectre souffre. Il lutte encore après six cents ans contre son cercueil disparu. Il soulève le couvercle du crâne et du genou ; il presse la planche de chêne du talon et du coude; il brise aux parois ses ongles désespérés: la poitrine se dilate ; les muscles du cou se gonflent d'une manière affreuse ; il crie. On n'entend plus ce cri, mais on le voit. C'est horrible. Le dernier des soixante-dix est le plus ancien. Il date de huit cents ans. Le sonneur me fit remarquer avec quelque coquetterie ses dents et ses cheveux. A côté est un petit enfant. Comme je revenais sur mes pas, je remarquai un de ces fantômes assis à terre près de la porte. Il avait le cou tendu, la tête levée, la bouche lamentable, la main ouverte, un pagne au milieu du corps, une jambe et un pied nus, et de son autre cuisse sortait un tibia dénudé posé sur une pierre comme une jambe de bois. Il semblait me demander l'aumône. Rien de plus étrange et de plus mystérieux qu'un pareil mendiant à une pareille porte. Que lui donner ? Quelle aumône lui faire ? Quel est le sou qu'il faut aux morts ? Je restai longtemps immobile devant cette apparition, et ma rêverie devint peu à peu une prière. Quand on se dit que toutes ces larves, aujourd'hui enchaînées dans ce silence glacé et dans ces attitudes navrantes, ont vécu, ont palpité, ont souffert, ont aimé ; quand on se dit qu'elles ont eu le spectacle de la nature, les arbres, la campagne, les fleurs, le soleil, et la voûte bleue du ciel au lieu de cette voûte livide ; quand on se dit qu'elles ont eu la jeunesse, la vie, la beauté, la joie, le plaisir, et qu'elles ont poussé comme nous dans les fêtes de ces longs éclats de rire pleins d'imprudence et d'oubli ; quand on se dit qu'elles ont été ce que nous sommes et que nous serons ce qu'elles sont; quand on se trouve ainsi, hélas ! face à face avec son avenir, une morne pensée vous vient au cœur, on cherche en vain à se retenir aux choses humaines qu'on possède et qui toutes successivement s'écroulent sous vos mains comme du sable, et l'on se sent tomber dans un abîme. Pour qui regarde ces débris humains avec l'œil de la chair, rien n'est plus hideux. Des linceuls en haillons les cachent à peine. Les côtes apparaissent à nu à travers les diaphragmes déchirés ; les dents sont jaunes, les ongles noirs, les cheveux rares et crépus ; la peau est une basane fauve qui secrète une poussière grisâtre ; les muscles qui ont perdu toute saillie, les viscères et les intestins se résolvent en une sorte de filasse roussâtre d'où pendent d'horribles fils que dévide silencieusement dans ces ténèbres l'invisible quenouille de la mort. Au fond du ventre ouvert on aperçoit la colonne vertébrale. Monsieur, me disait l'homme, comme ils sont bien conservés ! Pour qui regarde cela avec l'œil de l'esprit, rien n'est plus formidable. Le sonneur, voyant se prolonger ma rêverie, était sorti à pas de loup et m'avai[t] laissé seul. La lampe était restée posée à terre. Quand cet homme ne fut plus là, il me sembla que quelque chose qui me gênait avait disparu. Je me sentis, pour ainsi dire, en communication directe et intime avec les mornes habitants de ce caveau. Je regardais avec une sorte de vertige cette ronde qui m'environnait immobile et convulsive à la fois. Les uns laissent pendre leurs bras les autres les tordent ; quelques-uns joignent les mains. Il est certain qu'une expression de terreur et d'angoisse est sur toutes ces faces qui ont vu l'intérieur du sépulcre. De quelque façon que le tombeau le traite, le corps des morts est terrible. Pour moi, comme vous avez déjà pu l'entrevoir, ce n'était pas des momies ; c'était des fantômes. Je voyais toutes ces têtes tournées les unes vers les autres, toutes ces oreilles qui paraissent écouter penchées vers toutes ces bouches qui paraissent chuchotter, et il me semblait que ces morts arrachés à la terre et condamnés à la durée vivaient dans cette nuit d'une vie affreuse et éternelle, qu'ils se parlaient dans la brume épaisse de leur cachot, qu'ils se racontaient les sombres aventures de l'âme dans la tombe, et qu'ils se disaient tout bas des choses inexprimables. Quels effrayants dialogues ! Que peuvent-ils se dire ? O gouffres où se perd la pensée ! Ils savent ce qu'il y a derrière la vie. Ils connaissent le secret du voyage. Ils ont doublé le promontoire. Le grand nuage s'est déchiré pour eux. Nous sommes encore, nous, dans le pays des conjectures, des espérances, des ambitions, des passions, de toutes les folies que nous appelons sagesses, de toutes les chimères que nous nommons vérités. Eux ils sont entrés dans la région de l'infini, de l'immuable, de la réalité. Ils connaissent les choses qui sont et les seules choses qui soient. Toutes les questions qui nous occupent nuit et jour, nous rêveurs, nous philosophes, tous les sujets de nos méditations sans fin, but de la vie, objet de la création, persistance du moi, état ultérieur de l'âme, ils en savent le fond ; toutes nos énigmes, ils en savent le mot. Ils connaissent la fin de tous nos commencements. Pourquoi ont-ils cet air terrible ? Qui leur fait cette figure désespérée et redoutable ? Si nos oreilles n'étaient pas trop grossières pour entendre leur parole, si Dieu n'avait pas mis entre eux et nous le mur infranchissable de la chair et de la vie, que nous diraient-ils ? Quelles révélations nous feraient-ils ? Quels conseils nous donneraient-ils ? Sortirions-nous de leurs mains sages ou fous ? Que rapportent-ils du tombeau ? Ce serait de l'épouvante, s'il fallait en croire l'apparence de ces spectres. Mais ce n'est qu'une apparence, et il serait insensé d'y croire. Quoi que nous fassions, nous rêveurs, nous n'entamons la surface des choses qu'à une certaine profondeur. La sphère de l'infini ne se laisse pas plus traverser par la pensée que le globe terrestre par la sonde. Les diverses philosophies ne sont que des puits artésiens ; elles font toutes jaillir du même sol la même eau, la même vérité mêlée de boue humaine et échauffée de la chaleur de Dieu. Mais aucun puits, aucune philosophie n'atteint le centre des choses. Le génie lui-même, qui est de toutes les sondes la plus puissante ne saurait toucher le noyau de flamme, l'être, le point géométrique et mystique, milieu ineffable de la vérité. Nous ne ferons jamais rien sortir du rocher que tantôt une goutte d'eau, tantôt une étincelle de feu. Méditons cependant. Frappons le rocher, creusons le sol. C'est accomplir une loi. Il faut que les uns méditent comme il faut que les autres labourent. Et puis résignons-nous. Le secret que veut arracher la philosophie est gardé par la nature. Or, qui pourra jamais te vaincre, ô nature ? Nous ne voyons qu'un côté des choses ; Dieu voit l'autre. La dépouille humaine nous effraie quand nous la contemplons ; mais ce n'est qu'une dépouille, quelque chose de vide et de vain et d'inhabité. Il nous semble que cette ruine nous révèle des choses horribles. Non. Elle nous effraie, et rien de plus. Voyons-nous l'intelligence ? Voyons-nous l'âme ? Voyons-nous l'esprit ? Savons-nous ce que nous dirait l'esprit des morts, s'il nous était donné de l'entrevoir dans son glorieux rayonnement ? N'en croyons donc pas le corps qui se désorganise avec horreur, et qui répugne à sa destruction ; n'en croyons pas le cadavre, ni le squelette, ni la momie, et songeons que, s'il y a une nuit dans le sépulcre, il y a aussi une lumière. Cette lumière, l'âme y est allée pendant que le corps restait dans la nuit ; cette lumière, l'âme la contemple. Qu'importe donc que le corps grimace, si l'âme sourit ? J'étais plongé dans ce chaos de pensées. Ces morts qui s'entretenaient entre eux ne m'inspiraient plus d'effroi ; je me sentais presque à l'aise parmi eux. Tout à coup, je ne sais comment il me revint à l'esprit qu'en ce moment-là même, au haut de cette tour de St Michel à deux cents pieds sur ma tête au dessus de ces spectres qui échangent dans la nuit je ne sais quelles communications mystérieuses, un télégraphe, pauvre machine de bois menée par une ficelle, s'agitait dans la nuée et jetait l'une après l'autre à travers l'espace dans la langue mystérieuse qu'il a lui aussi, toutes ces choses imperceptibles qui demain seront le journal. Jamais je n'ai mieux senti que dans ce moment-là la vanité de tout ce qui nous passionne. Quel poëme que cette tour de St Michel ! Quel contraste et quel enseignement ! Sur son faîte, dans la lumière et dans le soleil, au milieu de l'azur du ciel, aux yeux de la foule affairée qui fourmille dans les rues, un télégraphe qui gesticule et se démène comme Pasquin sur son tréteau, dit et détaille minutieusement toutes les pauvretés de l'histoire du jour et de la politique du quart d'heure. Espartero qui tombe, Narvaez qui surgit, Lopez qui chasse Mendizabal, les grands évènements microscopiques, les infusoires qui se font dictateurs, volvoces qui se font tribuns, les vibrions qui se font tyrans, toutes les petitesses dont se composent l'homme qui passe et l'instant qui fuit, et pendant ce temps-là, à sa base, au milieu du massif sur lequel la tour s'appuie, dans une crypte où n'arrive ni un rayon ni un bruit, un concile de spectres assis en cercle dans les ténèbres parle tout bas de la tombe et de l'éternité.
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