En 1960, le grand physicien Freeman Dyson proposait un moyen simple pour repérer dans la Galaxie des civilisations extraterrestres très avancées. Gourmandes en énergie, elles devraient finir par coloniser leur système solaire et construire une sphère entourant leur étoile pour en utiliser toute l’énergie rayonnée. Depuis quelques années un chercheur du Fermilab a entrepris de détecter de telles « sphères de Dyson ».
Le nom de Dyson est familier pour tous les étudiants en physique des particules élémentaires, les cosmologistes et même les spécialistes en astronautique. Ce physicien fut le premier à effectuer la synthèse entre les travaux de Tomonaga et Schwinger d’un côté et ceux de Feynman de l’autre, portant sur la formulation d’une électrodynamique quantique relativiste débarrassée, en première approximation du moins, des problèmes des divergences infinies grâce à des procédures de renormalisation. Beaucoup pensent d’ailleurs qu’un prix Nobel aurait dû lui être attribué pour avoir rendu compréhensible et rigoureuse, au moins avec les critères de l’époque, la méthode des diagrammes de Feynman en théorie quantique relativiste des champs.
Dyson s’est aussi fait connaître par son implication dans le projet Orion, visant à construire un vaisseau spatial interplanétaire se propulsant grâce à l'énergie nucléaire (des explosions successives, à l'arrière du vaisseau, l'auraient poussé vers l'avant). Un tel mode de propulsion aurait permis de se rendre sur Mars en quelques mois seulement.
On lui doit également des contributions notables en mécanique statistique de la matière condensée et des connexions intéressantes entre la théorie des cordes et la théorie des nombres. C’est aussi à lui que l’on doit le célèbre temps de Dyson donnant une estimation de la durée pendant laquelle un Univers en expansion infinie peut abriter une vie intelligente.
Au début des années 1960, cet esprit brillant qui avait lu le livre de science-fiction intitulé Star Maker de Olaf Stapledon décida de vérifier si les idées évoquées dans l’ouvrage étaient crédibles du point de vue de la physique, sans se soucier des redoutables problèmes technologiques pour les concrétiser.
Une étoile dans un cocon artificiel
Si l’on extrapole la courbe de croissance de la consommation d’énergie et de matière de l’humanité, fatalement, on aboutit à la conclusion que la civilisation finira par avoir besoin de toute l’énergie libérée par le Soleil chaque année. Dyson a alors calculé qu’en utilisant une masse de matière équivalente à celle de Jupiter, il est possible d’entourer notre Soleil d’une coque semi solide, d’une épaisseur de 2 à 3 mètres, capable de piéger le rayonnement de notre étoile.
Or, d’après les lois de la thermodynamique, même en utilisant une grande partie de l’énergie ainsi disponible, la coque s’échauffera et réémettra dans l’infrarouge comme un corps noir d’excellente qualité. Le spectre d’une étoile est proche de celui d’un corps noir, mais une observation un peu fine montre rapidement qu'il est en réalité haché par une série de raies d’absorption voire, parfois, de bandes. Ce ne serait pas le cas avec l'objet étudié par Dyson.
La méthode proposée par Freeman Dyson pour découvrir des civilisations extraterrestres est donc, comme il l’a exposé dans un court article de Science en 1960, de partir à la recherche d’objets froids rayonnant dans l’infrarouge comme un corps noir quasi parfait et dont la taille serait de l’ordre de quelques unités astronomiques.
Une grande civilisation devrait laisser des traces dans le ciel...
Le concept a fait fortune sous le nom de sphère de Dyson et il a notamment été popularisé par Carl Sagan dans ses ouvrages, par exemple Cosmos. Cette idée est souvent mentionnée dans les discussions sur la classification des civilisations telle qu'elle a été proposée pendant les années 1960 par le radio-astronome Nicolai Kardashev. Ce scientifique russe avait distingué trois stades et donc trois types de civilisations possibles. Le premier est celui dont nous nous approchons : les habitants exploitent toute l’énergie présente sur sa planète. Au second niveau, ils utilisent l’énergie de son étoile et au troisième celle d’une galaxie entière.
Le schéma d'une sphère de Dyson. Crédit : Physicsworld-IOP
La construction d’une sphère de Dyson semble complètement hors de portée technologiquement. Elle nécessiterait déjà l’énergie rayonnée par le Soleil pendant 800 ans s'il fallait morceler toute la matière présente dans Jupiter. Mais l'opération pourrait être réalisable. L’astuce serait probablement de construire une machine de Von Neumann, c'est-à-dire capable de se répliquer elle-même. Rapidement, à la façon de virus ou de cellules se multipliant, le nombre de telles machines serait suffisant pour prélever dans le système solaire la matière nécessaire. Il faudrait ensuite l’assembler au moins sous forme de séries de gigantesques centrales solaires en orbite réparties de manière à recouvrir uniformément une portion non négligeable de la surface d’une sphère entourant une étoile de type solaire à quelques unités astronomiques de distance.
La seule façon d’être sûr qu’une sphère de Dyson est complètement impossible est encore de partir à sa recherche dans la Galaxie et c’est ce que fait un physicien du Fermilab depuis quelques années, Richard Carrigan. Il vient d’ailleurs de publier sur Arxiv le bilan de ses recherches.
Il a ainsi cherché dans les vieilles observations du satellite en infrarouge Iras des traces de sphères de Dyson dans un rayon d’environ mille années-lumière, sans véritable succès, même si 17 cas intriguants ont été trouvés.
De façon intéressante, il donne même sur son site le mode d’emploi , accessible à tout astrophysicien amateur, pour se lancer lui-aussi à la recherche des sphères de Dyson à partir des données d’observation publiques en infrarouge dans la Voie lactée.
En fait, ce n'est pas la seule façon de détecter des civilisations extraterrestres dans la Galaxie. Des satellites comme Corot pourraient le faire à partir des courbes de transit d'objets artificiels de grande taille, du genre des colonies spatiales de Gerard O'Neill, ou encore à partir des flashes laser associés à des vaisseaux équipés de voiles...
Source : Futura Sciences
Le nom de Dyson est familier pour tous les étudiants en physique des particules élémentaires, les cosmologistes et même les spécialistes en astronautique. Ce physicien fut le premier à effectuer la synthèse entre les travaux de Tomonaga et Schwinger d’un côté et ceux de Feynman de l’autre, portant sur la formulation d’une électrodynamique quantique relativiste débarrassée, en première approximation du moins, des problèmes des divergences infinies grâce à des procédures de renormalisation. Beaucoup pensent d’ailleurs qu’un prix Nobel aurait dû lui être attribué pour avoir rendu compréhensible et rigoureuse, au moins avec les critères de l’époque, la méthode des diagrammes de Feynman en théorie quantique relativiste des champs.
Dyson s’est aussi fait connaître par son implication dans le projet Orion, visant à construire un vaisseau spatial interplanétaire se propulsant grâce à l'énergie nucléaire (des explosions successives, à l'arrière du vaisseau, l'auraient poussé vers l'avant). Un tel mode de propulsion aurait permis de se rendre sur Mars en quelques mois seulement.
On lui doit également des contributions notables en mécanique statistique de la matière condensée et des connexions intéressantes entre la théorie des cordes et la théorie des nombres. C’est aussi à lui que l’on doit le célèbre temps de Dyson donnant une estimation de la durée pendant laquelle un Univers en expansion infinie peut abriter une vie intelligente.
Au début des années 1960, cet esprit brillant qui avait lu le livre de science-fiction intitulé Star Maker de Olaf Stapledon décida de vérifier si les idées évoquées dans l’ouvrage étaient crédibles du point de vue de la physique, sans se soucier des redoutables problèmes technologiques pour les concrétiser.
Une étoile dans un cocon artificiel
Si l’on extrapole la courbe de croissance de la consommation d’énergie et de matière de l’humanité, fatalement, on aboutit à la conclusion que la civilisation finira par avoir besoin de toute l’énergie libérée par le Soleil chaque année. Dyson a alors calculé qu’en utilisant une masse de matière équivalente à celle de Jupiter, il est possible d’entourer notre Soleil d’une coque semi solide, d’une épaisseur de 2 à 3 mètres, capable de piéger le rayonnement de notre étoile.
Or, d’après les lois de la thermodynamique, même en utilisant une grande partie de l’énergie ainsi disponible, la coque s’échauffera et réémettra dans l’infrarouge comme un corps noir d’excellente qualité. Le spectre d’une étoile est proche de celui d’un corps noir, mais une observation un peu fine montre rapidement qu'il est en réalité haché par une série de raies d’absorption voire, parfois, de bandes. Ce ne serait pas le cas avec l'objet étudié par Dyson.
La méthode proposée par Freeman Dyson pour découvrir des civilisations extraterrestres est donc, comme il l’a exposé dans un court article de Science en 1960, de partir à la recherche d’objets froids rayonnant dans l’infrarouge comme un corps noir quasi parfait et dont la taille serait de l’ordre de quelques unités astronomiques.
Une grande civilisation devrait laisser des traces dans le ciel...
Le concept a fait fortune sous le nom de sphère de Dyson et il a notamment été popularisé par Carl Sagan dans ses ouvrages, par exemple Cosmos. Cette idée est souvent mentionnée dans les discussions sur la classification des civilisations telle qu'elle a été proposée pendant les années 1960 par le radio-astronome Nicolai Kardashev. Ce scientifique russe avait distingué trois stades et donc trois types de civilisations possibles. Le premier est celui dont nous nous approchons : les habitants exploitent toute l’énergie présente sur sa planète. Au second niveau, ils utilisent l’énergie de son étoile et au troisième celle d’une galaxie entière.
Le schéma d'une sphère de Dyson. Crédit : Physicsworld-IOP
La construction d’une sphère de Dyson semble complètement hors de portée technologiquement. Elle nécessiterait déjà l’énergie rayonnée par le Soleil pendant 800 ans s'il fallait morceler toute la matière présente dans Jupiter. Mais l'opération pourrait être réalisable. L’astuce serait probablement de construire une machine de Von Neumann, c'est-à-dire capable de se répliquer elle-même. Rapidement, à la façon de virus ou de cellules se multipliant, le nombre de telles machines serait suffisant pour prélever dans le système solaire la matière nécessaire. Il faudrait ensuite l’assembler au moins sous forme de séries de gigantesques centrales solaires en orbite réparties de manière à recouvrir uniformément une portion non négligeable de la surface d’une sphère entourant une étoile de type solaire à quelques unités astronomiques de distance.
La seule façon d’être sûr qu’une sphère de Dyson est complètement impossible est encore de partir à sa recherche dans la Galaxie et c’est ce que fait un physicien du Fermilab depuis quelques années, Richard Carrigan. Il vient d’ailleurs de publier sur Arxiv le bilan de ses recherches.
Il a ainsi cherché dans les vieilles observations du satellite en infrarouge Iras des traces de sphères de Dyson dans un rayon d’environ mille années-lumière, sans véritable succès, même si 17 cas intriguants ont été trouvés.
De façon intéressante, il donne même sur son site le mode d’emploi , accessible à tout astrophysicien amateur, pour se lancer lui-aussi à la recherche des sphères de Dyson à partir des données d’observation publiques en infrarouge dans la Voie lactée.
En fait, ce n'est pas la seule façon de détecter des civilisations extraterrestres dans la Galaxie. Des satellites comme Corot pourraient le faire à partir des courbes de transit d'objets artificiels de grande taille, du genre des colonies spatiales de Gerard O'Neill, ou encore à partir des flashes laser associés à des vaisseaux équipés de voiles...
Source : Futura Sciences
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