Le chantier de la préfecture, en Petite Terre, aura été arrêté trois semaines seulement. Le 12 août dernier, les travaux de terrassement étaient stoppés net par la découverte d'ossements humains mis à jour par les ouvriers. Après la mise en place d'une fouille de sauvegarde, les chercheurs sont arrivés à la conclusion qu'il s'agirait d'un cimetière musulman ancien, datant probablement du 16ème siècle. L'alerte donnée par les ouvriers du chantier de l'extension de la préfecture a déclenché l'organisation d'une fouille de sauvegarde, première du genre à Mayotte. Menée à l'initiative de la préfecture pour "prélever des vestiges et enregistrer les connaissances", cette opération est unique à plus d'un titre.
C'est la première fois que des découvertes archéologiques lors de chantier sont signalées, mais aussi que le Rocher fait l'objet de recherches archéologiques. Et ce n'est probablement pas un hasard, la préfecture étant particulièrement à même de connaitre les procédures à suivre. Ainsi, les affaires culturelles ont d'abord pratiqué une étude préalable du site, qui concluait à son intérêt archéologique.
Edouard Jacquot, conservateur du patrimoine de la direction régionale des affaires culturelles (Drac) de l'océan indien, basé à la Réunion, est chargé de coordonner l'activité archéologique à Mayotte. Il était sur place dans le cadre d'une de ses missions et a ainsi pu organiser la procédure rapidement. Une douzaine de personnes, professionnels, archéologues amateurs bénévoles, agents de la Maison du patrimoine, employés de l'entreprise de construction et topographes de la Réunion ont travaillé quatre jours sur le site. A l'issue des fouilles, on sait désormais que la zone, non circonscrite et qui pourrait s'étendre assez loin alentour, accueille un cimetière.
8 squelettes différents ont été retrouvés. Les archéologues ont aussi dessablé des poteries, des murets qui pourraient remonter à l'époque swahilie et un puits de 5 mètres de profondeur doté d'encoches. Les murets sont de corail et de chaux et si leur datation est confirmée, cela pourrait signifier que Dzaoudzi abritait des constructions dès son occupation, une information précieuse.
Afin de ne pas mettre en péril les découvertes, le décapage à la pelleteuse a été effectué sous les ordres des archéologues. Les squelettes ont ainsi été trouvés en place et n'ont pas été manipulés avant le passage des experts. Concernant les autres découvertes, les archéologues ont d'abord fouillé à la pelle, pour dégager les bases des murets par exemple, puis à la main à l'aide de pinceaux et de truelles.
Si la conservation des os a été jugée "très médiocre", les ossements témoignent de traces d'inhumation de rite musulman, les corps étaient placés têtes à l'est et pieds à l'ouest. L'intention des chercheurs est d'identifier ces individus et de dater leurs corps d'après les poteries retrouvées à côté et les photos prises. Une première étude pourrait fixer les découvertes au 16ème siècle. Un rapport de fouilles plus précis et approfondi sera établi dans les prochaines semaines. Toutefois, les corps ont déjà été inhumés à nouveau, à proximité, lundi matin, à la demande de la population. Des cérémonies traditionnelles devraient même être organisées.
Pour les affaires culturelles et Mohamed M'trengoueni, attaché territorial à la conservation du patrimoine, l'intérêt de cette découverte est clair : Dzaoudzi représente une zone archéologique et tout autre aménagement devra donc faire l'objet de fouille préventive. "Ce n'est pas un hasard si on trouve des vestiges lors de travaux : les sites avaient un intérêt qu'ils ont conservé aujourd'hui", explique Edouard Jacquot.
"La mémoire du cimetière était un peu perdue, maintenant que le risque est détecté sur la zone, il devrait y avoir plus d'anticipation", ajoute le conservateur qui assure "il n'y avait pas d'intérêt à élargir le périmètre des fouilles". Mohamed M'trengoueni rappelle que les questions éthiques se confrontent parfois aux questions scientifiques et qu'en l'espèce "il n'y a pas lieu de s'acharner". Pour aider à l'avenir les chercheurs, mais aussi les aménageurs, Edouard Jacquot prépare actuellement une cartographie archéologique.
source : http://www.mayottehebdo.com/201109099505/archeologie
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