Quand on aborde le sujet des objets volants non identifiés, des extraterrestres et surtout l'énigmatique affaire de Roswell qui ressurgit dans les années 1980, c'est une question que je me pose souvent, sans parvenir à une ou des conclusions qui me satisfont. Aussi, voici plusieurs exemples qui illustrent le fait que même des personnes ayant une formation universitaire de très haut niveau, au fait de la rigueur et de l'impartialité du raisonnement scientifique, peuvent propager des récits très difficilement croyables.
La fin de l’émission de Vincent Gielly OVNIS : Le secret américain, diffusée sur France 2 le 9 septembre 2001, contient une information tout à fait inédite. Jennie Zeidman, proche collaboratrice de J. Allen Hynek pendant plusieurs décennies, fait part d’une confidence du célèbre astrophysicien. A la fin d’octobre 1973, Hynek participe à un déjeuner dans l’Ohio au cours duquel on lui demande s’il est vrai que des corps d’extraterrestres sont conservés à Wright Field. Une vague d'observations d'OVNI est alors rapportée dans les états de la côte est et du sud des Etats-Unis. Le Center for UFO Studies tout récemment fondé répertorie quelques 1500 observations. - "Je ne sais pas répond Hynek". Puis il se tourne vers Zeidman et lui chuchote "Mais si c’est vrai, ils sont à Holloman, au Nouveau Mexique". Elle lui pose deux questions sur un morceau de papier : quand l’affaire d’Holloman a-t-elle eut lieu ? qui vous a en parlé ? Hynek écrit ‘1962’ et ‘l’Air Force.’ A la fin du documentaire, le témoin précise qu'ils n'en ont plus jamais abordé le sujet. Le 'secret' du titre est en fait celui du scientifique américain.
Une autre source rapporte également une confidence d'Allen Hynek. Joe Lewels, un temps professeur de journaliste et directeur de la faculté de communication de masse à l'université du Texas à El Paso, est l'auteur de The God Hypothesis : Extraterrestrial Life and its Implications for Science and Religion paru en 1997. Un jour de 1976, Allen Hynek est invité à faire une conférence sur les OVNI sur le campus d'El Paso. Ce même jour, il est aussi interviewé par la station radio du campus, KTEP-FM. Quelqu'un doit le reconduire à l'aéroport en fin d'après-midi et Joe Lewels se porte immédiatement volontaire. Sur le trajet, le jeune étudiant est impressionné et Hynek engage la conversation : "Nous avons besoin de gens comme vous dans notre organisation. Seriez-vous intéressé par rejoindre le CUFOS et devenir notre représentant pour la région d'El Paso ?" Lewels répond alors "Je suis flatté par votre proposition et je vais y réfléchir."A son tour, il lui pose une question sans doute préparée d'avance : "Dites-moi Dr. Hynek, y-a-t-il quelque chose, une information, que vous n'avez pas pu divulguer au cours de la conférence ou de l'interview ? Y-a-t-il des aspects du phénomène dont vous estimez qu'ils ne peuvent pas être révélés au public actuellement ?" Lewels écrit en 1997 :
Le Dr. Hynek fronça des sourcils en pensant avec précaution à sa réponse. Après un long silence il regarda Lewels par-dessus ses lunettes, prit une profonde inspiration et dit,"C'est hautement confidentiel parce que c'est quelque chose que je ne peux pas prouver". Il s'arrêta de nouveau comme s'il soupesait bien chaque mot. "Je connais un colonel de l'armée de terre qui ne veut pas être identifié et qui jure que nos militaires ont capturé une soucoupe volante écrasée en 1947 près de Roswell, au Nouveau Mexique, à juste trois heures de route d'ici". Il fit encore une pause, cherchant sur mon visage un signe de réaction à cette information explosive. Evidemment impressionné par l'origine de l'information, je lui ai dit "j'ai entendu parler de ce cas mais je n'ai aucune idée si c'est vrai". Il fut apparemment satisfait de ma réponse et continua, "ce n'est pas tout. Il jure aussi que des corps ont été trouvés." Il attendit de nouveau ma réponse. Mais cette fois j'étais complètement ébahi et je n'ai pu que le dévisager avec de grands yeux ronds.(1)
Que penser de ces révélations indirectes ? En partant du postulat que les choses se sont passées comme les deux protagonistes le disent, les questions sont bien sûr très nombreuses. Ainsi, dans le premier cas pourquoi Zeidman et Hynek n'ont plus jamais évoqué le sujet ensemble ? Pourquoi dans le second cas l'ancien conseiller de l'US Air Force fait-il des révélations aussi 'explosives' à un parfait inconnu dans un domaine, on le conçoit sans peine, est très sensible ?
Notre second exemple concerne l’astrophysicien Jean-Pierre Petit, ancien directeur de recherches au CNRS, et dont le parcours professionnel est impressionnant. Il est notamment l’auteur de Ovnis et armes secrètes américaines paru en 2003. Il raconte qu’au cours d’un colloque sur la "propulsion avancée" à Brighton, en Grande-Bretagne, au début de l’année 2001, deux scientifiques américains, Joe Black et Harold Penninger, (il s'agit très certainement de noms d’emprunt) lui font des révélations assez stupéfiantes. Au chapitre 4, Epaves extraterrestres, Jean-Pierre Petit relate un entretien avec les deux hommes. Il écrit :
- En 1961, on faisait encore n'importe quoi chez nous pour essayer de comprendre quelque chose aux Ovnis. Pourtant on en avait déjà.
- Vous voulez dire que vous aviez une épave ?
- Plusieurs, mais en 1961, la MHD n'existait pas encore en tant que solution pour la propulsion. Personne n'avait la moindre idée sur la façon dont ces machines pouvaient fonctionner. Et il faut dire que très peu de gens y avaient accès, ce qui ne facilitait pas les choses. Moi, je ne les ai jamais vues.
- Attendez, répétez moi cela. Vous confirmez que vous avez vous, Américains, récupéré des épaves d'Ovnis ?
- Quand il y a eut ce gros coup de foudre qui a envoyé au tapis toute une bande qui était venue survoler notre base de bombardiers nucléaires.
- Dès cette histoire Roswell, vous avez eu en main la preuve concrète que les Ovnis étaient d'origine extraterrestre.
Black intervient :
- Avant ! J'ai vu un film pris en 1945 où l'on voyait des mana-ships [i.e. vaisseau-mère] qui se baladaient tranquillement en Allemagne au milieu des boxes [i.e. disposition en 'boîte' destinée à amplifier le feu des mitrailleuses contre les avions de chasse ennemis] de forteresses volantes. Ces trucs en forme de disque, dont les détails étaient parfaitement visibles, étaient aussi gros que nos B-17 [i.e. bombardiers quadrimoteurs américains]. Mais, bien sûr il a fallu des années pour qu'on soit très progressivement mis au courant. Personnellement, je n'ai jamais vu ni les corps ni les épaves, Harold non plus, il vous l'a dit. On nous a seulement fourni des dossiers techniques.
J'avais la chique coupée, je l'avoue.(2)
Effectivement le savant français ne peut être que sidéré ! Les sources, cette fois, sont semi-directes provenant d'individus d'un niveau intellectuel équivalent ; l'impression a dû être forte. On peut toujours rétorquer que le cas n'est pas explicite quand à l'affaire de la soucoupe de Roswell ou que l'auteur est connu pour son implication dans l'ufologie. Mais on comprend aussi, qu'avant de publier cette information, il a dû prendre soin de vérifier qui étaient Joe Black et Harold Penninger. Peut-être a-t-il pensé qu'il était l'objet d'une manipulation concernant la magnétohydrodynamique, une technologie de propulsion censée être très prometteuse et donc à développer d'urgence par les chercheurs français (en y consacrant forcément des fonds considérables). Dans cette hypothèse, pourquoi aurait-il repris une histoire qui prête à sourire et surtout qui le discréditerait ? Dans la guerre économique entre nations occidentales, les congrès scientifiques sont le lieu privilégié pour la désinformation. Ceci ne rappelle que trop la citation de Winston Churchill (1874-1965) qui a dit 'en temps de guerre, la vérité est si précieuse qu'elle devrait toujours être protégée par un rempart de mensonges'.
Un exemple grand public si j'ose dire et qui pose plus généralement la question de l'intérêt qu'une personne peut avoir à faire des déclarations invraisemblables. Même si l'histoire qui suit a paru dans un tabloïd américain, en l'occurrence News Extra, elle est très intéressante et tout à fait étonnante à deux égards. D'une part elle concerne un thème prédominant de l'ufologie aux Etats-Unis dans les années 1980 ; d'autre part, l'un des deux protagonistes, et pas des moindres, était en vie lorsque le récit a été publié. L'article, "Une révélation choc de Jackie Gleason : J'ai vu des cadavres d'extraterrestres dans une base aérienne secrète", fut publié le 14 juillet 1987. Rappelons le contexte ufologique du moment. Fin mai, les ufologues William Moore et Stanton Friedman ainsi que le producteur de télévision de Los Angeles, Jaime Shandera, ont rendu public l'existence du Majestic 12, un groupe civilo-militaire ultra secret censé être responsable de toutes les opérations de récupération d'OVNI et de corps d'extraterrestres dont, bien sûr, ceux trouvés à Roswell, au Nouveau Mexique, en juillet 1947. Mais très vite, l'authenticité de ces documents est vivement remise en cause. L'actualité politique, elle, est dominée par l'affaire du Watergate qui dure depuis environ un an.
Le 14 juillet, le titre de l'article figure en première page puis est repris dans les pages intérieures. Jackie Gleason (1916-1987) était un comédien, mais aussi un comique et un producteur et animateur de télévision très connu dans les années 1950 et 1960. Il fut d'ailleurs surnommé The Great One à cause de ses multiples talents et avait lié connaissance avec divers hommes politiques dont le président Richard Nixon (1913-1994). En 1973, Gleason se serait rendu sur la base aérienne de Muroc en Californie sur autorisation spéciale de Nixon et aurait vu les corps monstrueux de trois êtres extraterrestres. Après avoir passé une série de points de contrôles et avoir satisfait à des mesures de sécurité très strictes, on aurait fait entrer Gleason dans un laboratoire de recherches souterrain.
Beverly McKittrick, épouse du comique de 1970 à 1974, raconte qu'un soir il est rentré tard, pâle et épuisé alors que d'habitude il était toujours souriant et plein d'énergie.
Qu'est-ce qu'il se passe Jackie ? demanda-t-elle. "On dirait que tu as vu un fantôme !"
"Pire qu'un fantôme, Beverly", expliqua Gleason. "Bien pire. Je viens juste de voir les corps de trois extraterrestres morts. C'était une vision incroyablement dure à soutenir.
"Ils n'étaient pas à plus de quelques mètres de moi. Il y avait trois corps sur une table de laboratoire. Ils mesuraient environ 60cm et leur peau avait l'air fripée et d'aspect rugueux comme celle d'un lézard.
"Ils avaient de petite têtes et leurs oreilles semblaient caoutchouteuse et moite … et de couleur grisâtre-rose. Je ne parvenais pas les regarder, mais d'un autre côté, je ne pouvais pas tourner mon regard ailleurs".(3)
Beverly McKittrick, sceptique, commença à lui poser beaucoup de questions et Gleason se mura dans le silence. Plus moin dans l'article, on apprend que l'homme de télévision demanda à son épouse de garder un silence absolu sur l'affaire et que s'il ne confirma jamais avoir vu les corps, il refusa résolument de démentir. Une source proche du couple rapporte que Gleason était très agité lorsqu'il rentra de la base aérienne et "qu'en parlant, il eut tout d'un coup des sueurs froides et refusa d'en dire plus".
Dans cet exemple, on peut aisément penser qu'il s'agit d'un canular, de la reprise d'une bonne histoire à un moment où l'actualité ufologique était particulièrement chargée. Mais on se demande toujours pourquoi et dans quel but une telle nouvelle a été publiée ? Pour faire vendre bien sûr ! Mais cette réponse n'est-elle pas trop évidente ? Très bizarrement, certaines phrases de l'article - "Les amis du Great One espèrent qu'il en dira davantage sur les détails incroyables de ce qu'il a vu au cours de cette soirée de 1973 et qu'il ne pourra jamais oublier" - indiquent que son auteur ne savait pas que Gleason était décédé le 24 juin 1987. Ou le savait-il et pensait que, de toutes les façons, l'ancien président ne répondrait pas à des interrogations sur ce type de sujet.
Depuis l'aube de l'humanité, l'être humain est fasciné par les mystères du ciel et de l'espace, les pouvoirs inexpliqués de son esprit ou les énigmes de son passé. De nos jours, l'environnement paranormal de l'homme moderne n'en est pas moins dense : OVNI, extraterrestres, fin du monde en 2012, expériences de mort imminente, etc… Dans ces domaines où le mystère règne en maître, des récits présentés comme authentiques relèvent bien souvent de la pseudo-science ou de la pseudo-histoire. En dépit d'une connaissance parfois très approfondie des rigueurs de la méthodologie scientifique, nous acceptons la réalité de certains phénomènes bizarres. Qui ne s'est pas un jour posé la question 'Et si c'était vrai ?' en lisant par exemple La Vie après la Vie du Dr Raymond Moody (1975) ou Missing Time de Budd Hopkins (1981) ? C'est une chose que d'avoir un esprit curieux et ouvert, céder à l'irrationnel en est une autre.
Aux Etats-Unis, au cours de l'année 1997 l'ensemble des médias, que se soit la presse, la radio, la télévision ou l'Internet, a fait une large place au soi-disant 'incident' de Roswell survenu cinq décennies plus tôt au nord-est de la petite ville du Nouveau Mexique. Parmi les nombreux livres publiés en cette année d'anniversaire, le plus controversé fut The Day after Roswell de Philip Corso. L'éditeur, très avisé et perspicace, publia un ouvrage savamment élaboré (invraisemblances et absurdités multiples, affirmations sans aucune réalité historique) pour déclencher et entretenir des polémiques et des débats acharnés, synonyme par-là même de publicité et de ventes. Pourquoi soupçonner cet auteur en particulier, vétéran de la Seconde guerre mondiale et ancien officier supérieur de l'US Army, d'un dessein uniquement mercantile ? Au cours de la décennie, combien de 'témoins', d'anciens militaires 'qui étaient là' ou d'autres personnes 'qui savaient quelque chose', se sont fait connaître ?
En réponse à la question pourquoi raconte-on des histoires incroyables, n'y a-t-il que deux cas de figures à envisager ? D'une part les situations où certains individus sont victimes de souvenirs illusoires et d'autres distorsions de la mémoire et, par exemple, peuvent exagérer leur rôle. L'un des plus éminents psychologues, Daniel Schacter, professeur à l'université de Harvard, parle de "la puissance fragile de la mémoire".(4) D'autre part, les situations où des personnes mentent sans retenue. Pour ce qui concerne le cas de Roswell, parmi les noms qui me viennent à l'esprit il y a Gerald Anderson ou Steve MacKenzie et Jim Ragsdale dont les témoignages figurent respectivement dans Crash at Corona : the U.S. Military Retrieval and Cover-Up of a UFO(5) (1992) et dans The Truth about the UFO Crash at Roswell(6) (1994).
Pierre Laird
auteur de Ils n'étaient pas de notre Monde :
La légende et les secrets de Wright Field
http://www.ils-n-etaient-pas-de-notre-monde.fr/
Renvois
(1) Joe Lewels, The God Hypothesis : Extraterrestrial Life and its Implications for Science and Religion (Mill Spring, N.C.: Wild Flower Press, 1997), p. 28.
(2) Jean-Pierre Petit, OVNIS et Armes Secrètes Américaines (Paris : éditions Albin Michel, 2003), p. 80.
(3) "I Saw Bodies of Dead Aliens at Top-Secret Air Force Base", News Extra, 14 juillet 1987, p. 1, 30-1.
(4) Daniel Schacter, A la Recherche de la Mémoire (Bruxelles : De Boeck Université, 1999).
(5) Stanton Friedman, Don Berliner, Crash at Corona : the U.S. Military Retrieval and Cover-Up of a UFO (New York : Paragon House, 1992).
(6) Kevin Randle, Donald Schmitt, The Truth about the UFO Crash at Roswell (New York : Avon Books, 1994).
La fin de l’émission de Vincent Gielly OVNIS : Le secret américain, diffusée sur France 2 le 9 septembre 2001, contient une information tout à fait inédite. Jennie Zeidman, proche collaboratrice de J. Allen Hynek pendant plusieurs décennies, fait part d’une confidence du célèbre astrophysicien. A la fin d’octobre 1973, Hynek participe à un déjeuner dans l’Ohio au cours duquel on lui demande s’il est vrai que des corps d’extraterrestres sont conservés à Wright Field. Une vague d'observations d'OVNI est alors rapportée dans les états de la côte est et du sud des Etats-Unis. Le Center for UFO Studies tout récemment fondé répertorie quelques 1500 observations. - "Je ne sais pas répond Hynek". Puis il se tourne vers Zeidman et lui chuchote "Mais si c’est vrai, ils sont à Holloman, au Nouveau Mexique". Elle lui pose deux questions sur un morceau de papier : quand l’affaire d’Holloman a-t-elle eut lieu ? qui vous a en parlé ? Hynek écrit ‘1962’ et ‘l’Air Force.’ A la fin du documentaire, le témoin précise qu'ils n'en ont plus jamais abordé le sujet. Le 'secret' du titre est en fait celui du scientifique américain.
Une autre source rapporte également une confidence d'Allen Hynek. Joe Lewels, un temps professeur de journaliste et directeur de la faculté de communication de masse à l'université du Texas à El Paso, est l'auteur de The God Hypothesis : Extraterrestrial Life and its Implications for Science and Religion paru en 1997. Un jour de 1976, Allen Hynek est invité à faire une conférence sur les OVNI sur le campus d'El Paso. Ce même jour, il est aussi interviewé par la station radio du campus, KTEP-FM. Quelqu'un doit le reconduire à l'aéroport en fin d'après-midi et Joe Lewels se porte immédiatement volontaire. Sur le trajet, le jeune étudiant est impressionné et Hynek engage la conversation : "Nous avons besoin de gens comme vous dans notre organisation. Seriez-vous intéressé par rejoindre le CUFOS et devenir notre représentant pour la région d'El Paso ?" Lewels répond alors "Je suis flatté par votre proposition et je vais y réfléchir."A son tour, il lui pose une question sans doute préparée d'avance : "Dites-moi Dr. Hynek, y-a-t-il quelque chose, une information, que vous n'avez pas pu divulguer au cours de la conférence ou de l'interview ? Y-a-t-il des aspects du phénomène dont vous estimez qu'ils ne peuvent pas être révélés au public actuellement ?" Lewels écrit en 1997 :
Le Dr. Hynek fronça des sourcils en pensant avec précaution à sa réponse. Après un long silence il regarda Lewels par-dessus ses lunettes, prit une profonde inspiration et dit,"C'est hautement confidentiel parce que c'est quelque chose que je ne peux pas prouver". Il s'arrêta de nouveau comme s'il soupesait bien chaque mot. "Je connais un colonel de l'armée de terre qui ne veut pas être identifié et qui jure que nos militaires ont capturé une soucoupe volante écrasée en 1947 près de Roswell, au Nouveau Mexique, à juste trois heures de route d'ici". Il fit encore une pause, cherchant sur mon visage un signe de réaction à cette information explosive. Evidemment impressionné par l'origine de l'information, je lui ai dit "j'ai entendu parler de ce cas mais je n'ai aucune idée si c'est vrai". Il fut apparemment satisfait de ma réponse et continua, "ce n'est pas tout. Il jure aussi que des corps ont été trouvés." Il attendit de nouveau ma réponse. Mais cette fois j'étais complètement ébahi et je n'ai pu que le dévisager avec de grands yeux ronds.(1)
Que penser de ces révélations indirectes ? En partant du postulat que les choses se sont passées comme les deux protagonistes le disent, les questions sont bien sûr très nombreuses. Ainsi, dans le premier cas pourquoi Zeidman et Hynek n'ont plus jamais évoqué le sujet ensemble ? Pourquoi dans le second cas l'ancien conseiller de l'US Air Force fait-il des révélations aussi 'explosives' à un parfait inconnu dans un domaine, on le conçoit sans peine, est très sensible ?
Notre second exemple concerne l’astrophysicien Jean-Pierre Petit, ancien directeur de recherches au CNRS, et dont le parcours professionnel est impressionnant. Il est notamment l’auteur de Ovnis et armes secrètes américaines paru en 2003. Il raconte qu’au cours d’un colloque sur la "propulsion avancée" à Brighton, en Grande-Bretagne, au début de l’année 2001, deux scientifiques américains, Joe Black et Harold Penninger, (il s'agit très certainement de noms d’emprunt) lui font des révélations assez stupéfiantes. Au chapitre 4, Epaves extraterrestres, Jean-Pierre Petit relate un entretien avec les deux hommes. Il écrit :
- En 1961, on faisait encore n'importe quoi chez nous pour essayer de comprendre quelque chose aux Ovnis. Pourtant on en avait déjà.
- Vous voulez dire que vous aviez une épave ?
- Plusieurs, mais en 1961, la MHD n'existait pas encore en tant que solution pour la propulsion. Personne n'avait la moindre idée sur la façon dont ces machines pouvaient fonctionner. Et il faut dire que très peu de gens y avaient accès, ce qui ne facilitait pas les choses. Moi, je ne les ai jamais vues.
- Attendez, répétez moi cela. Vous confirmez que vous avez vous, Américains, récupéré des épaves d'Ovnis ?
- Quand il y a eut ce gros coup de foudre qui a envoyé au tapis toute une bande qui était venue survoler notre base de bombardiers nucléaires.
- Dès cette histoire Roswell, vous avez eu en main la preuve concrète que les Ovnis étaient d'origine extraterrestre.
Black intervient :
- Avant ! J'ai vu un film pris en 1945 où l'on voyait des mana-ships [i.e. vaisseau-mère] qui se baladaient tranquillement en Allemagne au milieu des boxes [i.e. disposition en 'boîte' destinée à amplifier le feu des mitrailleuses contre les avions de chasse ennemis] de forteresses volantes. Ces trucs en forme de disque, dont les détails étaient parfaitement visibles, étaient aussi gros que nos B-17 [i.e. bombardiers quadrimoteurs américains]. Mais, bien sûr il a fallu des années pour qu'on soit très progressivement mis au courant. Personnellement, je n'ai jamais vu ni les corps ni les épaves, Harold non plus, il vous l'a dit. On nous a seulement fourni des dossiers techniques.
J'avais la chique coupée, je l'avoue.(2)
Effectivement le savant français ne peut être que sidéré ! Les sources, cette fois, sont semi-directes provenant d'individus d'un niveau intellectuel équivalent ; l'impression a dû être forte. On peut toujours rétorquer que le cas n'est pas explicite quand à l'affaire de la soucoupe de Roswell ou que l'auteur est connu pour son implication dans l'ufologie. Mais on comprend aussi, qu'avant de publier cette information, il a dû prendre soin de vérifier qui étaient Joe Black et Harold Penninger. Peut-être a-t-il pensé qu'il était l'objet d'une manipulation concernant la magnétohydrodynamique, une technologie de propulsion censée être très prometteuse et donc à développer d'urgence par les chercheurs français (en y consacrant forcément des fonds considérables). Dans cette hypothèse, pourquoi aurait-il repris une histoire qui prête à sourire et surtout qui le discréditerait ? Dans la guerre économique entre nations occidentales, les congrès scientifiques sont le lieu privilégié pour la désinformation. Ceci ne rappelle que trop la citation de Winston Churchill (1874-1965) qui a dit 'en temps de guerre, la vérité est si précieuse qu'elle devrait toujours être protégée par un rempart de mensonges'.
Un exemple grand public si j'ose dire et qui pose plus généralement la question de l'intérêt qu'une personne peut avoir à faire des déclarations invraisemblables. Même si l'histoire qui suit a paru dans un tabloïd américain, en l'occurrence News Extra, elle est très intéressante et tout à fait étonnante à deux égards. D'une part elle concerne un thème prédominant de l'ufologie aux Etats-Unis dans les années 1980 ; d'autre part, l'un des deux protagonistes, et pas des moindres, était en vie lorsque le récit a été publié. L'article, "Une révélation choc de Jackie Gleason : J'ai vu des cadavres d'extraterrestres dans une base aérienne secrète", fut publié le 14 juillet 1987. Rappelons le contexte ufologique du moment. Fin mai, les ufologues William Moore et Stanton Friedman ainsi que le producteur de télévision de Los Angeles, Jaime Shandera, ont rendu public l'existence du Majestic 12, un groupe civilo-militaire ultra secret censé être responsable de toutes les opérations de récupération d'OVNI et de corps d'extraterrestres dont, bien sûr, ceux trouvés à Roswell, au Nouveau Mexique, en juillet 1947. Mais très vite, l'authenticité de ces documents est vivement remise en cause. L'actualité politique, elle, est dominée par l'affaire du Watergate qui dure depuis environ un an.
Le 14 juillet, le titre de l'article figure en première page puis est repris dans les pages intérieures. Jackie Gleason (1916-1987) était un comédien, mais aussi un comique et un producteur et animateur de télévision très connu dans les années 1950 et 1960. Il fut d'ailleurs surnommé The Great One à cause de ses multiples talents et avait lié connaissance avec divers hommes politiques dont le président Richard Nixon (1913-1994). En 1973, Gleason se serait rendu sur la base aérienne de Muroc en Californie sur autorisation spéciale de Nixon et aurait vu les corps monstrueux de trois êtres extraterrestres. Après avoir passé une série de points de contrôles et avoir satisfait à des mesures de sécurité très strictes, on aurait fait entrer Gleason dans un laboratoire de recherches souterrain.
Beverly McKittrick, épouse du comique de 1970 à 1974, raconte qu'un soir il est rentré tard, pâle et épuisé alors que d'habitude il était toujours souriant et plein d'énergie.
Qu'est-ce qu'il se passe Jackie ? demanda-t-elle. "On dirait que tu as vu un fantôme !"
"Pire qu'un fantôme, Beverly", expliqua Gleason. "Bien pire. Je viens juste de voir les corps de trois extraterrestres morts. C'était une vision incroyablement dure à soutenir.
"Ils n'étaient pas à plus de quelques mètres de moi. Il y avait trois corps sur une table de laboratoire. Ils mesuraient environ 60cm et leur peau avait l'air fripée et d'aspect rugueux comme celle d'un lézard.
"Ils avaient de petite têtes et leurs oreilles semblaient caoutchouteuse et moite … et de couleur grisâtre-rose. Je ne parvenais pas les regarder, mais d'un autre côté, je ne pouvais pas tourner mon regard ailleurs".(3)
Beverly McKittrick, sceptique, commença à lui poser beaucoup de questions et Gleason se mura dans le silence. Plus moin dans l'article, on apprend que l'homme de télévision demanda à son épouse de garder un silence absolu sur l'affaire et que s'il ne confirma jamais avoir vu les corps, il refusa résolument de démentir. Une source proche du couple rapporte que Gleason était très agité lorsqu'il rentra de la base aérienne et "qu'en parlant, il eut tout d'un coup des sueurs froides et refusa d'en dire plus".
Dans cet exemple, on peut aisément penser qu'il s'agit d'un canular, de la reprise d'une bonne histoire à un moment où l'actualité ufologique était particulièrement chargée. Mais on se demande toujours pourquoi et dans quel but une telle nouvelle a été publiée ? Pour faire vendre bien sûr ! Mais cette réponse n'est-elle pas trop évidente ? Très bizarrement, certaines phrases de l'article - "Les amis du Great One espèrent qu'il en dira davantage sur les détails incroyables de ce qu'il a vu au cours de cette soirée de 1973 et qu'il ne pourra jamais oublier" - indiquent que son auteur ne savait pas que Gleason était décédé le 24 juin 1987. Ou le savait-il et pensait que, de toutes les façons, l'ancien président ne répondrait pas à des interrogations sur ce type de sujet.
Depuis l'aube de l'humanité, l'être humain est fasciné par les mystères du ciel et de l'espace, les pouvoirs inexpliqués de son esprit ou les énigmes de son passé. De nos jours, l'environnement paranormal de l'homme moderne n'en est pas moins dense : OVNI, extraterrestres, fin du monde en 2012, expériences de mort imminente, etc… Dans ces domaines où le mystère règne en maître, des récits présentés comme authentiques relèvent bien souvent de la pseudo-science ou de la pseudo-histoire. En dépit d'une connaissance parfois très approfondie des rigueurs de la méthodologie scientifique, nous acceptons la réalité de certains phénomènes bizarres. Qui ne s'est pas un jour posé la question 'Et si c'était vrai ?' en lisant par exemple La Vie après la Vie du Dr Raymond Moody (1975) ou Missing Time de Budd Hopkins (1981) ? C'est une chose que d'avoir un esprit curieux et ouvert, céder à l'irrationnel en est une autre.
Aux Etats-Unis, au cours de l'année 1997 l'ensemble des médias, que se soit la presse, la radio, la télévision ou l'Internet, a fait une large place au soi-disant 'incident' de Roswell survenu cinq décennies plus tôt au nord-est de la petite ville du Nouveau Mexique. Parmi les nombreux livres publiés en cette année d'anniversaire, le plus controversé fut The Day after Roswell de Philip Corso. L'éditeur, très avisé et perspicace, publia un ouvrage savamment élaboré (invraisemblances et absurdités multiples, affirmations sans aucune réalité historique) pour déclencher et entretenir des polémiques et des débats acharnés, synonyme par-là même de publicité et de ventes. Pourquoi soupçonner cet auteur en particulier, vétéran de la Seconde guerre mondiale et ancien officier supérieur de l'US Army, d'un dessein uniquement mercantile ? Au cours de la décennie, combien de 'témoins', d'anciens militaires 'qui étaient là' ou d'autres personnes 'qui savaient quelque chose', se sont fait connaître ?
En réponse à la question pourquoi raconte-on des histoires incroyables, n'y a-t-il que deux cas de figures à envisager ? D'une part les situations où certains individus sont victimes de souvenirs illusoires et d'autres distorsions de la mémoire et, par exemple, peuvent exagérer leur rôle. L'un des plus éminents psychologues, Daniel Schacter, professeur à l'université de Harvard, parle de "la puissance fragile de la mémoire".(4) D'autre part, les situations où des personnes mentent sans retenue. Pour ce qui concerne le cas de Roswell, parmi les noms qui me viennent à l'esprit il y a Gerald Anderson ou Steve MacKenzie et Jim Ragsdale dont les témoignages figurent respectivement dans Crash at Corona : the U.S. Military Retrieval and Cover-Up of a UFO(5) (1992) et dans The Truth about the UFO Crash at Roswell(6) (1994).
Pierre Laird
auteur de Ils n'étaient pas de notre Monde :
La légende et les secrets de Wright Field
http://www.ils-n-etaient-pas-de-notre-monde.fr/
Renvois
(1) Joe Lewels, The God Hypothesis : Extraterrestrial Life and its Implications for Science and Religion (Mill Spring, N.C.: Wild Flower Press, 1997), p. 28.
(2) Jean-Pierre Petit, OVNIS et Armes Secrètes Américaines (Paris : éditions Albin Michel, 2003), p. 80.
(3) "I Saw Bodies of Dead Aliens at Top-Secret Air Force Base", News Extra, 14 juillet 1987, p. 1, 30-1.
(4) Daniel Schacter, A la Recherche de la Mémoire (Bruxelles : De Boeck Université, 1999).
(5) Stanton Friedman, Don Berliner, Crash at Corona : the U.S. Military Retrieval and Cover-Up of a UFO (New York : Paragon House, 1992).
(6) Kevin Randle, Donald Schmitt, The Truth about the UFO Crash at Roswell (New York : Avon Books, 1994).
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