Une datation basée sur des événements géologiques confirme que les peintures rupestres datent de plus de 30 000 ans. Elles seraient donc presque deux fois plus vieilles que celles de Lascaux.
La découverte en 1994 de la grotte Chauvet sur la commune de Vallon-Pont-d'Arc, en Ardèche, marque une étape dans les recherches sur les peintures rupestres. Jamais, bien sûr, on avait imaginé pouvoir trouver une telle merveille encore aujourd'hui. La solennité et l'authenticité des lions, des chevaux, des rhinocéros et des mammouths qui ornent les parois, sont éblouissantes. La découverte a pris une nouvelle dimension quand on s'est aperçu qu'il s'agissait des peintures rupestres les plus anciennes et les plus élaborées connues à ce jour dans le monde. En effet, tous ces animaux ont été peints en ocre rouge ou dessinés au charbon de bois il y a plus de 30.000 ans par des hommes de l'aurignacien et du gravettien. Par comparaison, les fresques de Lascaux datent seulement du magdalénien, il y a 17.000 ans. Un tel écart dans le temps remet en cause bien des schémas établis jusqu'alors.
Les datations par le carbone 14 des charbons de bois et des os fossilisés d'animaux retrouvés à l'intérieur de la grotte Chauvet ont été effectuées en 2001 par des chercheurs britanniques. Plusieurs spécialistes de la stylistique pariétale les ont aussitôt vivement contestées. Pour eux, en effet, il est impossible que des hommes aussi primitifs que ceux de l'aurignacien aient pu avoir une telle maîtrise du dessin et de la peinture. Un groupe de chercheurs français piloté par Benjamin Sadier, du laboratoire Edytem (*) rattaché à l'université de Savoie, apporte aujourd'hui des éléments entièrement nouveaux sur cette polémique qui confirment les datations au carbone 14. On ne peut plus guère en douter. Les hommes qui vivaient il y a plus de 30.000 ans le long des gorges de l'Ardèche maîtrisaient le dessin et la peinture aussi bien que les «artistes» de Lascaux. L'étude est publiée dans les Comptes-rendus de l'Académie des sciences américaine (PNAS, en ligne le 8 mai 2012).
«Nous apportons des arguments qui ne sont pas fondés sur l'archéologie», souligne Benjamin Sadier. C'est ce qui fait leur radicale nouveauté et les rend particulièrement convaincants. Au lieu de confiner la question de la datation aux objets présents à l'intérieur de la grotte, ils ont eu la bonne idée de la transporter au dehors, sur la falaise qui surplombe la grotte. Ils se sont livrés là à une véritable enquête de police scientifique. Le parfait état de conservation des peintures de la grotte Chauvet avait d'emblée frappé les spécialistes. Ils se sont vite rendu compte qu'il était dû à l'effondrement d'une partie de la falaise au pied de laquelle se trouvait l'entrée de la cavité à l'époque de l'aurignacien et du gravettien. Jusque-là, cet éboulis avait été perçu comme une formidable opportunité qui avait permis de boucher totalement la grotte et d'empêcher ainsi d'éventuelles agressions venues de l'extérieur (intempéries, pollutions, visiteurs, etc.).
La perception de Benjamin Sadier et ses collègues du Cerege (**) a été toute différente. «Nous nous sommes intéressés à l'effondrement lui-même et l'avons considéré comme un événement à part entière, susceptible de nous éclairer sur l'histoire de la grotte», explique le jeune chercheur.
En comptant les atomes de chlore présents dans les dizaines d'échantillons de roches calcaires prélevés sur la falaise restée en place, ils ont pu calculer le temps pendant lequel ces minéraux ont été exposés aux rayonnements cosmiques. Résultat, la falaise se serait effondrée par deux fois, entre 23.500 et 21.500 ans (voir infographie). La grotte ayant été totalement bouchée à partir de cette époque, les peintures ne peuvent donc pas être postérieures. Une hypothèse renforcée par le fait qu'à l'intérieur de la grotte on n'a encore trouvé aucun élément (charbon de bois ou os fossiles d'animaux) postérieur à cette période. «Ça colle parfaitement. On ne pouvait pas rêver mieux. Une page est tournée», savoure Benjamin Sadier.
(*) Laboratoire Environnements, Dynamiques et Territoires de la Montagne (Le Bourget-du-Lac).
(**) Centre de recherche et d'enseignement de géosciences de l'environnement (Aix-en-Provence)
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