Sur les hauteurs de droite, commandant le confluent de la Sals avec l'Aude, apparaît Rennes-le-Château, la capitale déchue du Razès, pays créé au X ème siècle dont les seigneurs résidèrent à Rennes jusqu'à la confiscation du Razès, en 1218, par Simon de Montfort, sur les vicomtes de Carcassonne.
Au-dessus de la rive droite de l'étroite coupure au fond de laquelle le Sals semble sommeiller grimacent les ruines du château de Coustaussa, du XIIème au XVIIème siècle; puis au confluent du Réalses, que remonte la route de Narbonne, la Sals creuse davantage son ravin entre des parois plus rapprochées et coule du nord au sud pour atteindre la station thermale de Rennes-les-Bains, longue rue d'établissements, d'hôtels, de maisons meublées échelonnés et groupés au-dessus du torrent et sur les premières terrasses des collines où de laborieux efforts ont créé des jardinets aux grêles mais précieux ombrages.
Rennes-les-Bains est non seulement une station thermale parfaitement organisée, dont les eaux chaudes salines et les eaux froides ferrugineuses font merveille dans le traitement des diverses manifestations de l'arthritisme, et notamment du rhumatisme articulaire aigu, qui, d'après le docteur Roché, constitue l'indication majeure de la cure de Rennes, mais c'est encore un très bon centre d'excursions dans les Corbières.
Le rocher de Blanchefort, couronné, à 544 mètres d'altitude, par les ruines d'un château où se réfugia, dit-on, Blanche de Castille, exilée par Pierre le Cruel, et offrant un vaste panorama sur une région mouvementée à l'excès, d'aspect désertique et lunaire; Arques, son menhir et son château avec donjon du XIVe siècle; les sources salées du Sals; les merveilleuses gorges de Galamus, sont autant de courses pour lesquelles Rennes-les-Bains est un bon point de départ, et c'est aussi de cette station que se fait, le plus généralement, l'ascension du Pic de Bugarach, culmen, de par ses 1231 mètres d'altitude, de toutes les Corbières et leur plus beau belvédère.
Je vois d'ici sursauter les géologues, car la géologie et la géographie n'ont pu se mettre d'accord sur la délimitation des Corbières. Les géologues rejettent le Pic de Bugarach en dehors du massif pour le rattacher à la chaîne de Saint-Antoine et Lesquerde des Petites-Pyrénées. Ces dissertations scientifiques n'intéressent que médiocrement le touriste, très Indifférent à des distinctions souvent subtiles. Que le Pic de Bugarach appartienne aux Corbières ou relève d'un autre massif, il n'en est pas moins la cime maîtresse de la région et un admirable « beauvoir » que ne doivent pas manquer de gravir les hôtes en jambes et bons marcheurs de Rennes-les-Bains.
Cette station, connue et fréquentée dès la plus haute antiquité, fui un peu délaissée aux temps troublés des invasions et pendant les guerres entre la France et l'Espagne; puis, figée dans son passé, confinée dans ses souvenirs, satisfaite de sa gloire antique, des vieilles installations de son Bain de la reine, où Blanche de Castille guérit ses écrouelles, de son Bain Doux, de son Bain Fort, elle se laissa peu a peu distancer par des concurrentes plus alertes et plus progressives, se contentant d'une clientèle régionale fidèle, que lui ramenait chaque saison d'été. Mais cette situation végétative a pris fin; des hommes de science, des esprits entreprenants et actifs ont assumé la tâche de sortir Rennes de sa trop longue léthargie; un nouvel établissement thermal, aménagé suivant les préceptes de la science balnéaire moderne, a été construit à la source Marie, si efficace contre l'entérocolite qu'elle a fait de Rennes le « Plombières » du Midi, un grand hôtel avec chambres hygiéniques, entouré de jardins, s'est élevé au centre de la station, et la clientèle la plus exigeante trouvera maintenant toute satisfaction à Rennes, qui volt luire de nouveau les beaux jours de son antique renommée et dont la gloire rajeunie {ait présager une nouvelle période de splendeur et de prospérité pour ce coin un peu perdu des lointaines Corbières.
Dans ce désert de pierre, Rennes est une oasis; des chênes verts escaladent les pentes blanches, des châtaigniers roux s'accrochent aux berges rocheuses de la rivière, étendant leurs branches éperdues et torturées et mettant sur l'eau tranquille des teintes métalliques et des reflets cuivrés; la Fontaine ferrugineuse du Cercle coule sous un dôme de verdure, a l'extrémité d'une allée de platanes ; le soleil se joue gaiement dans le délicat feuillage des hêtres de la Fontaine d'Amour; la nappe petite mais profonde, sans écoulement apparent, du lac de Barrenc miroite à l'orée des forêts de Bézis et de Monthaut, aux mystérieuses retraites, aux vertes frondaisons, aux moelleux tapis de mousse sous le couvert des claires hêtraies.
A cette altitude d'un peu plus de 300 mètres, le climat est doux et égal, l'air est sec et vivifiant, les brumes sont inconnues, les nuits d'été sont délicieusement fraîches.
Se doutent-ils de tous ces avantages, les indigènes qui, par cette après-midi dominicale, assis sur les pas de portes, musent et flânent dans la douceur de la journée finissante, dans le repos de la saison terminée? C'est peu probable; mais notre automobile et ses occupants sont le point de mire des regards étonnés, jaloux, sans envie ni méchanceté toutefois, d'un vieux pasteur debout sur une protubérance gazonnée, de l'autre côté du Sals, an milieu de son troupeau rassemblé par des chiens hirsutes, aux poils gris broussailleux, et qui rêve, énigmatique dans sa limousine à carreaux, tel un Galiléen au seuil d'une Chanaan, aux portes d'une Terre promise.[...]
Source:
Coins de France : Brie, Ardennes, Normandie, Bretagne, Anjou,...,Boland, Henri (1854-1909), 1910 Pp 265-269
Au-dessus de la rive droite de l'étroite coupure au fond de laquelle le Sals semble sommeiller grimacent les ruines du château de Coustaussa, du XIIème au XVIIème siècle; puis au confluent du Réalses, que remonte la route de Narbonne, la Sals creuse davantage son ravin entre des parois plus rapprochées et coule du nord au sud pour atteindre la station thermale de Rennes-les-Bains, longue rue d'établissements, d'hôtels, de maisons meublées échelonnés et groupés au-dessus du torrent et sur les premières terrasses des collines où de laborieux efforts ont créé des jardinets aux grêles mais précieux ombrages.
Rennes-les-Bains est non seulement une station thermale parfaitement organisée, dont les eaux chaudes salines et les eaux froides ferrugineuses font merveille dans le traitement des diverses manifestations de l'arthritisme, et notamment du rhumatisme articulaire aigu, qui, d'après le docteur Roché, constitue l'indication majeure de la cure de Rennes, mais c'est encore un très bon centre d'excursions dans les Corbières.
Le rocher de Blanchefort, couronné, à 544 mètres d'altitude, par les ruines d'un château où se réfugia, dit-on, Blanche de Castille, exilée par Pierre le Cruel, et offrant un vaste panorama sur une région mouvementée à l'excès, d'aspect désertique et lunaire; Arques, son menhir et son château avec donjon du XIVe siècle; les sources salées du Sals; les merveilleuses gorges de Galamus, sont autant de courses pour lesquelles Rennes-les-Bains est un bon point de départ, et c'est aussi de cette station que se fait, le plus généralement, l'ascension du Pic de Bugarach, culmen, de par ses 1231 mètres d'altitude, de toutes les Corbières et leur plus beau belvédère.
Je vois d'ici sursauter les géologues, car la géologie et la géographie n'ont pu se mettre d'accord sur la délimitation des Corbières. Les géologues rejettent le Pic de Bugarach en dehors du massif pour le rattacher à la chaîne de Saint-Antoine et Lesquerde des Petites-Pyrénées. Ces dissertations scientifiques n'intéressent que médiocrement le touriste, très Indifférent à des distinctions souvent subtiles. Que le Pic de Bugarach appartienne aux Corbières ou relève d'un autre massif, il n'en est pas moins la cime maîtresse de la région et un admirable « beauvoir » que ne doivent pas manquer de gravir les hôtes en jambes et bons marcheurs de Rennes-les-Bains.
Cette station, connue et fréquentée dès la plus haute antiquité, fui un peu délaissée aux temps troublés des invasions et pendant les guerres entre la France et l'Espagne; puis, figée dans son passé, confinée dans ses souvenirs, satisfaite de sa gloire antique, des vieilles installations de son Bain de la reine, où Blanche de Castille guérit ses écrouelles, de son Bain Doux, de son Bain Fort, elle se laissa peu a peu distancer par des concurrentes plus alertes et plus progressives, se contentant d'une clientèle régionale fidèle, que lui ramenait chaque saison d'été. Mais cette situation végétative a pris fin; des hommes de science, des esprits entreprenants et actifs ont assumé la tâche de sortir Rennes de sa trop longue léthargie; un nouvel établissement thermal, aménagé suivant les préceptes de la science balnéaire moderne, a été construit à la source Marie, si efficace contre l'entérocolite qu'elle a fait de Rennes le « Plombières » du Midi, un grand hôtel avec chambres hygiéniques, entouré de jardins, s'est élevé au centre de la station, et la clientèle la plus exigeante trouvera maintenant toute satisfaction à Rennes, qui volt luire de nouveau les beaux jours de son antique renommée et dont la gloire rajeunie {ait présager une nouvelle période de splendeur et de prospérité pour ce coin un peu perdu des lointaines Corbières.
Dans ce désert de pierre, Rennes est une oasis; des chênes verts escaladent les pentes blanches, des châtaigniers roux s'accrochent aux berges rocheuses de la rivière, étendant leurs branches éperdues et torturées et mettant sur l'eau tranquille des teintes métalliques et des reflets cuivrés; la Fontaine ferrugineuse du Cercle coule sous un dôme de verdure, a l'extrémité d'une allée de platanes ; le soleil se joue gaiement dans le délicat feuillage des hêtres de la Fontaine d'Amour; la nappe petite mais profonde, sans écoulement apparent, du lac de Barrenc miroite à l'orée des forêts de Bézis et de Monthaut, aux mystérieuses retraites, aux vertes frondaisons, aux moelleux tapis de mousse sous le couvert des claires hêtraies.
A cette altitude d'un peu plus de 300 mètres, le climat est doux et égal, l'air est sec et vivifiant, les brumes sont inconnues, les nuits d'été sont délicieusement fraîches.
Se doutent-ils de tous ces avantages, les indigènes qui, par cette après-midi dominicale, assis sur les pas de portes, musent et flânent dans la douceur de la journée finissante, dans le repos de la saison terminée? C'est peu probable; mais notre automobile et ses occupants sont le point de mire des regards étonnés, jaloux, sans envie ni méchanceté toutefois, d'un vieux pasteur debout sur une protubérance gazonnée, de l'autre côté du Sals, an milieu de son troupeau rassemblé par des chiens hirsutes, aux poils gris broussailleux, et qui rêve, énigmatique dans sa limousine à carreaux, tel un Galiléen au seuil d'une Chanaan, aux portes d'une Terre promise.[...]
Source:
Coins de France : Brie, Ardennes, Normandie, Bretagne, Anjou,...,Boland, Henri (1854-1909), 1910 Pp 265-269
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