Les "Jacques" et leur chemin des étoiles
Traditionnellement, Jacques signifie "savant".
Vous devez vous en douter, ce dossier va être totalement orienté. J'en suis ravi.
Maître Jacques, dans l'antique tradition des compagnons passants de la fraternité dite des "enfants de Maître Jacques", et chez les actuels "Compagnons passants des devoirs" est un pyrénéen, originaire de Carte. Il fut mandé par Hiram de Tyr, pour le compte du roi Salomon, afin de construire le temple de Jérusalem. C'était aux alentours de 900 avant Jésus Christ. Il est de la race qui à couvert l'occident de mégalithes et de dolmens. C'est un jars, un Maître Jars. Maître, il est initié à la nature de la pierre et la légende note bien qu'il taillait la pierre depuis l'âge de quinze ans.
Cette même légende donne Maître Jacques comme responsable de la colonne Jakin et peut-être également de la colonne Boaz du premier temple de Jérusalem.
Les traducteurs de la bible donnent généralement comme signification à Jakin : "il affermira", mais en langue basque ce mot signifie : savant ou le savant. Quant à Boaz, la traduction habituelle est : "en lui est la force".
Certains légendaires le font assassiner à la Sainte-Baume par la fraternité des "enfants du Père Soubise", c'est à dire : Cluny.
Jacques est le nom générique de ce peuple de constructeurs et de paysans, ce peuple de la pierre et de la terre, pré celte, et qui circulait partout dans le monde occidental et méditerranéen. On leur doit les menhirs et dolmens, de très nombreux temples sur le pourtour méditerranéen, le "gallo-romain", et les innombrables bâtiments sacrés de l'époque chrétienne.
Leur Université, c'est le " Chemin des étoiles". La langue qu'ils pratiquaient était l'argot, la langue des oisons, que le français du XIXème dénaturera en langue des oiseaux, et art goth.
Dans les nids d'aigles perdus de la sierra de Jaca, des vieux maîtres se chauffaient les os au soleil du versant sud des Pyrénées. Leur porte était ouverte et ils enseignaient, dans leur métier, dans leur corporation. Les jeunes marchaient d'ermitage en ermitage, de maître à la retraite en maître à la retraite. L'errance était leur université et ensuite, ils allaient de chantier d'église ou de temple en chantier de pont ou de château.
La société des Jacques se composait de quatre corporations :
-paysans et artisans,
-marchands et financiers,
-guerriers et princes,
-savants et guérisseurs,
que le moyen âge chrétien mettra sous la bannière de Saint Jacques : Saint Jacques du bâton, Saint Jacques de la coupe (voir le saint Graal plus bas), Saint Jacques des deniers (partout sur le chemin), et bien sûr, l'ordre de chevalerie qui assura au début la protection des pèlerins : l'ordre de Saint Jacques de l'Épée.
Vers la fin du 13ème siècle, avec l'arrivée sur la scène occidentale de l'Inquisition, la croisade contre les cathares, puis au début du 14ème siècle la fin de l'ordre du Temple et le retour des émigrés venus des royaumes francs du moyen orient, le peuple des Jacques entra dans la clandestinité, et, dans le sud ouest furent nommés les "cagots".
Blonds aux yeux bleus et bruns olivâtres, les cagots étaient dans la situation des intouchables de l'Inde, des juifs en ghetto... Ils vivaient en communautés à l'extérieur des villes et villages, et bien sûr se marient entre eux. Ils sont tailleurs de pierre, charpentiers, chirurgiens et guérisseurs, leurs femmes tisserandes et sages-femmes. Ils portaient cousu à l'épaule gauche la patte d'oie, la pé d'auque. Malgré l'ostracisme, ils furent toujours protégés par les seigneurs car eux seuls avaient l'art du trait et savaient balancer un pont sur une rivière ou réparer la charpente du château. Ils se sont faits de mauvaises réputations au fil des siècles. Vers l'époque de leur intégration, 1730 environ, ils étaient dits "crestins", lépreux, déicides puisqu'à cette époque, il était de notoriété publique qu'ils avaient fait la croix du Christ, et qu'ils étaient responsables des problèmes et du désastre du temple de Jérusalem car ils y auraient fait du mauvais boulot. On ne prête qu'aux riches, j'aurais l'occasion de revenir sur la question.
Le chemin des étoiles et des ermitages
Le chemin des hommes de métiers n'a jamais été mélangé avec le chemin pèlerin. L'un passe par une région, celle de Jaca et ses ermitages, l'autre par un réseau d'hôtelleries. Les motivations de voyages sont essentiellement différentes. Par Roncevaux et le camino francès, les motivations sont de type religieuses : expiation, pénitence, demandes de tout ordre, vœux... Par le col du Somport, c'est l'université, et on séjourne pour apprendre. On passe de vieux maître en vieux maître, d'ermitage civil en ermitage religieux, et en suivant l'antique chemin des étoiles, au plus proche de la wouïvre, on arrivait à La Noïa au Finistère de Galice.
Traditionnellement, le chemin commence, dès la porte de la maison franchie, passe à Compostelle et termine la porte de la maison refermée. Il y a quatre points de rassemblements, Paris/Chartres, Vézelay, Le Puy et Saint-Gilles (Arles). Ils finissent de se rencontrer à Ostabat, en pays basque du nord et forment à eux tous le "camino francès", le chemin pèlerin.
Les hommes de métier, ne vont qu'une fois à la Noïa, mais reviennent souvent dans les Pyrénées voir leurs vieux maîtres, apprendre de nouvelles techniques, entrer dans de nouvelles connaissances. De ces constructeurs pyrénéens, nous avons reçu entre de nombreux autres le style "wisigoth", "mozarabe" et cette merveille d'Eunate!
San Juan de la Pena ... se trouvait le saint Graal : un saint bol !!!
Chez les Jacques, sur le chemin pyrénéen des étoiles, la légende de la naissance du Graal est intéressante :
Lucifer, alors qu'il était encore au Paradis, ange porteur de lumière, avait en son front une grosse émeraude. Lors de sa chute sur terre, il la perdit. Elle fut récupérée et dedans fut taillé le saint Graal.
Il s'agit bien sûr de la christianisation et de l'ambivalence, de Lug et son chaudron. Ancien porteur de lumière déchu, telle était la situation de Lug en période chrétienne. Il fallait donc que les Jacques aient sur les chemins de leurs universités un haut lieu dédié (secrétement) à Lug, ce fut San Juan de la Pena.
Dans le trésor de la cathédrale de Valence, en Espagne, est conservé un calice taillé dans une agate orientale verte (cornaline), qui aurait été fabriqué entre le IV ème s. av. J.-C. et l'an 1. Ce calice aurait recueilli le sang du Christ, et aurait été emporté par St Pierre dans les catacombes. Il se transmettra de pape en pape jusqu'à Sixte II qui, craignant les persécutions de l'empereur Valérien, le confia en 258 à son diacre Laurent qui l'expédia dans son village près de Huesca. Envoyé en 713 à San Juan de la Pena, ce calice fut donné en 1437 par Alphonse V d'Aragon à la cathédrale de Valence.
Sur le chemin du Finistère d'Armorique, l'antique chemin des enchanteurs, des mages et magiciens, en Brocéliande, le légendaire de l'époque chrétienne oublie l'aspect luciférien et insiste sur l'aspect "calice", porteur du sang du Christ, et de sa venue en occident par les services de Joseph d'Arimathie. Il reste néanmoins de couleur verte.
Quant au Finistère gallois de Glastonbury, détenteur lui aussi d'une tradition du Graal, et inspirateur du cycle arthurien il semblerait que les légendes soient toutes aussi anciennes. La christianisation nous a laissé un puit du Graal, et, un vase/chaudron en bronze.
Le chaudron ou le Graal sont les creusets de la transformation intérieure. Il est donc logique et normal qu'ils soient présents sur tout les chemins et hauts lieux traditionnels d'initiation.
Au pays de la Reine Pédauque
Si nous souhaitons sérier les diverses traditions dont nous sommes issus, il faut envisager les périodes proto historiques. Il semblerait que la wouïvre se réveille de manière cyclique. 300 / 400 ans d'activité, 700 / 800 de sommeil. Ce processus semblait connu des pédauques, ils l'ont décrit avec le conte de "la belle au bois dormant".
3500 / 3100 av Jc période dolménique + pétroglyphes et signes lapidaires (?)
2200 / 1800 av JC période dolménique + pétroglyphes et signes lapidaires, les pré celtes, les fils de Lug le dieu solaire au chaudron, la tradition des enchanteurs et magiciens, des "Loups", des "Mages"(?) Probablement déjà les pédauques?
1000 / 600 av JC période celte, peu de constructions en France, le Temple de Jérusalem, la tradition des "dru", les sangliers, le chêne, les pédauques et les Jacques!
100 av JC / 100 après JC, période "gallo-romaine", même la langue va disparaître en Gaule continentale, la celte comme la bascoïde agglutinante des Ligures.
850 / 1250 période chrétienne.
De "Jacques" nous avons conservé l'expression populaire de : "cesse de faire ton Jacques", le jeu de "Jacques a dit", le terme de "Jacquaires" pour désigner les pèlerins de Compostelle, les Jacqueries paysannes des XVIIème, et certainement d'autres choses qui ne me viennent pas à l'esprit.
De savant au moyen âge du chemin des ermitages, le sens de Jacques s'est dégradé au fil des persécutions pour prendre tardivement celui d'idiot. La période sacrée était définitivement morte.
En 1990, 800 personnes ont parcouru, selon les estimations, le chemin de Compostelle. En 1996 elles étaient 12000, en 2000 déjà 40000. En 2010, année "Jacquaire" (la Saint-Jacques tombe un dimanche), ils étaient 200 000 à Compostelle! A ce rythme, il faudra bientôt une autoroute piétonne!!!
A quel légendaire s'attache le pèlerin d'aujourd'hui? Aux "loups" du dieu Lug et à son chaudron, à Mydrynn (Merlin) et aux enchanteurs, au calice du Graal, aux pédauques? Certainement rien de tout ça!
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