Une équipe d’archéologues de l’Inrap fouille actuellement une partie du port antique d’Antibes. Ces recherches, menées à l’occasion de la construction d’un parking souterrain porté par la société QPark, viennent de mettre au jour une épave romaine. Conservé sur plus de 15 m de long, le bateau est couché sur le flanc.
Une équipe d’archéologues de l’Inrap fouille actuellement une partie du port antique d’Antibes (Alpes-Maritimes). Ces recherches, réalisées sur prescription de l’État (Drac Provence-Alpes-Côte d’Azur), sont menées à l’occasion de la construction d’un parking souterrain porté par la société QPark. L’équipe d’archéologues intervient durant sept mois sur ce site du « Pré aux Pêcheurs ».
Antibes est l’antique Antipolis, comptoir grec fondé par les Phocéens de Massalia. La date de sa fondation est encore incertaine, mais elle succède à un habitat indigène implanté sur les hauteurs de la ville actuelle. Le long du rivage provençal, Antipolis occupe une position privilégiée sur les routes maritimes reliant Marseille à la côte italienne. Elle est dotée, avec l’anse Saint-Roch, d’un port naturel, protégé des vents dominants. La prospérité de la cité grecque puis romaine repose sur le dynamisme de son commerce maritime, et sur la transformation des produits de la mer, les salaisons de poissons et la fabrication de garum (sauce à base de poisson) notamment.
Les archéologues explorent actuellement, sur 5 000 m², le fond du bassin portuaire antique qui s’est progressivement ensablé. Véritable dépotoir, il livre quantité d’objets – déchets rejetés depuis les bateaux au mouillage ou pièces de cargaison perdues lors des transbordements – et témoigne de la vie quotidienne des marins et du commerce maritime. Les couches de mobilier archéologique se succèdent depuis le IIIe siècle avant notre ère jusqu’au VIe siècle de notre ère. Coulés dans les eaux de l’anse Saint-Roch, plusieurs dizaines de milliers d’objets de toutes sortes ont d’ores-et-déjà été exhumés, notamment des marchandises en provenance du pourtour du bassin méditerranéen. À eux seuls, ils illustrent le dynamisme du port antique et du commerce dans cette partie de la Méditerranée.
Les sédiments fouillés se trouvaient sous le niveau marin et n’ont été asséchés qu’à l’occasion des travaux de construction du parking. Ces conditions particulières ont favorisé la conservation des matériaux organiques et permettent de mettre au jour des objets absents dans les fouilles terrestres : bouchons de liège d’amphores, semelles de chaussure en cuir, éléments en bois, conservés en milieu anaérobie.
Dans la dernière zone explorée par les archéologues de l’Inrap, l’épave d’un navire romain a été découverte. Conservé sur plus de 15 m de long, le bateau est couché sur le flanc dans un endroit peu profond (à moins de 1,60 m sous le niveau marin antique). Dans le cadre d’une coopération avec le Centre Camille Jullian, l’Inrap a associé à l’analyse et l’interprétation de cette découverte, une archéologue du CNRS, spécialiste de l’archéologie navale.
Les vestiges se composent d’une quille et de plusieurs virures de bordé (planches constituant le revêtement de la coque), assemblées entre elles par des milliers de languettes chevillées dans des mortaises creusées dans l’épaisseur des planches. Transversalement, une quarantaine de membrures sont présentes, dont certaines sont assemblées à la quille par des broches métalliques.
Des éléments du plancher de cale ont également été identifiés. La carlingue, qui servait à loger le pied du mât n’a pas été conservée. Cette épave est un voilier de commerce de taille moyenne (longueur de 20/22 m ; largeur de 6/7 m ; hauteur de cale 3 m environ). Le bois utilisé dans la construction est principalement du conifère. Sur les nœuds de bois, la coque est renforcée par des plaquettes de plomb maintenues par de petits clous. Ces plaquettes servent à pallier les défaillances d’un bois de qualité moyenne, utilisé par le chantier de construction car disponible et facile d’approvisionnement. Les traces d’outillage sont également bien visibles (scie, herminette) ainsi que la poix qui servait à la protection de la coque. Les caractéristiques architecturales confortent la datation proposée par la stratigraphie et les céramiques récoltées dans les niveaux formés après l’abandon du bateau - les IIe-IIIe siècles de notre ère - et permettent de classer le navire dans les bateaux romains impériaux de Méditerranée occidentale.
Les raisons de son naufrage sont pour l’heure inconnues : a-t-il été jeté à la côte lors d’une tempête ? Abandonné au pourrissement dans ce recoin du port ? Coulé volontairement pour servir de base à un appontement ? Ces deux dernières hypothèses pourraient expliquer l’absence de chargement. La suite des investigations apportera la réponse.
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