Les révélations des manuscrits de la mer Morte
Vue depuis l'une des grottes de Qumrân
Photo : École biblique et archéologique française de Jérusalem).
Fragments du Rouleau du Temple, IIme siècle av. J.-C.
(Photos : Musée d'Israël, Jerusalem).
Fac-similé du Rouleau d’Isaïe
Photo : Michael Falter/www.facsimile-editions.com).
Claire LESEGRETAIN
(Source : www.la-croix.com)
L’exposition proposée par la Bibliothèque nationale de France à partir du mardi 13 avril permet de mieux comprendre leur apport capital à la connaissance de la Bible.
Vue depuis l'une des grottes de Qumrân
Photo : École biblique et archéologique française de Jérusalem).
Les manuscrits de Qumrân ! Ils ont fait couler beauccoup d’encre et provoqué tant de débats, depuis leur découverte en 1947. On ne peut pourtant résumer Qumrân à la belle histoire de sa découverte – un jeune bédouin à la recherche d’une chèvre tombe sur une grotte dans les falaises calcaires du Wadi Qumrân, au nord-ouest de la mer Morte (à l’époque en Jordanie).
On ne peut non plus réduire Qumrân aux querelles d’experts et aux déclarations passionnelles qu’ont provoquées les découvertes archéologiques à Khirbet Qumrân et leurs diverses interprétations, religieuses ou profanes, esséniennes ou non esséniennes. Car ce que révèlent d’abord et avant tout ces manuscrits de la mer Morte, c’est l’origine de l’Ancien Testament.
Parmi les 275 cavités fouillées à Qumrân, 11 grottes contenaient des manuscrits en hébreu et en araméen ; une vingtaine d’autres contenaient des objets contemporains du site. Certains rouleaux, enveloppés de tissu et conservés dans des jarres en terre cuite, étaient en bon état et n’ont guère présenté de difficultés d’identification. Dans d’autres cavités, au contraire, on ne trouva que des fragments de parchemins qu’il fallut d’abord classer, répertorier et photographier avant de pouvoir les publier.
«On dispose désormais de l’essentiel»
Pendant plus de soixante années, un énorme travail d’édition – entravé par les conflits politiques dans la région – a été mené par un comité international. Depuis 1991, ce comité d’une quarantaine de chercheurs est présidé par l’Israélien Emmanuel Tov (Université hébraïque de Jérusalem), aux côtés de l’Américain Eugene Ulrich (Université Notre-Dame en Pennsylvanie) et du Français Émile Puech (École biblique et archéologique française de Jérusalem, ou Ebaf).
On ne peut non plus réduire Qumrân aux querelles d’experts et aux déclarations passionnelles qu’ont provoquées les découvertes archéologiques à Khirbet Qumrân et leurs diverses interprétations, religieuses ou profanes, esséniennes ou non esséniennes. Car ce que révèlent d’abord et avant tout ces manuscrits de la mer Morte, c’est l’origine de l’Ancien Testament.
Parmi les 275 cavités fouillées à Qumrân, 11 grottes contenaient des manuscrits en hébreu et en araméen ; une vingtaine d’autres contenaient des objets contemporains du site. Certains rouleaux, enveloppés de tissu et conservés dans des jarres en terre cuite, étaient en bon état et n’ont guère présenté de difficultés d’identification. Dans d’autres cavités, au contraire, on ne trouva que des fragments de parchemins qu’il fallut d’abord classer, répertorier et photographier avant de pouvoir les publier.
«On dispose désormais de l’essentiel»
Pendant plus de soixante années, un énorme travail d’édition – entravé par les conflits politiques dans la région – a été mené par un comité international. Depuis 1991, ce comité d’une quarantaine de chercheurs est présidé par l’Israélien Emmanuel Tov (Université hébraïque de Jérusalem), aux côtés de l’Américain Eugene Ulrich (Université Notre-Dame en Pennsylvanie) et du Français Émile Puech (École biblique et archéologique française de Jérusalem, ou Ebaf).
Fragments du Rouleau du Temple, IIme siècle av. J.-C.
(Photos : Musée d'Israël, Jerusalem).
Aujourd’hui, quelque 900 manuscrits ont été publiés en 40 volumes, et une traduction en français est disponible (1). « On dispose désormais de l’essentiel, même si quelques fragments peuvent peut-être encore se trouver dans des collections privées », estime Katell Berthelot, brillante spécialiste du judaïsme antique qui codirige la publication bilingue de la bibliothèque de Qumrân. Parmi ces 900 manuscrits, on trouve trois grands types d’écrits.
Une vingtaine de rouleaux d’Isaïe a été retrouvée
D’abord des textes bibliques, avec tous les livres de l’Ancien Testament (sauf celui d’Esther), notamment une quarantaine d’exemplaires de psautiers (mais aucun complet). L’ordre des psaumes n’était pas le même qu’aujourd’hui et, de plus, on en trouvait parfois 152 ou 153 – au lieu de 150.
« Émotionnellement, c’est extraordinaire de se dire que certains de ces textes ont pu passer entre les mains de Jésus, Pierre ou Paul », poursuit Katell Berthelot. On trouve également tous les prophètes connus aujourd’hui, avec cependant une prépondérance du grand prophète Isaïe. Une vingtaine de rouleaux d’Isaïe a été retrouvée, notamment deux rouleaux, longs de plus de sept mètres, que l’on peut admirer au Musée du Livre, à Jérusalem.
Ces rouleaux d’Isaïe ont un aspect « rafistolé » – selon l’expression de Laurent Hericher, conservateur en chef à la BNF –, avec des ratures ou des rattrapages d’oublis dans les marges.
Psaumes, Isaïe et Deutéronome : le « kit de base »
Enfin, toujours parmi les textes bibliques retrouvés à Qumrân, le Pentateuque (Torah) est très représenté, avec en particulier une trentaine d’exemplaires du Deutéronome (livre à caractère juridique), dans une forme assez proche de celle que l’on connaît.
Une vingtaine de rouleaux d’Isaïe a été retrouvée
D’abord des textes bibliques, avec tous les livres de l’Ancien Testament (sauf celui d’Esther), notamment une quarantaine d’exemplaires de psautiers (mais aucun complet). L’ordre des psaumes n’était pas le même qu’aujourd’hui et, de plus, on en trouvait parfois 152 ou 153 – au lieu de 150.
« Émotionnellement, c’est extraordinaire de se dire que certains de ces textes ont pu passer entre les mains de Jésus, Pierre ou Paul », poursuit Katell Berthelot. On trouve également tous les prophètes connus aujourd’hui, avec cependant une prépondérance du grand prophète Isaïe. Une vingtaine de rouleaux d’Isaïe a été retrouvée, notamment deux rouleaux, longs de plus de sept mètres, que l’on peut admirer au Musée du Livre, à Jérusalem.
Ces rouleaux d’Isaïe ont un aspect « rafistolé » – selon l’expression de Laurent Hericher, conservateur en chef à la BNF –, avec des ratures ou des rattrapages d’oublis dans les marges.
Psaumes, Isaïe et Deutéronome : le « kit de base »
Enfin, toujours parmi les textes bibliques retrouvés à Qumrân, le Pentateuque (Torah) est très représenté, avec en particulier une trentaine d’exemplaires du Deutéronome (livre à caractère juridique), dans une forme assez proche de celle que l’on connaît.
Fac-similé du Rouleau d’Isaïe
Photo : Michael Falter/www.facsimile-editions.com).
On peut donc penser que les Psaumes, Isaïe et le Deutéronome – tel un « kit de base », selon l’expression de Michael Langlois, jeune philologue franco-américain de l’université de Strasbourg – étaient les trois livres bibliques les plus lus à Qumrân, et sans doute aussi dans toutes les synagogues de l’époque. Or ce sont ces trois livres de l’Ancien Testament qui sont le plus souvent cités dans les Évangiles et dans les Lettres de Paul.
Différents textes propres à la communauté
Par ailleurs, ces textes bibliques qumrâniens présentent certaines différences avec les plus anciennes versions hébraïques connues jusque-là, appelées « massorétiques » – du nom des savants massorètes qui ont vocalisé la Torah aux IXe-Xe siècles.
Autre grand type d’écrits des rives de la mer Morte : les textes parabibliques, dits « apocryphes ». On a notamment découvert le Livre d’Hénoch, une grande apocalypse juive qui n’était connue que dans des versions éthiopienne et grecque.
Enfin, derniers types d’écrits : ceux propres à la communauté de Qumrân, dits « sectaires ». Parmi ces écrits communautaires, on range divers commentaires des livres bibliques ainsi qu’un « rouleau du Temple » – dont on ne sait toujours pas à quel usage il était destiné. Mais surtout, on y classe cinq exemplaires de la Règle de la communauté (longtemps appelée Manuel de discipline) dont certains termes posent bien des questions.
«Aujourd’hui, on réévalue à la baisse le nombre de textes communautaires»
Ainsi, le « maître de justice » (dirigeant la communauté) est décrit comme devant être « mis à mort » avec des « blessures » et des « transpercements ». Ce qui a fait dire à Robert Eisenman, professeur de religions proche-orientales à l’université de Long Beach (Californie) dans les années 1990, que les esséniens attendaient un Messie qui devait souffrir et mourir – sans affirmer pour autant que ce « maître de justice » pourrait être le Christ.
Le terme de « fils de Sadoq » a également interrogé : il apparaissait déjà dans le Document de Damas (découvert au Caire au début du XXe siècle) qui fait allusion à des juifs qui, ne supportant plus la corruption sacerdotale (à l’époque, seul un descendant de Sadoq pouvait être grand prêtre à Jérusalem), partent au désert en direction de Damas.
« Aujourd’hui, on réévalue à la baisse le nombre des textes initialement considérés comme communautaires », conclut Katell Berthelot en souhaitant que les chercheurs, qui disposent maintenant de l’ensemble des manuscrits, « réexaminent les théories à la lumière de l’ensemble ».
Actuellement des recherches portent sur le système calendaire, ainsi que sur les textes liturgiques et de sagesse. Car comme le dit Michael Langlois, autre représentant de cette nouvelle génération de qumrânologues francophones, « ce qui paraissait clair hier ne l’est plus du tout aujourd’hui ».
Différents textes propres à la communauté
Par ailleurs, ces textes bibliques qumrâniens présentent certaines différences avec les plus anciennes versions hébraïques connues jusque-là, appelées « massorétiques » – du nom des savants massorètes qui ont vocalisé la Torah aux IXe-Xe siècles.
Autre grand type d’écrits des rives de la mer Morte : les textes parabibliques, dits « apocryphes ». On a notamment découvert le Livre d’Hénoch, une grande apocalypse juive qui n’était connue que dans des versions éthiopienne et grecque.
Enfin, derniers types d’écrits : ceux propres à la communauté de Qumrân, dits « sectaires ». Parmi ces écrits communautaires, on range divers commentaires des livres bibliques ainsi qu’un « rouleau du Temple » – dont on ne sait toujours pas à quel usage il était destiné. Mais surtout, on y classe cinq exemplaires de la Règle de la communauté (longtemps appelée Manuel de discipline) dont certains termes posent bien des questions.
«Aujourd’hui, on réévalue à la baisse le nombre de textes communautaires»
Ainsi, le « maître de justice » (dirigeant la communauté) est décrit comme devant être « mis à mort » avec des « blessures » et des « transpercements ». Ce qui a fait dire à Robert Eisenman, professeur de religions proche-orientales à l’université de Long Beach (Californie) dans les années 1990, que les esséniens attendaient un Messie qui devait souffrir et mourir – sans affirmer pour autant que ce « maître de justice » pourrait être le Christ.
Le terme de « fils de Sadoq » a également interrogé : il apparaissait déjà dans le Document de Damas (découvert au Caire au début du XXe siècle) qui fait allusion à des juifs qui, ne supportant plus la corruption sacerdotale (à l’époque, seul un descendant de Sadoq pouvait être grand prêtre à Jérusalem), partent au désert en direction de Damas.
« Aujourd’hui, on réévalue à la baisse le nombre des textes initialement considérés comme communautaires », conclut Katell Berthelot en souhaitant que les chercheurs, qui disposent maintenant de l’ensemble des manuscrits, « réexaminent les théories à la lumière de l’ensemble ».
Actuellement des recherches portent sur le système calendaire, ainsi que sur les textes liturgiques et de sagesse. Car comme le dit Michael Langlois, autre représentant de cette nouvelle génération de qumrânologues francophones, « ce qui paraissait clair hier ne l’est plus du tout aujourd’hui ».
Claire LESEGRETAIN
(Source : www.la-croix.com)
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